Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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en Poitou, de Blérancourt en Picardie, etc. Ce ne fut que sous le règne de Louis XIV, et lorsque les combles ne furent plus de mise sur les édifices publics ou privés, que disparurent ces derniers restes de la guette du château féodal.

      Les combles des beffrois de ville étaient souvent munies d'échauguettes de bois. Comme les combles des donjons, on a eu grand soin de les détruire chez nous, et il nous faut sans cesse avoir recours aux anciennes gravures si nous voulons prendre une idée de leur disposition. La plupart des tours de beffrois des villes du nord en France, élevées pendant les XIIIe et XIVe siècles, étaient carrées 54; elles se terminaient par une galerie fermée ou à ciel ouvert, avec échauguettes aux angles; de plus, le comble en charpente, très-élevé et très-orné généralement (car les villes attachaient une sorte de gloire à posséder un beffroi magnifique), était percé de lanternes ou d'échauguettes, servant de guérites au guetteur. Il nous faut bien, cette fois encore, emprunter aux pays d'outre-Rhin, pour appuyer nos descriptions sur des monuments. Retournons donc à Prague, la ville des échauguettes, et celle dont l'architecture gothique se rapproche le plus de notre école picarde.

      La cathédrale de cette ville possède deux tours sur sa façade occidentale dont les couronnements affectent bien plutôt la forme de nos beffrois municipaux du Nord que celle d'un clocher d'église. Ces tours, à défaut d'autres renseignements existants, vont nous servir à reconstituer les échauguettes des tours de ville des XIVe et XVe siècles.

      Sur un dernier étage carré (22) s'épanouit un large encorbellement décoré d'écussons armoyés aux quatre angles; cet encorbellement arrive à former des portions d'octogones, ainsi que l'indique le plan A. Une balustrade de pierre pourtourne le couronnement et est surmontée aux angles de logettes également en pierre couvertes de pavillons aigus en charpente. En retraite, sur le parement intérieur de la tour, s'élève un grand comble à huit pans sur quatre faces duquel sont posées des échauguettes en bois couvertes aussi de pyramides à huit pans. Tous ces combles sont revêtus d'ardoises et de plomb, avec épis, boules, girouettes. Quatre petits combles diagonaux permettent de passer à couvert de la base de la charpente dans chacune des échauguettes d'angle.

      La fig. 23 donne le détail de l'une des quatre échauguettes supérieures du comble. C'était un couronnement de ce genre, mais plus somptueux probablement, qui devait terminer le beffroi de la ville d'Amiens construit vers 1410 et brûlé en 1562. Un guetteur avait charge, du haut de ce beffroi, de sonner les cloches pour annoncer le bannissement de quelque malfaiteur, les incendies qui se déclaraient dans la ville ou la banlieue, pour donner l'alarme s'il voyait s'avancer vers la cité une troupe d'hommes d'armes, pour prévenir les sentinelles posées aux portes. Le son différent des cloches mises en branle faisait connaître aux habitants le motif pour lequel on les réunissait. Ce guetteur, au XVe siècle, recevait pour traitement un écu quarante sols par an, plus une cotte en drap moitié rouge moitié bleu qu'il portait à cause des «grans vans et froidures estant au hault dudict beffroi.» Il logeait dans la tour, devait jouer de sa «pipette» à la sonnerie du matin; il cornait pour annoncer aux bourgeois rassemblés hors la ville, à l'occasion de quelque fête ou cérémonie, qu'ils pouvaient être en paix et que rien de fâcheux ne survenait dans la cité. Il lui fallait aussi jouer certains airs lorsque des processions circulaient dans la ville 55. C'était, on en conviendra, un homme qui gagnait bien un écu quarante sols et un habit rouge et bleu par an.

      Certains moustiers, certaines églises étaient fortifiées pendant le moyen âge, et ces églises étant habituellement entourées de contre-forts, on surmontait ceux-ci d'échauguettes. On voit encore, sur la façade occidentale de l'église abbatiale de Saint-Denis, des traces d'échauguettes circulaires bâties au XVe siècle sur les contre-forts du XIIe.

