Comment on construit une maison. Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Comment on construit une maison - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc страница 11

Comment on construit une maison - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Скачать книгу

un égout, toutes les eaux ménagères et les immondices que nous enverrons se perdre dans cette ancienne excavation que je vois sur notre gauche.

      «Toutefois nous devrons procéder après examen, car il me semble que ces bancs ont été déjà exploités sur quelques points. Nous pourrions bien rencontrer de ces excavations de carrières faites sans soin, comme cela n’arrive que trop souvent dans les campagnes.

      –Comment, dit Paul, reconnaît-on la pierre bonne à bâtir?

      –Cela n’est pas toujours aisé, et il en est de ces connaissances comme de beaucoup d’autres: l’expérience doit confirmer la théorie. Parmi les pierres calcaires, lesquelles comprennent généralement, avec certains grès, les matériaux que l’on peut facilement exploiter et tailler, les unes sont dures, d’autres tendres; mais les plus dures ne sont pas toujours celles qui résistent le mieux à l’action du temps. Beaucoup de calcaires contiennent de l’argile, et, celle-ci retenant l’eau, lorsque surviennent les gelées ces parties argileuses gonflent et font éclater les blocs dont la pâte est composée de carbonate de chaux et aussi de silice en plus ou moins grande quantité. Les calcaires purgés d’argile sont ceux qui résistent le mieux à l’humidité et qui ne craignent pas la gelée. Quand, comme ici, on peut voir les bancs dépouillés par une érosion, il est facile de reconnaître ceux qui sont bons de ceux qui sont défectueux. Ainsi remarquez ce gros bloc noirâtre dont la tranche unie et nue depuis des siècles s’est couverte de lichens; il est d’une excellente qualité, car les lichens ne viennent que très lentement; donc pour qu’ils aient pu s’attacher à cette pierre et lui donner cette apparence grise mouchetée, il a fallu que le calcaire ait résisté aux actions décomposantes de l’atmosphère. Au-dessus, voyez ce banc d’un blanc presque pur et qui paraît si sain. Eh bien, il n’a cette belle apparence que parce que, à chaque gelée, il a laissé tomber sa peau, que sa surface s’est décomposée. Allez toucher ce roc, vous verrez qu’il vous restera aux mains une poussière blanche… C’est ainsi, n’est-ce pas? Dès lors la qualité de ce bloc est mauvaise, et vous voyez en effet, qu’au-dessous, l’herbe est jonchée de petites exfoliations de calcaires, tandis que le gazon, sous le bloc gris, est pur de toute poussière. Il est donc très utile à un architecte, quand il veut bâtir, d’aller voir les carrières et comment les bancs qui les composent se comportent à l’air libre; or, entre nous, c’est ce que nos confrères ne font guère.»

Deuxième leçon

      La méthode adoptée par le grand cousin, pour donner à M. Paul les premières notions sur la construction, plaisait fort à celui-ci. La veille il avait assez bien transcrit, dans la journée, tout ce que le maître avait pris soin de lui expliquer sur le terrain. Il avait même ajouté assez adroitement des figures à son texte; les corrections avaient été faites rapidement après dîner. Mais ce jour-là, une pluie serrée ne permettait guère de sortir, et le grand cousin décida que la deuxième leçon serait faite dans la maison. «Aussi bien, dit-il, nous aurons devant les yeux des exemples suffisants; le château nous les fournira. Nous allons le visiter de la cave au grenier et nous en étudierons les matériaux aussi bien que les moyens de construction, soit pour les critiquer s’ils sont mauvais, soit pour en prendre note s’ils sont bons.» Quand le maître et l’élève furent descendus dans les sous-sols, le grand cousin commença ainsi: «Voyez comme ce mur de cave, qui donne sur la cour, est humide et comme les mortiers qui joignent les pierres sont tombés presque partout et surtout vers le haut. Cela tient à deux causes: 1º on n’a pas eu la précaution, en élevant ces murs, de les bien enduire à l’extérieur de manière à faire glisser les eaux du sol jusqu’à la base; 2º on n’a pas employé dans la construction des mortiers faits avec de la chaux hydraulique. Il y a en effet deux natures principales de chaux: la chaux dite grasse et la chaux hydraulique; la première est obtenue par la cuisson de calcaires compacts que l’on trouve habituellement au sommet des bancs; on l’appelle grasse parce qu’elle est glutineuse lorsqu’elle est éteinte et s’attache au rabot avec lequel on la corroie; cette chaux, étant noyée dans l’eau, bout et jette une épaisse vapeur, comme vous avez pu voir, et, mêlée au sable, prend lentement. Employés au-dessus du sol, les mortiers faits avec cette chaux deviennent fort durs à la longue, mais conservent plus ou moins pendant un temps une certaine plasticité. Toutefois ces mortiers, prenant lentement, sont facilement délayés par les eaux, et ne peuvent alors jamais devenir durs. Les chaux hydrauliques obtenues par la cuisson de calcaires argileux, mêlées au sable, prennent au contraire rapidement une grande dureté et se maintiennent d’autant mieux que les mortiers sont dans des lieux humides. Aussi appelle-t-on cette chaux hydraulique parce qu’on l’emploie pour toutes les maçonneries que l’on établit dans l’eau. On fait des chaux hydrauliques factices quand le sol ne fournit pas des calcaires argileux, eu broyant une certaine quantité d’argile avec les calcaires propres à faire de la chaux ordinaire. On reconnaît la chaux hydraulique en l’éteignant, c’est-à-dire en la mêlant avec de l’eau; alors elle fuse sans presque produire de vapeur.

