Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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catastrophe. Il est certain que ce moyen fut souvent employé par des assaillants; aussi pensa-t-on bientôt à voûter au moins les étages inférieurs des donjons.

      Il existe encore à Provins un donjon bâti sur le point culminant de cette ville, si curieuse par la quantité d'édifices publics et privés qu'elle renferme: c'est la tour dite de César, ou la Tour-le-Roi, ou Notre-Sire-le-Roi. C'est un véritable donjon dont relevaient la plupart des fiefs du domaine de Provins, et qui fut construit vers le milieu du XIIe siècle. Le donjon de Provins présente en plan un octogone à quatre côtés plus petits que les quatre autres, les petits côtés étant flanqués de tourelles engagées à leur base, mais qui, se détachant du corps de la construction dans la partie supérieure, permettent ainsi de battre tous les alentours. Ce donjon pouvait être garni d'un grand nombre de défenseurs, à cause des différents étages en retraite et de la position flanquante des tourelles.

      Voici (25) le plan du rez-de-chaussée de ce donjon dont la base fut terrassée, au XVe siècle, par les Anglais, pour recevoir probablement de l'artillerie à feu. En C, on voit la place qu'occupe ce terrassement. En P est un puits auquel on descend par une rampe dont l'entrée est en F. En G, un four établi au XVe siècle; en H, une ancienne chapelle.

      La fig. 26 donne le plan du premier étage de ce donjon; c'est seulement au niveau de cet étage que l'on trouvait quatre poternes I mises en communication avec la chemise extérieure au moyen de ponts volants. D'un côté, au sud, l'un de ces ponts volants, tombant sur une chaussée détournée, correspondait au mur de prolongement D aboutissant à la porte de Paris et mettant le parapet de la chemise en communication avec le chemin de ronde de ce rempart. Par l'escalier à vis K, on montait aux chemins de ronde supérieurs indépendants du logis. Il fallait du premier étage descendre au rez-de-chaussée, qui n'avait avec les dehors aucune communication. On trouve dans l'épaisseur du mur du rez-de-chaussée un assez vaste cachot qui, dit-on, servit de prison à Jean le Bon, duc de Bretagne. Le premier étage présente un grand nombre de réduits, de pièces séparées propres au logement des chefs. On pouvait du premier étage, par les quatre poternes I, se répandre facilement sur le chemin de ronde de la chemise, terrassée aujourd'hui.

      Le second étage (27) fait voir, en K, l'arrivée de l'escalier à vis; en L, les chemins de ronde crénelés auxquels on arrive par les petites rampes doubles N; en M, les quatre tourelles flanquantes. Ici, comme à Chambois, un chemin de ronde voûté en berceau se trouve sous le crénelage supérieur.

      La coupe (28), faite sur la ligne AB des plans du rez-de-chaussée et du premier étage, indique la descente au puits, les poternes percées à des niveaux différents, celle de droite, principale (puisqu'elle est percée en face le chemin d'arrivée), n'étant pas en communication directe avec la salle intérieure du premier étage. À mi-hauteur du premier étage, on voit un crénelage défendant les quatre faces principales; puis, à la hauteur du second étage, le chemin de ronde voûté en berceau et le crénelage supérieur dont les crénelages sont munis de hourds saillants débordant les tourelles. Aujourd'hui, la construction est à peu près détruite à partir du niveau XX. La position des hourds en bois des quatre faces supérieures ne paraît pas douteuse; on ne s'expliquerait pas autrement la retraite ménagée au-dessus du chemin de ronde de l'entre-sol, retraite qui paraît avoir été destinée à porter les pieds des grands liens de ces hourds, assez saillants pour former mâchicoulis en avant du chemin de ronde supérieur. Ces hourds, ainsi disposés, flanquent les tourelles qui, elles-mêmes, flanquent les faces.

