Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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donner des défilements à l'assaillant dans un grand nombre de cas, comme, par exemple, lorsqu'il parvenait à cheminer près des murailles entre deux tours et qu'il avait détruit leurs défenses supérieures. Tout système porte avec lui les défauts inhérents à ses qualités mêmes. Puisque les armes de jet avaient une plus longue portée, il fallait étendre autant que possible les fronts; cependant on ne pouvait négliger les flanquements, car si l'assaillant s'attachait au pied de la courtine, ils devenaient nécessaires: or, plus ces flanquements étaient formidables, moins les fronts pouvaient rendre de services pour la défense éloignée.

      Soit (7) un front AB muni de tours; BC est la largeur du fossé; le jet d'arbalète est EF. Si l'assaillant dispose son attaque conformément au tracé FGH, neuf embrasures le découvrent. Mais soit IK un front continu non flanqué de tours, l'attaque étant disposée de même que ci-dessus en FGH, les embrasures étant d'ailleurs percées à des distances égales à celles du front AB, treize de ces embrasures pourront découvrir l'assaillant. Que celui-ci traverse le fossé et vienne se poster en M, les assiégés ne peuvent se défendre que par les mâchicoulis directement placés au-dessus de ce point M; mais ils voient sur une grande longueur la nature des opérations de l'ennemi, et l'inquiètent par des sorties dans le fond du fossé, où il ne trouve aucun défilement.

      Quand on assiégeait régulièrement une place, à la fin du XIIIe siècle (voy. SIÉGE), on attaquait ordinairement deux tours, seulement pour éteindre leur feu, comme on dirait aujourd'hui, en démantelant leurs défenses supérieures, et on faisait brèche au moyen de la sape dans la courtine comprise entre ces deux tours; car, celles-ci réduites à l'impuissance, leur masse protégeait l'assaillant en couvrant ses flancs. Au moment de l'application définitive des mâchicoulis de pierre à la place des hourds, vers le commencement du XIVe siècle, il y eut évidemment une réaction contre le système défensif des fronts courts; on espaça beaucoup plus les tours, on agrandit les fronts entre elles, et, pour protéger ces fronts, sans rien ôter à leurs qualités, on les munit d'échauguettes P, ainsi que l'indique le tracé NO, fig. 7. Ce nouveau système fut particulièrement appliqué dans les défenses de la ville d'Avignon, élevées à cette époque. Ces défenses ont toujours dû être assez faibles; mais, eu égard au peu de relief des courtines, on a tiré un excellent parti de ce système d'échauguettes flanquantes, et la faiblesse de la défense ne résulte pas du nouveau parti adopté, qui avait pour résultat d'obliger l'assaillant à commencer ses travaux de siége à une plus grande distance de la place. Duguesclin, en brusquant les assauts toujours, donna tort au système des grands fronts flanqués seulement de tours très-espacées; les échauguettes n'étaient pas assez fortes pour empêcher une échelade vigoureuse; on y renonça donc vers la fin du XIVe siècle pour revenir aux tours rapprochées, et surtout pour augmenter singulièrement le relief des courtines. Examinons donc ces échauguettes des murailles papales d'Avignon.

      La fig. 8 présente le plan d'une de ces échauguettes au-dessous des mâchicoulis; elles ne consistent qu'en deux contre-forts extérieurs A, entre lesquels est pratiqué un talus dont nous allons reconnaître l'utilité; un arc réunit ces deux contre-forts.

      Voici (9) en A l'élévation extérieure de cet ouvrage, et en B sa coupe. L'échauguette s'élève beaucoup au-dessus de la courtine; elle est munie, à son sommet, comme celle-ci, de beaux mâchicoulis de pierre sur sa face et ses deux retours; de plus, ainsi que le fait voir la coupe, au droit du mur faisant fond entre les contre-forts, est pratiqué un second mâchicoulis C, comme une rainure de 0,25 c. de largeur environ. Si l'assaillant se présentait devant l'échauguette, il recevait d'aplomb les projectiles lancés par les mâchicoulis vus D et, obliquement, ceux qu'on laissait tomber par le second mâchicoulis masqué C; car on observera que, grâce au talus E, les boulets de pierre qu'on laissait choir par ce second mâchicoulis devaient nécessairement ricocher sur ce talus E et aller frapper les assaillants à une certaine distance du pied de l'échauguette au fond du fossé. Les deux contre-forts, le vide entre eux et le talus étaient donc une défense de ricochet, faite pour forcer l'assaillant à s'éloigner du pied du rempart et, en s'éloignant, à se présenter aux coups des arbalétriers garnissant les chemins de ronde de la courtine. Ces échauguettes flanquent les courtines, ainsi que le font voir les plans supérieurs (10 et 10 bis). Elles permettaient encore à un petit poste de se tenir à couvert, à l'intérieur, sous la galerie G, et de se rendre instantanément sur le chemin de ronde supérieur H, au premier appel de la sentinelle 51.

