Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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du rez-de-chaussée par un escalier B, pris aux dépens de l'épaisseur du mur, qui n'a pas moins de quatre mètres. En C est un puits et en D une fosse de latrines. Du vestibule E de la poterne, tournant à main gauche, on descendait donc par le degré B à l'étage inférieur; tournant à main droite, on montait par quelques marches au niveau du premier étage. Le vestibule E était ainsi placé à mi-étage afin que l'assaillant, entrant précipitamment par la poterne et allant droit devant lui, tombât d'une hauteur de quatre mètres au moins en F sur le sol de la cave, où il se trouvait enfermé; les défenseurs postés sur la rampe ascendante de droite devaient d'ailleurs le pousser dans cette fosse ouverte. La rampe de droite arrivait donc au niveau du premier étage (16), en G; de là on entrait dans la salle par l'embrasure d'une fenêtre.

      Mais si l'on voulait monter au second étage, il fallait entrer dans le petit corps-de-garde H, placé juste au-dessus du vestibule de la poterne et percé d'un mâchicoulis, prendre la rampe d'escalier I qui menait à un escalier à vis desservant le second étage et les étages supérieurs; l'arrivée au niveau du second étage était placée au-dessus du point G. La margelle du puits C était placée sur les voûtes du rez-de-chaussée: c'était donc du premier étage que l'on tirait l'eau nécessaire aux besoins de la garnison. En L se voit un cabinet d'aisances. Le premier étage était primitivement couvert par un plancher dont les poutres principales, conformément au tracé ponctué, portaient sur la colonne centrale. Vers le milieu du XIIIe siècle, ce plancher fut remplacé par des voûtes. Les profils d'arêtiers de ces voûtes, les culs-de-lampe qui les portent, et la façon dont ils ont été incrustés après coup dans la construction, sont des signes certains de la restauration qui a modifié les dispositions premières du donjon d'Étampes. Le petit corps-de-garde H, placé au-dessus de la poterne, contenait probablement le mécanisme destiné à faire jouer le pont volant s'abattant sur la chaussée A'.

      Le second étage (17) était destiné à l'habitation du seigneur. Il est muni de deux cheminées O et possède des latrines en L. On voit en G' l'arrivée de l'escalier dans une embrasure de fenêtre dont le sol est placé un peu au-dessous du plancher. Quatre colonnes engagées portent deux gros arcs doubleaux diagonaux dont nous reconnaîtrons l'utilité tout à l'heure; de plus, deux autres arcs doubleaux sont bandés en P, pour porter le comble central. L'escalier à vis continuait et arrivait au niveau du troisième étage crénelé disposé pour la défense. Le comble se composait d'un pavillon carré pénétré par des croupes coniques.

      Supposons maintenant (18) une coupe faite sur la ligne AB des plans. Nous voyons en F la fausse entrée intérieure percée au niveau du sol de la poterne et tombant dans la cave; en B', la rampe descendant sur le sol de cette cave le long du puits; en G, l'arrivée de la rampe au niveau du sol du premier étage; en H, la porte donnant entrée dans le corps-de-garde situé au-dessus du vestibule de la poterne et dans l'escalier, partie à vis, dont la première issue se voit en G', à quelques marches au-dessous du sol du second étage. En continuant à monter cet escalier à vis, on arrivait à la porte M, percée au niveau du plancher du troisième étage, au-dessus de la grand'salle, étage uniquement destiné à la défense. Mais pour que les défenseurs pussent recevoir facilement des ordres du commandant demeurant ans cette grand'salle, ou le prévenir promptement de ce qui se passait au dehors, on avait établi des sortes de tribunes T à mi-hauteur de cette salle, dans les quatre lobes formés par le quatre-feuilles, tribunes auxquelles on descendait par des échelles de meunier passant à travers le plancher du troisième étage, ainsi que l'indique le plan de la partie supérieure (19). Cette disposition avait encore l'avantage de permettre de réunir toute la garnison dans la grand'salle sans encombrement, et d'envoyer promptement les défenseurs aux créneaux. On retrouve en place aujourd'hui les scellements des poutres principales de ces quatre tribunes, les corbeaux qui recevaient les liens, les naissances des arcs doubleaux diagonaux et des arcs parallèles avec l'amorce des deux murs qu'ils portaient; les baies supérieures sont conservées jusqu'à moitié environ de leur hauteur.