      Pendant les guerres avec les Anglais, sous Charles VI et Charles VII, en Normandie, sur les frontières de la Bretagne, sur les bords de la Loire, beaucoup d'églises abbatiales furent ainsi munies d'échauguettes. Dans les contrées exposées aux courses d'aventuriers, dans les montagnes et les lieux déserts, presque toujours les églises furent remaniées, à l'extérieur, de manière à pouvoir se défendre contre une troupe de brigands. Les échauguettes alors servaient non-seulement à poster des guetteurs de jour et de nuit, mais encore elles flanquaient les murs et en commandaient les approches. L'église abbatiale de Saint-Claude, dans le Jura, aujourd'hui cathédrale, bâtie vers la fin du XIV siècle, porte sur ses contre-forts des échauguettes bien fermées et commandant parfaitement les dehors. Ces échauguettes (24) sont à un étage couvert sur les contre-forts latéraux, et à deux étages (25) sur les contre-forts d'angle. On communique d'un de ces étages à l'autre par une trappe réservée dans le plancher et une petite échelle de meunier. Dans le midi de la France, on remarque, sur des églises romanes, des échauguettes construites à la hâte au XIVe siècle, pour mettre ces édifices en état de résister aux courses des troupes du Prince Noir. On éleva encore des échauguettes sur les édifices religieux pendant les guerres de religion du XVIe siècle, et quelquefois même des échauguettes furent disposées pour recevoir de petites bouches à feu.

      Du jour où chacun n'eut plus à songer à sa défense personnelle, l'échauguette disparut de nos édifices civils ou religieux; et il faut reconnaître que la gendarmerie de notre temps remplace avec avantage ces petits postes de surveillance.

      «De l'échargaite, por Dieu, qu'en sera-t-il?»

      Ce mot est formé de scara, interprété dans les monuments du VIIIe siècle par turma, acies, et de wachte, garde. Scaraguayta.

       ÉCHELLE, s. f. Nous ne parlons pas ici de l'échelle dont se servent les ouvriers pour monter sur les échafauds, non plus des échelles qui étaient en permanence sur les places réservées aux exécutions, et auxquelles on attachait les gens coupables de faux serments ou de quelque délit honteux pour les laisser ainsi exposés aux quolibets de la foule 56. Nous ne nous occupons que de l'échelle relative. En architecture, on dit «l'échelle d'un monument... Cet édifice n'est pas à l'échelle.» L'échelle d'une cabane à chien est le chien, c'est-à-dire qu'il convient que cette cabane soit en proportion avec l'animal qu'elle doit contenir. Une cabane à chien dans laquelle un âne pourrait entrer et se coucher ne serait pas à l'échelle.

      Ce principe, qui paraît si naturel et si simple au premier abord, est cependant un de ceux sur lesquels les diverses écoles d'architecture (de notre temps) s'entendent le moins. Nous avons touché cette question déjà dans l'article ARCHITECTURE, et notre confrère regretté, M. Lassus, l'avait traitée avant nous 57. Dans la pratique, cependant, il ne semble pas que les observations mises en avant sur ce sujet aient produit des résultats. Nous n'avons pas la vanité de nous en étonner; nous croyons simplement que nos explications n'ont été ni assez étendues ni assez claires. Il faut donc reprendre la question et la traiter à fond, car elle en vaut la peine.

      Les Grecs, dans leur architecture, ont admis un module, on n'en saurait douter; ils ne paraissent pas avoir eu d'échelle. Ainsi, qu'un ordre grec ait cinq mètres ou dix mètres de hauteur, les rapports harmoniques sont les mêmes dans l'un comme dans l'autre, c'est-à-dire, par exemple, que si le diamètre de la colonne à la base est un, la hauteur de la colonne sera six, et l'entre-colonnement un et demi vers le milieu du fût, dans le petit comme dans le grand ordre. En un mot, la dimension ne paraît pas changer les proportions relatives des divers membres de l'ordre. Cependant

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<p>54</p>

Les beffrois d'Amiens, de Béthune, de Valenciennes, qui existent ou existaient encore il y a peu d'années, sont bâtis sur plan carré (voy. BEFFROI).

<p>55</p>

Voy. Descript. du beffroi et de l'hôtel de ville d'Amiens, par M. Dusevel. Amiens, 1847.

<p>56</p>

Voy. le curieux bas-relief qui se trouve à la base du portail méridional de Notre-Dame de Paris, et qui représente un écolier attaché à une échelle; d'autres écoliers l'entourent et paraissent le bafouer. Sur la poitrine du coupable est attaché un petit écriteau carré sur lequel sont gravées ces lettres P. FAVS.S. por faus sermens.

<p>57</p>

Annales archéol., de M. Didron. T. II. De l'art et de l'archéologie.