Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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      La poutre, les solives et les parois de la muraille sont entièrement revêtues de peintures. En B, nous indiquons la peinture des murailles dont le fond se modifie, comme dessin, à chaque travée. Toute l'ornementation ne comporte que le blanc pour les fonds, le jaune (ocre) et le rouge (ocre). Entre chaque solive a est un dessin représentant des animaux se détachant en brun rouge vif sur fond blanc. Au-dessous est une frise b dont l'ornement est blanc sur fond brun rouge clair, avec redessinés brun rouge foncé. Puis, au droit de chaque colonne, un dais c tracé de même en brun rouge, avec figure d. Entre chaque dais les fonds e se composent d'un semis brun rouge sur blanc. Le soubassement f consiste en de larges denticules brun rouge, avec intervalles jaune ocre g et feuillages brun rouge clair rehaussés de traits noirs. La poutre maîtresse, par-dessous, donne le dessin h composé d'un onde brun rouge sur le blane, avec larges bordures jaunes. Les solives i sont toutes variées: les unes figurent un vairé blanc sur fond gris, avec filets brun rouge; d'autres, des chevrons alternativement blancs, rouges et jaunes séparés par des traits noirs. Sur ces faces, la poutre maîtresse l présente des chevaliers chargeant peints et redessinés en rouge brun sur fond blanc, avec rosettes également rouges. Toute la décoration de cette salle ne consiste donc qu'en deux tons, le jaune ocre et le rouge ocre sur fond blanc, avec quelques rares touches grises. À l'aide de ces moyens si simples, l'artiste a cependant obtenu un effet très-brillant, très-vif et d'une harmonie parfaite. Mais ici le bleu ni l'or n'interviennent dans la peinture.

      On observera que les parties qui figurent des membres d'architecture, comme le dais c, par exemple, ne prétendent pas simuler une ornementation en relief. Cette architecture peinte est toute de convention; c'est un hiéroglyphe. On ne songeait pas alors, pas plus que pendant la bonne antiquité, à faire des trompe-l'oeil. Cette façon d'interpréter en peinture certaines formes architectoniques mérite quelque attention, c'est une partie importante de cet art. Il ne s'agit point de reproduire exactement les dimensions relatives, le modelé, l'apparence réelle des reliefs, des moulures, des colonnes et des chapiteaux, mais d'interpréter ces formes et de les faire entrer dans le domaine de la peinture. De fait, si l'on prétend modeler, par exemple, une arcature en pierre par des tons, admettant que l'on puisse produire quelque illusion sur un point, il est certain qu'en regardant ce trompe-l'oeil obliquement, non-seulement l'illusion est impossible, mais ces surfaces qui n'ont pas de saillies, ces moulures et profils qui ne se soumettent pas aux lois de la perspective, produisent l'effet le plus désagréable. Le trompe-l'oeil, dans ce cas, est une satisfaction puérile que se donne le peintre à lui-même, considérant l'objet qu'il veut rendre sur un point; il ne fait pas une peinture décorative, mais seulement un tour d'adresse. La belle antiquité et le moyen âge n'ont pas compris de cette manière la peinture décorative. Les peintres du XIIIe siècle voulaient-ils décorer un soubassement par une arcature que l'architecte n'avait pu obtenir en réalité, ils interprétaient les formes architectoniques de cette manière (fig. 15 80).

      À l'aide de couchés à plat en ocre jaune et de dessins brun rouge sur fond blanc, ils obtenaient une décoration très-riche, très-facile à exécuter, peu dispendieuse, et qui, en réalité, produit un effet beaucoup plus décoratif que ne pourrait le faire une peinture en trompe-l'oeil. Ici les tympans entre les arcs, et les voiles tendus, ainsi que le filet J, sont couchés en ocre jaune; tout le reste de l'arcature, ainsi que les redessinés et bordures des voiles, les ornements des tympans, est en brun rouge; le fond est blanc laiteux. Ces procédés si simples, que l'on peut faire employer par les ouvriers les plus ordinaires, expliquent comment la peinture s'appliquait alors aussi bien à des édifices modestes qu'à des chapelles et à des salles somptueuses. Supposons le fond de cette arcature en bleu intense, les formes en or redessinées de noir, les voiles et tympans pourpre clair ou vert clair avec damasquinage d'or, et nous aurons un soubassement d'une extrême richesse, qui cependant ne présentera aucune difficulté d'exécution. Dans la peinture modeste comme dans la peinture somptueuse, nous aurons une dose égale d'art; cela, en vérité, vaut mieux que les marbres peints, et l'apparence grossière et barbare de la richesse que l'on cherche généralement dans la peinture décorative, en essayant, sans jamais y parvenir, bien entendu, à tromper le spectateur sur la valeur réelle de l'objet décoré. Nous avons conservé quelques restes de ces bonnes traditions dans nos papiers peints. Aussi se vendent-ils dans le monde entier comme des oeuvres d'art.

