Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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pour faire incliner leur opinion vers tel ou tel système.

      Mais laissons là ces considérations un peu trop générales relativement à l'objet qui nous occupe, et revenons à nos tours.

      Parmi ces tours de la Bourgogne dont la destination est bien marquée, c'est-à-dire qui servaient à la fois de réduits au besoin et de postes d'observation, il faut citer la tour de Montbard, du sommet de laquelle on aperçoit la tour du petit château qui domine le village de Rougemont, sur la Brenne, et le château de Montfort, qui, par une suite de postes, mettait Montbard en communication avec le château de Semur en Auxois, sur l'Armançon.

      Montbard était un point très-fort; le château occupait un large mamelon escarpé, de roches jurassiques, à la jonction de trois vallées. De ce château il ne reste que l'enceinte, et la grosse tour à six pans, qui occupe un angle de cette enceinte au point culminant, de telle sorte qu'elle donne directement sur les dehors, au-dessus de roches abruptes.

      La figure 46 donne les plans de cette tour, qui date de la fin du XIIIe siècle. Le rez-de-chaussée A se compose d'une salle dans laquelle on n'entre que par la porte a, percée au niveau du sol du terre-plein; en b et c sont les deux courtines. L'angle d profite d'une saillie du rocher et contient des latrines. Un caveau est creusé dans le roc, au-dessous de cette salle; son orifice est en e. La salle basse est éclairée par deux fenêtres et possède une meurtrière sur les dehors; elle est voûtée en arcs d'ogive et n'est pas mise en communication avec les étages supérieurs. On ne peut pénétrer dans la salle du premier étage que par les chemins de ronde des courtines (voyez en B). L'angle g est couvert par un talus de pierre; puis, à partir de ce niveau, un pan coupé h correspond au pan coupé i. Le pan coupé h est porté sur l'arc inférieur j. La salle du premier étage est éclairée par deux fenêtres donnant sur les dehors. Un escalier, pratiqué dans l'épaisseur du mur, du côté du terre-plein, monte au deuxième étage, semblable en tout au troisième, dont nous donnons le plan (voyez en C). Ce troisième étage possède trois fenêtres et deux armoires k qui n'existent pas dans l'étage du dessous, à cause du passage de l'escalier. Ces pièces sont voûtées comme le rez-de-chaussée.

      Un escalier à vis monte à la plate-forme, dont nous donnons le plan figure 47. Cette plate-forme est défendue par un crénelage, et, sur chaque face, par un mâchicoulis avec meurtrière 126.

      La figure 48 donne la coupe de cet ouvrage sur la ligne op. Des pinacles, dressés sur le crénelage supérieur, font reconnaître au loin le sommet de la tour. Le couronnement du donjon de Coucy présente une disposition analogue 127. Ces pinacles pouvaient d'ailleurs faciliter l'intelligence des signaux, puisqu'une bannière posée au droit de tel pinacle indiquait un mouvement de l'ennemi, ou les dispositions prises par la garnison, ou la nature des secours qu'elle attendait.

      La porte A de l'étage inférieur était masquée par le terre-plein du château, dont le niveau s'élevait au-dessus de son linteau. Les défenseurs préposés à la garde de la tour, postés dans les étages supérieurs, commandaient les deux courtines, et tous les efforts d'un assaillant qui, après s'être emparé du château, aurait cherché à pénétrer dans l'étage inférieur de la tour,--ce qui était difficile, puisque sa porte est percée dans un angle rentrant,--n'auraient abouti qu'à le faire tomber dans une véritable souricière, puisque cet étage n'a pas de communication avec les salles supérieures. D'ailleurs, un mâchicoulis est directement placé au-dessus de cette porte et en rendait l'accès fort périlleux. Si, du dehors, l'assaillant, au moyen d'échelles, gravissant le rocher à pic sur lequel la tour est bâtie, parvenait à attacher le mineur au pied de cette tour et pénétrait dans la salle du rez-de-chaussée,--opération qui n'était guère praticable,--il n'était pas pour cela maître de l'ouvrage. Ici le système angulaire est adopté pour le plan de la tour, conformément à la méthode admise vers la fin du XIIIe siècle pour les tours-réduits couronnées par des plates-formes, particulièrement dans les provinces méridionales. Cette configuration se prêtait mieux au logement des hommes et aux dispositions d'habitation que la forme circulaire; elle donnait des faces inabordables, et l'on comptait sur la force passive des saillants pour résister aux attaques. Ceux-ci étaient d'ailleurs flanqués par des échauguettes supérieures, ou, vers le milieu du XIVe siècle, dominés par des mâchicoulis.