      La vue perspective intérieure (11) fait comprendre la disposition du petit poste couvert qui intercepte le passage au niveau du chemin de ronde de la courtine; elle explique les degrés qui montent à la plate-forme de l'échauguette, et rend compte de la construction de l'ouvrage. N'oublions pas de mentionner la présence des corbeaux A qui étaient placés ainsi à l'intérieur du rempart pour recevoir une filière portant des solives et un plancher, dont l'autre extrémité reposait intérieurement sur des poteaux, afin d'augmenter la largeur du chemin de ronde en temps de guerre, soit pour faciliter les communications, soit pour déposer les projectiles ou établir des engins. Nous avons expliqué ailleurs l'utilité de ces chemins de ronde supplémentaires (voy. ARCHITECTURE MILITAIRE, fig. 32 et 33).

      Ces sortes d'échauguettes interrompant la circulation sur les courtines avaient, comme les tours, l'avantage d'obliger les rondes à se faire reconnaître soit par la sentinelle placée au sommet de l'ouvrage, soit par le poste abrité sous la petite plate-forme supérieure. Quelquefois même ces échauguettes sont fermées, barrent complétement le chemin de ronde: ce sont de véritables corps de garde. Nous voyons encore une échauguette de ce genre sur la courtine occidentale de la forteresse de Villeneuve-lès-Avignon. Cette échauguette ne flanque pas la courtine et déborde à peine son parement extérieur; elle est réservée pour le service de la garnison. Voici son plan (12). En A est le chemin de ronde interrompu par l'échauguette et ses deux portes B; un seul créneau C a vue sur l'extérieur; en D est une petite cheminée. Deux ou trois hommes au plus pouvaient se tenir dans ce poste dont nous présentons (13) l'aspect intérieur, en supposant le comble, tracé en E, enlevé. Cette partie des murs de la citadelle de Villeneuve-lès-Avignon date de la première moitié du XIVe siècle.

      Les formes données aux échauguettes, pendant les XIVe et XVe siècles, sont très-variées; lorsqu'elles servent de flanquements, elles sont ou barlongues comme celles d'Avignon, ou semi-circulaires, ou à pans, portées sur des contre-forts, sur des encorbellements ou des corbeaux, suivant le besoin ou la nature des défenses; elles sont ou couvertes ou découvertes, contenant un ou plusieurs étages de crénelages, avec ou sans mâchicoulis.

      Il existait encore, en 1835, au sommet des remparts de l'abbaye du Mont-Saint-Michel-en-Mer, du côté du midi, une belle échauguette avec mâchicoulis sur la face et sur les côtés, interceptant, comme celle de Villeneuve-lès-Avignon, la communication sur le chemin de ronde de la courtine. Cette échauguette tenait aux constructions du XIVe siècle 52.

      Le plan (14), pris au niveau du crénelage, fait voir les deux baies fermant l'échauguette, la petite cheminée qui servait à chauffer les gens de guet, l'ouverture du mâchicoulis de face en A et celles des mâchicoulis latéraux en B. Ces mâchicoulis se fermaient au moyen de planchettes munies de gonds.

      La

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<p>51</p>

Le plan 10 est pris au niveau du parapet du chemin de ronde de la courtine; le plan 10 bis, au niveau du parapet de l'échauguette.

<p>52</p>

Depuis cette époque, la portion du rempart dont il est ici question a été restaurée et l'échauguette détruite; depuis longtemps elle servait de latrines.