      Le plan (fig. 19) fait voir que la partie supérieure était complétement libre, traversée seulement par les murs portant sur les deux arcs doubleaux marqués P dans le plan du second étage, murs percés de baies et destinés à porter la toiture centrale. Les deux gros arcs doubleaux diagonaux supportaient le plancher et le poinçon du comble. En effet, ce plancher, sur lequel il était nécessaire de mettre en réserve un approvisionnement considérable de projectiles, et qui avait à résister au mouvement des défenseurs, devait offrir une grande solidité. Il fallait donc que les solives fussent soulagées dans leur portée; les arcs diagonaux remplissaient parfaitement cet office. L'étage supérieur était percé de nombreux créneaux, ainsi que l'indique une vue cavalière gravée par Chastillon, et devait pouvoir être garni de hourds en temps de siége, conformément au système défensif de cette époque. Ces hourds, que nous avons figurés en plan (fig. 19), se retrouvent en S' sur l'un des lobes de la tour en élévation extérieure (20).

      Cette élévation est prise du côté de la poterne. Aujourd'hui les constructions supérieures, à partir du niveau V, n'existent plus; mais, quoique ce donjon 21 soit fort ruiné, cependant toutes ses dispositions intérieures sont parfaitement visibles et s'expliquent pour peu qu'on apporte quelque attention dans leur examen. La bâtisse est bien faite; les pieds-droits des fenêtres, les arcs, les piles et angles sont en pierre de taille; le reste de la maçonnerie est en moellon réuni par un excellent mortier. Le donjon d'Étampes devait être une puissante défense pour l'époque; très-habitable d'ailleurs, il pouvait contenir une nombreuse garnison relativement à la surface qu'il occupe.

      Les donjons sont certainement de toutes les constructions militaires celles qui expliquent le plus clairement le genre de vie, les habitudes et les moeurs des seigneurs féodaux du moyen âge. Le seigneur féodal conservait encore quelque chose du chef frank, il vivait dans ces demeures au milieu de ses compagnons d'armes; mais cependant on s'aperçoit déjà, dès le XIIe siècle, qu'il cherche à s'isoler, à se séparer, lui et sa famille, de sa garnison; on sent la défiance partout, au dedans comme en dehors de la forteresse. La nuit, les clefs du donjon et même celles du château étaient remises au seigneur, qui les plaçait sous son chevet 22. Comme nous l'avons vu et le verrons, le véritable donjon est rapproché des dehors; il possède souvent même des issues secrètes indépendantes de celles du château, pour s'échapper ou faire des sorties dans la campagne; ses étages inférieurs, bien murés, sont destinés aux provisions; ses étages intermédiaires contiennent une chapelle et l'habitation; son sommet sert à la défense; on y trouve toujours un puits, des cheminées et même des fours. D'ailleurs, les donjons présentent des dispositions très-variées, et cette variété indique l'attention particulière apportée par les seigneurs dans la construction d'une partie si importante de leurs châteaux. Il est évident que chaque seigneur voulait dérouter les assaillants par des combinaisons défensives nouvelles et qui lui appartenaient. C'est à dater du XIIe siècle que l'on remarque une singulière diversité dans ces demeures fortifiées; autant de donjons en France, autant d'exemples. Nous choisirons parmi ces exemples ceux qui présentent le plus d'intérêt au point de vue de la défense, car il faudrait sortir des limites que nous nous sommes imposées dans cet ouvrage pour les donner tous.

      Suger 23 dit quelques mots du château de La Roche-Guyon, à propos de la trahison de Guillaume, beau-frère du roi, envers son gendre Gui. «Sur un promontoire que forment dans un endroit de difficile accès les rives du grand fleuve de la Seine, est bâti un château non noble, d'un aspect effrayant, et qu'on nomme La Roche-Guyon: invisible à sa surface, il est creusé

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<p>21</p>

Connu sous le nom de tour de la Guinette.

<p>22</p>

«Si que la nuyt venue qu'il le devoit livrer, il alla (le chambellan) prendre les clefz dessoubz le chevet de Gerart qui se dormoit avec ma dame Berte en son donion, et ouvrit la porte du chasteau au roy et aux Françoys.» (Gérard de Roussillon, édit. de Lyon, 1856.)

<p>23</p>

Vie de Louis le Gros, ch. XVI. Mém. rel. à l'hist. de France, trad. de M. Guizot.