Comment on construit une maison. Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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Comment on construit une maison - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

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régler quelques affaires, revenait avec une ample provision de papier et d’instruments nécessaires à l’exécution des détails d’une bâtisse.

      Il fallait attendre que le projet envoyé à la sœur de Paul revînt approuvé ou amendé pour se mettre à l’œuvre. Il fut décidé que pendant cet intervalle, le grand cousin donnerait à Paul les premières notions de la construction d’une habitation, que ce cours serait fait le matin, et que, dans l’après-midi, notre architecte en herbe rédigerait la leçon, laquelle serait corrigée en famille le soir. Ainsi les journées devaient-elles être bien remplies.

       Table des matières

      «Si vous le voulez bien, petit cousin, nous ferons nos leçons en nous promenant, et pour cause.»

      Cette façon de procéder plut tout d’abord à M. Paul qui n’était pas habitué au lycée à cette manière d’enseigner. La perspective d’un cours fait entre quatre murs, rédigé entre quatre murs, corrigé entre quatre murs ne lui avait pas semblé tout d’abord se concilier avec l’idée que l’on se fait, à seize ans, des heures consacrées aux vacances, et bien que l’architecture lui parût une fort belle chose après ses premiers essais; qu’il fût assez fier de penser que son projet était peut-être à ce moment sous les yeux de sa sœur Marie et de son beau-frère, cependant, au moment où il se dirigeait vers l’appartement de son cousin, il avait regardé d’un œil de convoitise les grands arbres du parc et les prairies verdoyantes qui brillaient entre leurs troncs noirs. Un soupir de satisfaction s’échappa de sa poitrine en descendant l’escalier du château.

      «Allons-nous-en tout doucement vers la partie du domaine où nous devons bâtir la maison, reprit le grand cousin, dès qu’ils furent dehors; la connaissance du terrain est la première de toutes celles que l’architecte doit posséder. Il y a, comme vous savez, plusieurs natures de terrains; les uns sont résistants, les autres mous et compressibles à différents degrés. Les roches forment les terrains les plus fermes et sur lesquels on peut bâtir en toute assurance, à la condition toutefois que ces roches n’aient pas été excavées ou dérangées. On donne le nom de sol vierge à tous les terrains que l’on rencontre dans l’état où les phénomènes géologiques les ont placés, le nom de sol de rapport ou de remblai[18] à tout terrain qui a été bouleversé ou apporté par la main de l’homme, par la végétation ou des alluvions torrentielles brusques. En règle générale, il ne faut fonder que sur le sol vierge, et cependant, parmi ceux-ci, il en est dont on doit se défier, comme je vous l’expliquerai tout à l’heure.

