Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 20

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Скачать книгу

C, toute la hauteur sera perdue pour l'oeil, la proportion de l'ordonnance architectonique placée au-dessus de B sera détruite par la perte de cet espace B C. Décorant les bandeaux de sculptures, surtout à l'intérieur, les architectes tenaient à présenter les ornements sur une surface perpendiculaire à la ligne visuelle; ils ne renoncèrent pas facilement aux plans inclinés E F, et se contentèrent de diminuer peu à peu les saillies E B.

      Tel est le profil (4) des bandeaux intérieurs du bras de croix sud de la cathédrale de Soissons, du choeur de Saint-Remy de Reims (fin du XIIe siècle).

      À l'extérieur, on avait également reconnu que les bandeaux saillants dont le lit supérieur était laissé horizontal avaient l'inconvénient de ne pas donner un écoulement prompt aux eaux pluviales. Les bandeaux extérieurs taillés suivant le profil A (5) retenaient la neige, faisaient rejaillir les gouttes de pluie projetées suivant C D jusqu'en E, se détérioraient facilement et étaient une cause de ruine pour la base des parements F G élevés au-dessus de leur saillie, à cause de ce rejaillissement. Jusqu'au commencement du XIIIe siècle, on décorait volontiers les bandeaux extérieurs, comme ceux intérieurs, d'ornements sculptés, particulièrement dans les provinces de la Normandie, du Poitou, de la Saintonge, du Languedoc et de l'est; on tenait à ce que les sculptures fussent vues, et en même temps préservées des dégradations causées par les eaux pluviales. Ces ornements étaient taillés sur un bizeau, une doucine ou un talon très-plats et protégés par le lit horizontal supérieur; les ornements les plus ordinaires étaient des dents de scie, des billettes, des damiers (voy. ces mots). Mais lorsque au XIIe siècle, dans les provinces du nord particulièrement, tous les membres de l'architecture furent soumis à un système général de construction, tendant à ne jamais présenter à la pluie des surfaces horizontales, on protégea les bandeaux eux-mêmes par des talus en pierre et une mouchette.

      C'est ainsi que sont disposés les bandeaux de la tour Saint-Romain (6) de la cathédrale de Rouen (XIIe siècle). À la même époque, dans les provinces méridionales, on se contentait de donner aux bandeaux extérieurs une faible saillie, mais on ne les surmontait pas d'une pente très-prononcée comme on le faisait dans l'Ile de France, la Picardie et la Normandie, et leurs ornements n'étaient pas abrités par une saillie formant mouchette.

      Entre autres exemples, nous donnons ici (7) un des bandeaux extérieurs du bas-côté nord de l'église Saint-Euthrope de Saintes, qui, sans offrir à la pluie des aspérités pouvant être facilement détruites, ne sont pas cependant garantis par une assise ou un profil formant larmier. Il n'est pas besoin de dire que ces détails d'architecture présentent une grande variété, soit comme profils, soit comme ornementation; nous ne prétendons donner dans cet article que leurs dispositions générales. Nous ne saurions cependant passer sous silence les bandeaux extérieurs qui servent de soubassement au triforium des églises d'Autun, de Beaune et de Langres; leur ornementation est trop empreinte des traditions romaines, pour que nous ne reproduisions pas un de ces exemples. Voici le bandeau qui pourtourne le choeur de l'église de Beaune, à la hauteur du sol des galeries surmontant les bas-côtés (8). Le même bandeau, à peu de différences près, se retrouve à la cathédrale d'Autun; à Langres, les rosaces sont remplacées par un enroulement évidemment copié sur des fragments antiques.

      Au XIIIe siècle, les bandeaux deviennent plus rares dans l'architecture que pendant la période romane. Déjà, à cette époque, les architectes semblaient exclure la ligne horizontale, et ils ne lui donnaient qu'une importance relativement secondaire. Cependant l'architecte de la cathédrale d'Amiens avait cru devoir accuser très-vigoureusement la hauteur du sol du triforium dans l'intérieur de la nef, par un large bandeau richement décoré de feuillages très-saillants; ce bandeau prend d'autant plus d'importance dans l'ordonnance architectonique de cet intérieur, qu'il passe devant les faisceaux de colonnes et les coupe vers le milieu de leur hauteur (9).

