Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 9 - (T - U - V - Y - Z) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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magnifique donnée aux princes par les templiers, possesseurs de richesses considérables, sagement gouvernées, ne pouvait manquer d'exciter la convoitise d'un souverain aussi cupide que l'était Philippe le Bel. Plus tard l'hospitalité que Louis XIV voulut accepter à Vaux ne fut guère moins funeste au surintendant Fouquet.

      Les derniers chevaliers du Temple qui quittèrent la Palestine revinrent en Occident, possesseurs de 50 000 florins d'or et de richesses mobilières considérables. Ces trésors n'avaient fait que s'accroître dans leurs commanderies par une administration soumise à un contrôle sévère. Le mystère dont s'entouraient les délibérations de l'ordre ne pouvait d'ailleurs qu'exagérer l'opinion que l'on se faisait de leurs biens. Dès qu'ils eurent été condamnés et exécutés, Philippe le Bel s'installa au Temple. Quant aux trésors, ils passèrent dans ses mains et dans celles du pape Clément V, complice du roi dans cette inique et scandaleuse procédure. Plus tard le Temple de Paris et les commanderies de France furent remis aux chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem 6, puis de Rhodes et de Malte.

      Sauval 7 s'exprime ainsi au sujet du Temple: «C'est une église gothique, accompagnée devant la porte d'un petit porche ou vestibule antique, et enrichi en entrant d'une coupe (coupole), dont la voûte est égale à celle du vaisseau, et soutenue sur six gros piliers qui portent des arcades au premier étage, et sur autant de pilastres au second, qui s'élèvent jusqu'à l'arrachement de la voûte. Cette coupe (coupole) est entourée d'une nef, dont la voûte a une élévation pareille à ces arcades. Cette partie d'entrée, qui est l'unique en son espèce que j'ai encore vue en France, en Angleterre et dans les dix-sept provinces, non-seulement est majestueuse et magnifique par dedans, mais encore fait un effet surprenant et plaisant à la vue par dehors.

      Le circuit de ce lieu, dit Corrozet 8 (le Temple, ses dépendances et cultures), est très-spacieux et plus grand que mainte ville renommée de ce royaume; il est clos de fortes murailles à tourelles et carneaux larges, pour y cheminer deux hommes de front. Là sont plusieurs chapelles et logis en ruyne, qui servaient aux congrégations des templiers, chacun en sa nation... Y sont aussi plusieurs riches bastimens nouveaux faits par les chevaliers de Rhodes, auxquels les biens desdits templiers furent donnez, et par conséquent ledit lieu du Temple, dont l'église est faite à la semblance du temple de Jérusalem....»

      Réunissant les renseignements que nous avons pu nous procurer sur le Temple de Paris 9, nous donnons le plan de l'église (fig. 1). La rotonde datait de la première moitié du XIIe siècle. Après la sortie des templiers de la Palestine, cette rotonde fut augmentée au porche A, dont parle Sauval, et un peu plus tard de la grande nef B. Le bas du clocher C datait également du XIIe siècle, et l'étage du beffroi du commencement du XIIIe siècle.

      Le porche A était à claire-voie dans la partie inférieure, et vitré dans la partie supérieure. Cette disposition, adoptée fréquemment pour les cloîtres, produisait ici un effet très-pittoresque, ainsi que le remarque Sauval. Une coupe longitudinale (fig. 2) fera saisir la disposition originale de ces constructions ajoutées à la rotonde primitive.

      En A, est le porche avec ses claires-voies latérales; au-dessus, les fenêtres vitrées. C'est à peu près la disposition qui subsiste à Aix-la-Chapelle, mais mieux entendue. La rotonde englobée avait conservé ses voûtes et son étage supérieur, qui formait saillie extérieurement sur les parois du narthex et de la grande nef 10. Le triangle équilatéral avait été le générateur du plan de la rotonde. On sait que le triangle équilatéral était un des signes adoptés par les templiers. Des fragments de vitraux fournis par M. de Penguern, et provenant de la chapelle de la commanderie de Brelvennez, laissent voir la croix de gueules entourée de l'orle d'or des templiers et le triangle équilatéral. Dans la chapelle de Saint-Jean de Creac'h, près de Saint-Brieuc, sont placées plusieurs dalles tombales de chevaliers du Temple. Sur l'une d'elles est gravée une petite croix latine, et au-dessous une épée posée diagonalement; entre l'épée et la croix est un triangle équilatéral 11.

      Il ne faut pas oublier que les fondateurs de l'ordre du Temple étaient au nombre de neuf (carré de 3), qu'il ne leur fut permis d'ordonner de nouveaux frères qu'après neuf années, et que les nombres 3 et 9 se retrouvent fréquemment dans les chapelles des commanderies. La grande rotonde de Paris possédait à l'intérieur six piliers, et extérieurement douze travées (fig. 1). Son tracé n'avait pu être obtenu donc que par deux triangles équilatéraux se pénétrant, ainsi que l'indique la figure 3.

      La chapelle de la commanderie de Laon, qui date du milieu du XIIe siècle environ, est un octogone dont les côtés, intérieurement, ont neuf pieds.