      «Il faut donc s’appliquer à distinguer un sol vierge d’un sol rapporté ou bouleversé; pour ce faire, certaines connaissances de géologie élémentaire sont indispensables[19]. Ainsi, les roches cristallisées, les granits, les gneiss, les schistes cristallins demeurent dans l’état où le refroidissement du globe et les soulèvements de sa croûte les ont placés. Les grès, les calcaires, les marnes, les sables, même les argiles, déposés par les eaux sous une énorme pression, sont stratifiés, c’est-à-dire déposés par couches, comme des assises d’une construction, et présentent une assiette excellente. Le coteau que nous avons là sur notre droite, et vers lequel s’étend le bois de votre sœur, présente, vous le voyez d’ici, des escarpements érodés par les eaux du ru que nous allons traverser; remarquez que la pierre qui paraît dénudée, se présente par lits à peu près horizontaux. C’est un calcaire jurassique excellent pour bâtir, mais sur lequel aussi on peut s’appuyer en toute sécurité. Ainsi, dans ces bancs[20], peut-on creuser des caves et se servir de ce qu’on a extrait de l’excavation pour élever les murs. Ici nous marchons sur des argiles sablonneuses entremêlées de pierre meulière. Cela forme aussi un très bon sol qui n’est pas compressible. Il en est autrement des argiles pures, non qu’elles soient compressibles; mais, si elles ne sont pas encaissées, si, par exemple, elles se trouvent sur une déclivité du sol, par l’effet des eaux qui s’infiltrent entre leurs couches, elles glissent et la maison qu’on a élevée sur leur surface descend avec elles. On voit parfois ainsi, sur des rampes argileuses, des villages tout entiers qui descendent dans la vallée. Il faut donc apporter une grande attention à la manière de fonder sur les argiles si l’on veut éviter ces dangers. Parfois aussi, lorsqu’elles sont fortement comprimées par une construction lourde, les argiles s’affaissent sous leur poids pour se relever d’autant un peu plus loin, par un mouvement de bascule. Les sables marins, purs, fins ou graveleux, sont excellents pour recevoir des fondations, parce que le sable se tasse naturellement pour peu qu’il soit mouillé. Si bien qu’on peut former, au besoin, un sol factice en apportant de bonnes couches de sable marin sur un sol douteux, et en mouillant fortement ces couches. Plus le sable est fin et dépourvu d’argile et meilleur est-il, car tous ces petits grains lourds, égaux, ne laissent entre eux que des intervalles très faibles et se touchent par plusieurs points. Si le poids comprime la couche de sable et la force à se tasser, ce tassement est régulier et par conséquent sans danger. La construction descend ainsi de quelques millimètres suivant son poids, mais ne se disloque pas parce qu’elle s’enfonce régulièrement. Les alluvions formées par des cours d’eau peu rapides, c’est-à-dire par des rivières ou par des lacs, composent aussi de bons sols, parce que les couches de gravier ou de limon ont été déposées peu à peu et bien tassées par le poids du liquide qui les charriait. Il en est tout autrement des sols marécageux, car les eaux n’ayant pas de courant, ont permis à des végétaux de pousser dans leurs lits. Ces végétaux venant à mourir sont remplacés chaque année par d’autres. Il se forme alors des couches successives de détritus sous une pression minime, qui laissent entre elles des cavités innombrables, comme serait un amas de foin pourri. On désigne ces dépôts sous le nom de tourbières. Là-dessus on ne peut rien asseoir, car ces dépôts s’affaissent sous la moindre charge. Tenez! nous voici près du ru, sur un point qui présente ce phénomène... Frappez du pied sur ce sol gazonné dru... Vous sentez que la terre sonne creux et s’ébranle sous le choc. Quelquefois ces tourbières atteignent des profondeurs telles par l’accumulation des détritus végétaux, qu’on ne peut en atteindre le fond; si vous bâtissez là-dessus, votre construction s’enfoncera peu à peu, et souvent inégalement, en raison de la déclivité du sous-sol, de telle sorte que la bâtisse s’inclinera d’un côté. C’est ainsi qu’à Pise, à Bologne en Italie, des tours se sont inclinées pendant qu’on les élevait, jusqu’au moment où la tourbe a été complètement comprimée sous la charge. Quand on trouve ces sols, ou bien il faut enlever la tourbe jusqu’à ce qu’on trouve la roche ou le gravier, ou bien il faut enfoncer des pilotis très rapprochés les uns des autres, comme un jeu de quilles, jusqu’à ce que les pieux refusent d’entrer plus avant. Alors, sur les têtes de ces pilotis, on établit ce qu’on appelle un radier, sorte de châssis de charpente, entre lequel on coule du béton[21] et sur lequel on pose les premières assises de maçonnerie. Des villes entières sont ainsi bâties: Venise, Amsterdam, ne reposent que sur des forêts de pilotis enfoncés dans une vase spongieuse parce qu’elle s’est formée sous une mince nappe d’eau qui n’avait pas assez de puissance pour la comprimer.

      «Mais il ne suffit pas de reconnaître la nature du sol sur lequel on doit établir une construction; il faut examiner les cours d’eau sous-jacents, ou comment se comportent les écoulements des eaux pluviales sur leur surface ou dans leurs interstices. La présence d’un banc d’argile, si faible qu’il soit, entre des couches calcaires, de grès ou de sable, doit préoccuper le constructeur, car ces bancs étant étanches, c’est-à-dire ne laissant pas pénétrer l’eau des pluies dans leur épaisseur, favorisent des courants ou nappes d’eau, qui peuvent occasionner les désordres les plus fâcheux dans les fondations. Examinez ici près, le long de l’escarpement, cette couche verdâtre... C’est de l’argile, elle est très mince et ne peut point retenir les eaux; mais supposez qu’elle ait 50 centimètres d’épaisseur. Les pluies, qui pénétreront facilement à travers

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