Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 10

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Скачать книгу

rigoureuses, qui nous entraînent bien loin du point de départ. Il faut dire que les premiers constructeurs gothiques, rebutés, non sans raison, par les tentatives des constructeurs romans, qui, la plupart, aboutissaient à des déceptions, ne s'effrayèrent pas des suites de leurs nouvelles méthodes, mais, au contraire, cherchèrent à profiter, avec une rare sagacité, de toutes les ressources qu'elles allaient leur offrir.

      Les constructeurs gothiques n'avaient point trouvé l'arc brisé; il existait, ainsi que nous l'avons vu plus haut, dans des constructions dont le système était franchement roman. Mais les architectes gothiques appliquèrent l'arc brisé à un système de construction dont ils sont bien les seuls et les véritables inventeurs. Il y a des arcs brisés, au XIIe siècle, par toute l'Europe occidentale. Il n'y a de construction gothique, à cette époque, qu'en France, et sur une petite partie de son territoire actuel, n'en déplaise à ceux qui n'admettent pas qu'on ait inventé quelque chose chez nous avant le XVIe siècle.

      Il en est de l'arc brisé comme de toutes les inventions de ce monde qui sont à l'état latent bien avant de recevoir leur application vraie. La poudre à canon était inventée au XIIIe siècle; on ne l'emploie réellement qu'au XVe, parce que le moment est venu où cet agent de destruction trouve son application nécessaire. Il en est de même de l'imprimerie: de tout temps on a fabriqué des estampilles; mais l'idée de réunir des lettres de bois ou de métal et d'imprimer des livres ne vient que lorsque beaucoup de gens savent lire, que les connaissances et l'instruction se répandent dans toutes les classes et ne sont plus le privilége de quelques clercs enfermés dans leur couvent. Léonard de Vinci, et peut-être d'autres avant lui, ont prévu que la vapeur deviendrait une force motrice facile à employer; on n'a cependant fait des machines à vapeur que de notre temps, parce que le moment était venu où cet agent, par sa puissance, était seul capable de suffire aux besoins de notre industrie et à notre activité. Il est donc puéril de nous dire que l'arc brisé étant de tous les temps, les constructeurs du XIIe siècle n'ont pas à revendiquer son invention. Certes, ils ne l'ont pas inventé, mais ils s'en sont servi en raison de ses qualités, des ressources qu'il présente dans la construction; et, nous le répétons, c'est seulement en France, c'est-à-dire dans le domaine royal et quelques provinces environnantes, qu'ils ont su l'appliquer à l'art de bâtir, non comme une forme que l'on choisit par caprice, mais comme un moyen de faire prévaloir un principe dont nous allons chercher à faire connaître les conséquences sérieuses et utiles.

      Si, en adoptant l'arc plein cintre pour les diagonales des voûtes, les constructeurs de la fin du XIIe siècle eussent voulu l'appliquer aux arcs doubleaux et aux formerets, ils auraient d'abord fait un pas en arrière, puisque leurs devanciers avaient adopté l'arc brisé, à la suite de fâcheuses expériences, comme poussant moins que l'arc plein cintre; puis ils se fussent trouvés fort embarrassés de fermer leurs voûtes. En effet, les clefs des arcs doubleaux et des arcs formerets tracés sur un demi-cercle se seraient trouvés tellement au-dessous du niveau des clefs des arcs ogives, qu'il eût été difficile de fermer les remplissages en moellons, et que, les eût-on fermés, l'aspect de ces voûtes eût été très-désagréable, leur poussée considérable, puisqu'elle aurait été composée d'abord des arcs doubleaux plein cintre et de la charge énorme que les remplissages en moellons y eussent ajoutée. Au contraire, l'avantage de l'arc en tiers-point adopté pour les arcs doubleaux, dans les voûtes en arcs d'ogive, est, non-seulement de pousser très-peu par lui-même, mais encore de supprimer une grande partie de la charge des remplissages en moellons, ou plutôt de rendre cette charge presque verticale.