      On a vu précédemment que les verrières très-colorées avaient imposé une grande variété et une grande intensité de tons dans la peinture murale, ainsi que l'appoint de l'or. Mais des raisons d'économie ne permettaient pas toujours d'adopter résolûment cette harmonie compliquée que l'on ne pouvait obtenir qu'avec des ressources étendues. Il est intéressant de voir comment les artistes se sont tirés d'affaire en pareil cas, en ne pouvant employer l'or, ni le bleu par conséquent, et en se bornant à l'harmonie simple, celle qui ne comporte que le rouge, le jaune, le blanc, le noir et quelques intermédiaires, comme le gris et le vert.

      Le choeur de l'église Saint-Nazaire de Carcassonne, ancienne cathédrale, est une véritable lanterne garnie de vitraux d'un éclat et d'une richesse de ton incomparables. Pour soutenir la coloration translucide de ces verrières, on a cru devoir peindre ce choeur, mais probablement les ressources étaient minimes, et l'on a visé à l'économie. Ne pouvant employer l'or, les peintres n'ont pas adopté le bleu; ils se sont contentés de l'harmonie simple, et voici comment ils ont procédé. Les verrières formant la surface totale des parois, il ne restait à peindre que l'arcature du soubassement, les piles et la voûte. La figure 16, donnant la projection horizontale de cette voûte, on a réservé le triangle A pour y tracer un sujet: le Christ dans sa gloire; tous les autres triangles ont été divisés aux clefs par des bandes b. Dans les quatre demi-triangles c ont été tracées des figures d'anges sur fonds blancs étoilés de rouge. Quant aux autres fonds des voûtes, ils ont été alternativement couchés en blanc et en ocre rouge, ainsi que l'indique le tracé, la lettre B marquant les fonds blancs et la lettre R les fonds rouges. Cela était hardi, on en conviendra. Pour soutenir la valeur de ces tons placés sous les voûtes, non-seulement celles-ci ont été coupées par les bandes des clefs, mais elles ont été bordées d'ornements très-vifs de tons et très-détaillés. Les nervures ont été de même couvertes d'ornements menus d'une extrême vivacité.

      Voici (fig. 17) un détail de la partie de la voûte occupée par le Christ. Le personnage divin est vêtu d'une robe pourpre se rapprochant du violet, avec doublure vert clair; son nimbe seul est or; aussi la seconde auréole a, peinte derrière ses épaules, est-elle bleue. C'est la seule touche bleue de toute la voûte. Le fond du Christ est rouge vif, les animaux sont en grisaille, ainsi que l'auréole externe. Le fond des séraphins est brun rouge. Les deux anges et les deux séraphins sont en grisaille, avec ailes jaunes. Quant au fond F des autres grands anges, il est blanc étoilé de rouge, comme nous l'avons dit. Ceux-ci sont vêtus de jaune, avec ailes en grisaille.

      La figure 18 donne les détails de la peinture de ces voûtes. En A est l'arc-doubleau, tracé en A' sur la fig. 17. Le listel b est peint de carrés alternativement vermillon et brun rouge bordés de larges traits noirs, avec demi-carrés ocre jaune. La gorge c est brun rouge. Le boudin d est orné d'une torsade alternativement noire, ocre jaune et brun rouge, chaque ton étant séparé par un filet blanc. La gorge d' est brun rouge. Le second listel e est rempli par de petits quatre-feuilles ocre jaune et brun rouge bordés d'un filet blanc, avec fond noir. La gorge f est brun rouge. Le second boudin possède sur sa partie supérieure des carrés vermillon bordés de filets blancs; le fond est ocre jaune; la gorge au-dessous est ocre jaune. Le listel h

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<p>80</p>

Traces d'une arcature peinte, abbaye de Fontfroide.