      A indique la coupe de ce bandeau avec l'appui du triforium. Évidemment, ici, le maître de l'oeuvre a voulu rompre les lignes verticales qui dominent dans cette nef, dont la construction remonte à 1230 environ (voy. ARCHITECTURE RELIGIEUSE, fig. 35). Il y avait là comme un dernier souvenir de l'architecture romane 75. Sans avoir une aussi grande importante, il arrive presque toujours que les bandeaux, dans les édifices du commencement du XIIIe siècle, passent devant les faisceaux de colonnes, et servent de bagues pour maintenir leurs fûts posés en délit (voy. BAGUE). Quelquefois aussi les bandeaux s'arrondissent en corbeille, et, soutenus par un cul-de-lampe, servent de point d'appui à des faisceaux de colonnettes ne naissant qu'au-dessus des colonnes du rez-de-chaussée entre les archivoltes. Cette disposition est particulièrement adoptée lorsque les piles de rez-de-chaussée sont monocylindriques mais non composées de la réunion des colonnes qui doivent porter les voûtes supérieures. L'intérieur de l'église de Notre-Dame de Semur en Auxois présente de ces bandeaux devenant tablettes de cul-de-lampe sous les bases des colonnettes supérieures (10).

      Pendant le XIIIe siècle, à l'extérieur, les bandeaux ne sont plus guère que des moulures avec larmiers sans ornements; car les architectes de cette époque craignaient évidemment de détruire l'effet des lignes verticales, en donnant aux membres horizontaux de leur architecture une trop grande importance, et la sculpture, en occupant les yeux, aurait prêté aux bandeaux trop de valeur. Cependant on voit encore quelquefois, à cette époque, des bandeaux avec ornements; mais c'est lorsque l'on a voulu indiquer un étage ou sol. C'est ainsi qu'à l'extérieur de la Sainte-Chapelle de Paris il existe un grand bandeau décoré de feuilles et de crochets au niveau du sol de la chapelle haute.

      Si séduisante que soit l'architecture romane du Poitou et des provinces de l'ouest, il faut convenir qu'elle n'est pas si scrupuleuse, et ses monuments sont parfois couverts de bandeaux sculptés dont la place est déterminée seulement par le goût ou la fantaisie de l'artiste, non par un étage, une ordonnance d'architecture distincte. Pendant la période romane, beaucoup de membres horizontaux d'architecture dont la fonction est très-secondaire, comme les impostes des archivoltes, les tailloirs des chapiteaux de colonnes engagées, des appuis de croisées, où les tablettes basses des arcatures de couronnement, deviennent de véritables bandeaux, c'est-à-dire qu'ils pourtournent toutes les saillies de la construction, tels que les contre-forts, par exemple. Jusqu'à la fin du XIIe siècle, cette méthode persiste; mais quand le système de l'architecture ogivale est développé, on ne voit jamais ces membres secondaires horizontaux devenir des bandeaux. Cela est bien évident à la Sainte-Chapelle de Paris; seul, le profil dont nous venons de parler, et qui indique le niveau du sol de la chapelle haute, pourtourne l'édifice, passe sur les nus des murs comme sur les contre-forts. À la cathédrale d'Amiens, à la cathédrale de Reims et à celle de Chartres, les appuis des fenêtres du rez-de-chaussée forment bandeau, mais sans ornements (voy. CHAPELLE); à partir de ce profil, les contre-forts montent verticalement sans ressauts ni interruption horizontale sur les côtés, leurs faces étant seules munies de larmiers qui empêchent les eaux de laver leurs parements exposés à la pluie. Il ne peut en être autrement; lorsqu'on examine la structure des édifices dans lesquels le système ogival est franchement adopté et suivi, toute la construction ne se composant que de contre-forts entre lesquels des fenêtres s'ouvrent dans toute la hauteur des étages, il n'y avait pas de murs; les bandeaux indiquent des repos horizontaux, des arases, étaient contraires à ce système vertical; leur effet eût été fâcheux; leurs profils saillants sur les faces latérales des contre-forts seraient venus pénétrer gauchement les piédroits

Скачать книгу


<p>75</p>

Nous avons entendu souvent louer ou blâmer la disposition du grand bandeau de la cathédrale d'Amiens, par des personnes compétentes. Mais la vérité nous force d'ajouter que les louanges étaient données par des amateurs de l'architecture gothique, à son apogée, elle blâme par des enthousiastes du style roman. Comme dans l'un ou l'autre cas il y avait contradiction entre les goûts et les jugements de chacun, nous ne savons trop quel jugement porter nous-même. Nous dirons seulement que le parti adopté à Amiens est franc, qu'il dénote une intention bien arrêtée, que cet intérieur de nef nous paraît être le plus beau spécimen que nous possédions en France de l'architecture du XIIIe siècle, que nous nous rendons difficilement compte de l'effet que produirait cet intérieur dépourvu de cette riche ceinture de feuillages vigoureusement refouillés, s'il y gagnerait ou s'il y perdrait; et prenant la chose pour for-belle, exécutée par des artistes aussi bons connaisseurs que nous, et plus familiers avec les grands effets, nous ne pouvons qu'approuver cette hardiesse de l'architecte de la nef d'Amiens.