      Une élévation intérieure (29), en supposant le mur de la chemise coupé suivant la ligne RS du plan, fig. 26, explique la disposition des poternes avec les ponts volants C, ainsi que les étages de défenses superposées avec les hourds de bois. Le donjon de Provins est bâti avec grand soin. Au XVIe siècle, ces ponts volants n'existaient plus; le mur de la chemise, dérasé, terrassé, laissait le seuil des poternes à quelques mètres au-dessus du niveau de la plate-forme, et on n'entrait dans le donjon que par des échelles 25. Le rez-de-chaussée et le premier étage, ainsi que le fait voir la coupe (fig. 28), sont voûtés, la voûte supérieure étant percée d'un oeil afin de permettre de hisser facilement des projectiles sur les chemins de ronde supérieurs et de donner des ordres du sommet aux gens postés dans la salle du premier étage.

      Le principal défaut de ces forteresses, en se reportant même au temps où elles ont été bâties, c'est la complication des moyens défensifs, l'exiguïté des passages, ces dispositions de détail multipliées, ces chicanes qui, dans un moment de presse, ralentissaient l'action de la défense, l'empêchaient d'agir avec vigueur et promptitude sur un point attaqué. Ces donjons des XIe et XIIe siècles sont plutôt faits pour se garantir des surprises et des trahisons que contre une attaque de vive force dirigée par un capitaine hardi et tenace. De ces sommets étroits, encombrés, on se défendait mal. Au moment d'une alerte un peu chaude, les défenseurs, par leur empressement même, se gênaient réciproquement, encombraient les chemins de ronde, s'égaraient dans les nombreux détours de la forteresse. Aussi, quand des princes devinrent assez puissants pour mettre en campagne des armées passablement organisées, nombreuses et agissant avec quelque ensemble, ces donjons romans ne purent se défendre autrement que par leur masse. Leurs garnisons, réduites à un rôle presque passif, ne pouvaient faire beaucoup de mal à des assaillants bien couverts par des mantelets ou des galeries, procédant avec méthode et employant déjà des engins d'une certaine puissance. Philippe-Auguste et son terrible adversaire, Richard-Coeur-de-Lion, tous deux grands preneurs de places, tenaces dans l'attaque, possédant des corps armés pleins de confiance dans la valeur de leurs chefs, excellents ingénieurs pour leur temps, firent une véritable révolution dans l'art de fortifier les places et particulièrement les donjons. Tous deux sentirent l'inutilité et le danger même, au point de vue de la défense, de ces détours prodigués dans les dernières forteresses romanes. Nous avons essayé de faire ressortir l'importance de la citadelle des Andelys, le Château-Gaillard, bâti sous la direction et sous les yeux de Richard 26; le donjon de cette forteresse est, pour le temps, une oeuvre tout à fait remarquable. Le premier, Richard remplaça les hourds de bois des crénelages par des mâchicoulis de pierre, conçus de manière à enfiler entièrement le pied de la fortification du côté attaquable.

      La vue perspective (30) du donjon du Château-Gaillard, prise du côté de la poterne, explique la disposition savante de ces mâchicoulis, composés d'arcs portés sur des contre-forts plus larges au sommet qu'à la base et naissant sur un talus prononcé très-propre à faire ricocher les projectiles lancés par les larges rainures laissées entre ces arcs et le nu du mur.

      Le plan (31) de ce donjon, pris au niveau de la poterne qui s'ouvre au premier étage, fait voir la disposition de cette poterne P, avec sa meurtrière enfilant la rampe très-roide qui y conduit et le large mâchicoulis qui la surmonte; les fenêtres ouvertes du côté de l'escarpement; l'éperon saillant A renforçant la tour du côté attaquable et contraignant l'assaillant à se démasquer; le front B développé en face la porte du château. Le degré C aboutissait à une poterne d'un accès très-difficile ménagée sur le précipice et s'ouvrant dans l'enceinte bien flanquée décrite dans l'article CHÂTEAU, fig. 11. Le donjon, dont le pied est entièrement plein et par conséquent à l'abri de la sape, se composait d'une salle ronde à rez-de-chaussée à laquelle il fallait descendre, d'un premier étage au niveau de la poterne P, d'un second étage au niveau des mâchicoulis avec chemin de ronde crénelé,

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<p>25</p>

Voy. l'excellent ouvrage de M. Félix Bourquelot sur l'Hist. de Provins. Provins, 1839. T. I, p. 305 et suivantes.

<p>26</p>

Voy. CHÂTEAU, fig. 11 et 44.