      En effet, soit (23) le plan d'une voûte en arcs d'ogive; si les arcs AD CB sont des pleins cintres, mais que les arcs doubleaux AB CD soient aussi des pleins cintres, le rabattement de ces arcs donnera, pour les arcs ogives, le demi-cercle EFG, pour les arcs doubleaux le demi-cercle EHI. Dans ce cas, le remplissage en moellons du triangle COD chargera l'arc de cercle KHL, c'est-à-dire les trois cinquièmes du demi-cercle environ. Mais si les arcs doubleaux sont tracés suivant l'arc brisé EMI, le remplissage en moellons du triangle COD ne chargera que la portion de cet arc comprise entre PMR, les points P et R étant donnés par une tangente ST parallèle à la tangente VX, et les portions de remplissages comprises entre ER, IP agiront verticalement. Si les arcs doubleaux sont des demi-cercles, la charge oblique de chaque triangle de moellon sera ON QQ' N'; tandis que, s'ils sont tracés en tiers-point comme l'indique notre figure, cette charge ne sera que ONY Y'N'.

      La méthode expérimentale suffit pour donner ces résultats, et, à la fin du XIIe siècle, les constructeurs n'en avaient point d'autre. C'est à nous de démontrer l'exactitude de cette méthode.

      Nous venons de dire que le point K où commence la charge des remplissages donne un arc IK, qui est le cinquième environ du demi-cercle. Or (24) soit AB un quart de cercle, OC une ligne tirée à 45 degrés divisant ce quart de cercle en deux parties égales; les claveaux placés de C en B, s'ils ne sont maintenus par la pression des autres claveaux posés de B en D, basculeront par les lois de la pesanteur et pousseront par conséquent les claveaux posés de A en C. Donc c'est en C que la rupture de l'arc devrait avoir lieu; mais il faut tenir compte du frottement des surfaces des lits des claveaux et de l'adhérence des mortiers. Ce frottement et cette adhérence suffisent encore pour maintenir dans son plan le claveau F et le rendre solidaire du claveau inférieur G. Mais le claveau F participant à la charge des claveaux posés de F en B entraîne le claveau G et quelquefois un ou deux au-dessous jusqu'au point où les coupes des claveaux donnent un angle de 35 degrés, lequel est un peu moins du cinquième du demi-cercle. C'est seulement au-dessus de ce point que la rupture se fait lorsqu'elle doit avoir lieu (voy. fig. 16) et par conséquent que la charge active commence.

      Soit calcul théorique ou pratique, il est certain que les constructeurs du XIIe siècle comptèrent un moment réduire assez les poussées des voûtes pour se passer de buttées et les maintenir sur des piles d'une épaisseur médiocre, pourvu qu'elles fussent chargées; car ils ne pensèrent pas tout d'abord qu'il fût nécessaire d'opposer des arcs-boutants à des poussées qu'ils croyaient avoir à peu près annulées, soit par l'obliquité des arcs ogives, soit par la courbe brisée des arcs doubleaux. Cependant l'expérience leur démontra bientôt qu'ils s'étaient trompés. La résultante des poussées obliques des arcs ogives plein cintre, ajoutée à la poussée des arcs doubleaux en tiers-point, était assez puissante pour renverser des piles très-élevées au-dessus du sol et qui n'étaient qu'un quillage sans assiette. Ils posèrent donc des arcs-boutants, d'abord seulement au droit des points de jonction A des trois arcs (25), et s'en passèrent au droit des points B recevant des arcs doubleaux isolés. Mais à quel niveau faire arriver la tête de ces arcs-boutants? C'était là une difficulté d'autant plus grande que le calcul théorique ne donne pas exactement ce point et qu'une longue expérience seule peut l'indiquer. Autant qu'on en peut juger par le petit nombre d'arcs-boutants primitifs conservés, voici quelle est la méthode suivie par les architectes.

      Soit (26) ABC l'arc doubleau séparatif des grandes voûtes; soit du point D, centre de l'arc AB, une ligne DE tirée suivant un angle de 35 degrés avec l'horizon; soit FG une tangente au point H; soit AI l'épaisseur du mur ou de la pile; la tangente FG rencontrera la ligne IK extérieure de la pile au point L. C'est ce point qui donne l'intrados du claveau de tête de l'arc-boutant. Cet arc est alors un quart de cercle ou un peu moins, son centre étant placé sur le prolongement de la ligne KI ou un peu en dedans de cette ligne. La charge MN de l'arc-boutant est primitivement assez arbitraire, faible au sommet M, puissante au-dessus de la culée en N, ce qui donne une inclinaison peu prononcée à la ligne du chaperon NM. Bientôt des effets se manifestèrent dans ces constructions, par suite des poussées des voûtes et malgré ces arcs-boutants; voici pourquoi: derrière les reins des arcs et des voûtes en T, on bloquait des massifs de maçonnerie

Скачать книгу