      C’est avec la chaux hydraulique qu’on fait les bétons dont je vous parlais hier. Ayant préparé le mortier, on y mêle une certaine quantité de cailloux durs, de la grosseur d’un œuf environ; on corroie le tout et on jette le mélange dans les fouilles où on le pilonne avec des dames de bois. Si la chaux est bonne et que le béton soit bien fait, on compose ainsi un véritable rocher qui ressemble aux conglomérats ou poudingues produits naturellement. L’eau traversant difficilement ces bétons lorsqu’ils ont pris de la consistance, on peut ainsi éviter les infiltrations sous-jacentes qui se produisent dans les caves faites dans des terrains très humides.

      «Si le mur que vous voyez là eût été maçonné en mortier fait avec de la chaux hydraulique, il serait net et les joints23 en seraient aussi durs que la pierre elle-même. Vous comprendrez facilement que quand les eaux, ont peu à peu détrempé et fait couler les mortiers des lits et joints à la base d’un mur, les pierres qui le composent tassent, et que tout le reste de la bâtisse en souffre. C’est pourquoi la façade de maison, sur la cour, présente un bon nombre de fissures que l’on rebouche de temps à autre, mais sans pouvoir, bien entendu, détruire la cause du mal.

      Fig. 9.

      «Vous voyez que le mur de cave qui reçoit le berceau de la voûte est très épais, bien plus épais que n’est le mur du rez-de-chaussée. Ce dernier n’a guère que 0m,60c d’épaisseur, tandis que celui-ci a trois pieds anciens, près d’un mètre. Ce supplément d’épaisseur est donné à l’intérieur en grande partie pour recevoir ce que nous appelons les sommiers de la voûte. Un croquis vous fera comprendre la raison de cette disposition (fig. 9). Soit A l’épaisseur du mur d’une maison à rez-de-chaussée et que cette épaisseur ait 0m,50c; si l’on veut faire des caves sous ce rez-de-chaussée, le sol intérieur étant en B et le sol extérieur en C, il sera bon, d’abord, d’indiquer le sol intérieur par une saillie, une plus forte épaisseur donnée à ce mur du côté extérieur; soit 0m,05c. En A’ le mur aura donc 0m,55c. Votre berceau de cave étant tracé en D, il faut réserver en E un repos d’au moins 0m,20c, pour recevoir les premiers claveaux des sommiers de la voûte; puis il est bon de donner du côté des terres une plus forte saillie pour bien asseoir le soubassement24; cette saillie étant de 0m,05c, nous aurons en F 0m,60c d’épaisseur et en G 0m,80c au moins, car il ne faut point que le mur, qui s’élève, porte sur les lits obliques de la voûte, autrement n’aurait-il pas une bonne assiette et serait-il affamé, comme nous disons, ou réduit d’épaisseur par cet arc qui le viendrait pénétrer ainsi que nous le montre le tracé I. Mais venez par ici dans cet autre caveau qui appartient à la partie la plus ancienne du château et qui est bâti en belles pierres. Le constructeur n’a pas voulu perdre de place à l’intérieur, et, bâtissant en pierres d’appareil

Скачать книгу


<p>23</p>

Joint. Intervalle vertical laissé entre deux pierres. On dit: joint vif, quand les pierres sont posées jointives, sans mortier ou plâtre entre elles; et joint garni, quand cet intervalle est rempli de plâtre ou de mortier.

<p>24</p>

Soubassement. Partie d’une construction qui reçoit le rez-de-chaussée; c’est-à-dire, qui est comprise entre le sol intérieur de la bâtisse et le sol extérieur.