      Cette chapelle (fig. 4) parait avoir été bâtie d'un seul jet, sauf l'abside, qui peut être quelque peu postérieure. Elle possède un porche ou narthex, avec tribune au-dessus, bâtie après coup, et qui était mise en communication avec les logis de la commanderie. Les murs de l'octogone ont trois pieds d'épaisseur, les contre-forts trois pieds de largeur. Une assise de bancs de pierre est disposée à la base des parois intérieures. Voici (fig. 5) la coupe longitudinale de cette chapelle. La voûte est construite à pans, avec nervures saillantes sous les arêtes rentrantes.

      Les dispositions de ces chapelles exiguës, avec sanctuaire peu important, indiquent assez que les chevaliers du Christ ou du Temple n'admettaient pas le public pendant les cérémonies religieuses. Ces chapelles servaient aussi de lieu de séances pour les délibérations, qui, d'ordinaire, se tenaient la nuit. D'ailleurs d'une extrême sobriété d'ornementation, ces petits monuments du XIIe siècle se ressentent de l'influence de l'abbé de Citeaux, qui avait rédigé les statuts de l'ordre. Cette simplicité se retrouve sur les dalles tumulaires que l'on rencontre encore dans ces édifices; dépourvues d'inscriptions, elles ne montrent que la croix de l'ordre, une épée, un triangle ou quelques attributs, très-rarement des écussons armoyés 12. Dans la chapelle de Laon, trois de ces tombes existent à l'entrée du sanctuaire; elles sont ornées de la croix pattée en gravure.

      Les templiers possédaient en Syrie et en Occident un grand nombre de châteaux et de forteresses 13. Obligés de quitter la terre sainte après le siége d'Acre, en 1291, rentrés en France, en Angleterre, en Espagne, où ils possédaient des commanderies, et rapportant avec eux de grandes richesses, malgré les désastres de leur ordre, ils employèrent ces trésors à augmenter et à embellir leurs résidences; leurs loisirs, à former, dans l'État féodal déjà vers son déclin, une corporation compacte, puissante, occupée d'intrigues diplomatiques, hautaine, avec laquelle tous les pouvoirs devaient compter. Leurs grands biens, administrés avec économie à une époque où tous les propriétaires terriens et les suzerains eux-mêmes manquaient toujours d'argent, leur permettaient de prêter des sommes importantes: il est à croire que ce n'était pas sans intérêts. Une pareille situation leur créa de nombreux et puissants ennemis, et le jour où Philippe le Bel, qui était parmi leurs débiteurs, se décida à les faire arrêter et à leur intenter le plus inique et le plus monstrueux procès, le roi eut pour lui l'opinion de la féodalité, du clergé et des établissements monastiques. Le mystère dont s'entouraient les templiers prêtait merveilleusement aux accusations absurdes

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<p>6</p>

C'est en 1317 que par une transaction passée entre les chevaliers hospitaliers et Philippe le Long, il est démontré que le séquestre des biens des templiers s'était prolongé jusqu'en 1313. Donc la couronne avait perçu, pendant une période de six ans, les énormes revenus de ces biens; de plus, tous les biens meubles et les trésors étaient restés entre les mains du roi.

<p>7</p>

Livre IV, p. 454.

<p>8</p>

Antiquitez de Paris, G. Corrozet Parisien, 1586, part. I, p. 108.

<p>9</p>

Voyez le plan de Paris de Verniquet, le grand plan de Mérian, les gravures d'Israël Sylvestre, l'oeuvre de Marot: l'Architecture françoise.

<p>10</p>

Voyez les gravures de Marot et d'Israël Sylvestre.

<p>11</p>

Hist. des chevaliers templiers, par Élizé de Montagnac. Paris, A. Aubry, 1864. Les francs-maçons ont prétendu continuer l'ordre du Temple, et posséder même un testament ou charte de transmission d'un grand maître dont le pouvoir secret avait été reconnu par les frères postérieurement à la mort de Jacques de Molay.

<p>12</p>

Une des tombes de la chapelle de la commanderie, près du hameau de Creac'h, présente une croix ancrée, accostée à gauche d'une épée, à droite d'un écusson à sept macles trois, trois, un, qui est Rohan ancien. (Hist. des chevaliers templiers, ouvr. déjà cité, p. 135.)

<p>13</p>

Parmi les châteaux importants que les templiers avaient élevés en Syrie, nous citerons ceux de Tortose (Antarsous) de Safita, d'Areymeh, de Toron et d'Athlit. Ces châteaux renferment habituellement un gros donjon carré ou sur plan barlong et leurs enceintes sont également flanquées de tours quadrangulaires. «Les châteaux de Safita, d'Areymeh, d'Athlit, et surtout la forteresse de Tortose», dit M. G. Rey, dans son Essai sur la domination française en Syrie, «nous fournissent une série de types permettant de donner une étude aussi complète que possible de cet art, dont les meilleures productions se trouvent dans les principautés d'Antioche et de Tripoli, si riches, la première particulièrement, en monuments byzantins.» Tortose, adossée à la mer, fut la dernière place qu'occupèrent les templiers en Orient. Ils n'évacuèrent cette forteresse que le 5 juin 1291. En Occident, les templiers adoptèrent également, pour la construction de leurs donjons, le plan carré ou barlong. C'est sur cette donnée qu'était bâtie la tour dite de Bichat, à Paris, et qui ne fut détruite qu'en 1855. (Voy. TOUR.)