      C'est en 1318 que l'archevêque Gilles Ascelin construisit la grosse tour quadrangulaire du palais archiépiscopal de Narbonne. Cet ouvrage est un réduit, en même temps qu'il commande la place de la ville, les quais de l'ancien port, les rues principales et tous les alentours. Bâti à l'angle aigu formé par les bâtiments d'habitation, il peut être isolé, puisqu'il n'avait, avec ces corps de logis, aucune communication directe 128. Cette tour renferme quatre étages et une plate-forme ou place d'armes, en contre-bas du crénelage, bien abritée du vent, terrible en ce pays, et pouvant contenir une masse considérable de projectiles. Trois échauguettes flanquent, au sommet de la tour, les angles vus, et le quatrième angle, qui est engagé dans le palais, contient l'escalier couronné par une guette.

      Voici (fig. 49) les plans de cette tour, en A, au niveau du sol extérieur, et en B, au niveau du premier étage. L'étage A n'est qu'une cave circulaire voûtée en calotte hémisphérique, ne prenant pas de jour à l'extérieur. Le premier étage, de forme octogone à l'intérieur, se défend par des meurtrières sur chacune des trois faces vues du dehors. On observera que les chambres de tir de ces meurtrières sont séparées de la salle centrale, qui est voûtée en arête. Au-dessus (fig. 50) est élevée une salle quadrangulaire destinée à l'habitation (plan C).

      Cette salle était la seule qui possédât une cheminée. Elle était éclairée par trois fenêtres et couverte par un plafond de charpente. Le quatrième étage présente également une salle carrée, voûtée en arcs d'ogive, possédant trois petites fenêtres et des meurtrières dont les chambres de tir sont, de même qu'au premier étage, séparées de la salle centrale (plan D). Puis, sur la voûte est disposée la plate-forme, dont la figure 51 donne le plan.

      La partie centrale, immédiatement sur la voûte, est en contre-bas du chemin de ronde, dont le parapet n'est point percé de créneaux, mais seulement de longues meurtrières. Les échauguettes flanquantes possèdent trois étages de meurtrières. Les défenseurs pénètrent dans l'étage inférieur par les portes a, percées un peu au-dessus du niveau de la place d'armes, dans le premier étage par les portes b, et arrivent au troisième étage, à ciel ouvert, par les baies d. De l'escalier à vis on arrive à la place d'armes par la porte c, et au chemin de ronde du crénelage par la porte e. Les chemins de ronde pourtournent en f les échauguettes.

      Une coupe faite sur gh (fig. 52) explique cette intéressante disposition. En A est la salle destinée à l'habitation du seigneur, tous les autres étages étant aménagés pour la défense. Cette tour ne possédait ni hourds ni mâchicoulis; elle se défendait surtout par sa masse, composée d'une excellente maçonnerie de pierre de taille dure de Sainte-Lucie. Les faces étaient à peine flanquées par les échauguettes. Aussi pensons-nous qu'en cas de siége, des mâchicoulis de bois étaient disposés au-dessus du parapet, ou peut-être

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<p>126</p>

Voyez MÂCHICOULIS, fig. 6 et 7.

<p>127</p>

Beaucoup de ces tours étaient couronnées de pinacles isolés les uns des autres.

<p>128</p>

Voyez le plan du palais archiépiscopal de Narbonne à l'article PALAIS, fig. 11, 12 et 13.