Bel-Ami / Милый друг. Ги де Мопассан
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Читать онлайн книгу Bel-Ami / Милый друг - Ги де Мопассан страница 22
La petite bonne ouvrit la porte. Elle avait son visage ordinaire. Il se rassura, comme s'il se fût attendu à ce que la domestique lui montrât une figure bouleversée.
Il demanda:
– Madame va bien?
Elle répondit:
– Oui, monsieur, comme toujours.
Et elle le fit entrer dans le salon.
Il alla droit à la cheminée pour constater l'état de ses cheveux et de sa toilette; et il rajustait sa cravate devant la glace, quand il aperçut dedans la jeune femme qui le regardait, debout sur le seuil de la chambre.
Il fit semblant de ne l'avoir point vue, et ils se considérèrent quelques secondes, au fond du miroir, s'observant, s'épiant avant de se trouver face à face.
Il se retourna. Elle n'avait point bougé, et semblait attendre. Il s'élança, balbutiant:
– Comme je vous aime! comme je vous aime!
Elle ouvrit les bras, et tomba sur sa poitrine; puis, ayant levé la tête vers lui, ils s'embrassèrent longtemps.
Il pensait: «C'est plus facile que je n'aurais cru. Ça va très bien.» Et, leurs lèvres s'étant séparées, il souriait sans dire un mot, en tâchant de mettre dans son regard une infinité d'amour.
Elle aussi souriait, de ce sourire qu'elles ont pour offrir leur désir, leur consentement, leur volonté de se donner. Elle murmura:
– Nous sommes seuls. J'ai envoyé Laurine déjeuner chez une camarade.
Il soupira, en lui baisant les poignets:
– Merci, je vous adore.
Alors elle lui prit le bras, comme s'il eût été son mari, pour aller jusqu'au canapé où ils s'assirent côte à côte.
Il lui fallait un début de causerie habile et séduisant; ne le découvrant point à son gré, il balbutia:
– Alors vous ne m'en voulez pas trop?
Elle lui mit une main sur la bouche:
– Tais-toi!
Ils demeurèrent silencieux, les regards mêlés, les doigts enlacés et brûlants.
– Comme je vous désirais! dit-il.
Elle répéta:
– Tais-toi.
On entendait la bonne remuer les assiettes dans la salle derrière le mur.
Il se leva:
– Je ne veux pas rester si près de vous. Je perdrais la tête.
La porte s'ouvrit:
– Madame est servie.
Et il offrit son bras avec gravité.
Ils déjeunèrent face à face, se regardant et se souriant sans cesse, occupés uniquement d'eux, tout enveloppés par le charme si doux d'une tendresse qui commence. Ils mangeaient sans savoir quoi. Il sentit un pied, un petit pied, qui rôdait sous la table. Il le prit entre les siens et l'y garda, le serrant de toute sa force.
La bonne allait, venait, apportait et enlevait les plats d'un air nonchalant, sans paraître rien remarquer.
Quand ils eurent fini de manger, ils rentrèrent dans le salon et reprirent leur place sur le canapé, côte à côte.
Peu à peu, il se serrait contre elle, essayant de l'étreindre. Mais elle le repoussait avec calme:
– Prenez garde, on pourrait entrer.
Il murmura:
– Quand pourrai-je vous voir bien seule pour vous dire comme je vous aime?
Elle se pencha vers son oreille, et prononça tout bas:
– J'irai vous faire une petite visite chez vous un de ces jours.
Il se sentit rougir:
– C'est que… chez moi… c'est… c'est bien modeste…
Elle sourit:
– Ça ne fait rien. C'est vous que j'irai voir et non pas l'appartement.
Alors il la pressa pour savoir quand elle viendrait. Elle fixa un jour éloigné de la semaine suivante, et il la supplia d'avancer la date, avec des paroles balbutiées, des yeux luisants, en lui maniant et lui broyant les mains, le visage rouge, enfiévré, ravagé de désir, de ce désir impétueux qui suit les repas en tête-à-tête.
Elle s'amusait de le voir l'implorer avec cette ardeur, et cédait un jour de temps en temps. Mais il répétait:
– Demain… dites… demain.
Elle y consentit à la fin:
– Oui. Demain. Cinq heures.
Il poussa un long soupir de joie; et ils causèrent presque tranquillement, avec des allures d'intimité, comme s'ils se fussent connus depuis vingt ans.
Un coup de timbre les fit tressaillir; et, d'une secousse, ils s'éloignèrent l'un de l'autre.
Elle murmura:
– Ce doit être Laurine.
L'enfant parut, puis s'arrêta interdite, puis courut vers Duroy en battant des mains, transportée de plaisir en l'apercevant, et elle cria:
– Ah! Bel-Ami!
Mme de Marelle se mit à rire:
– Tiens! Bel-Ami! Laurine vous a baptisé! C'est un bon petit nom d'amitié pour vous, ça; moi aussi je vous appellerai Bel-Ami!
Il avait pris sur ses genoux la fillette, et il dut jouer avec elle à tous les petits jeux qu'il lui avait appris.
Il se leva à trois heures moins vingt minutes, pour se rendre au journal; et, sur l'escalier, par la porte entr'ouverte, il murmura encore du bout des lèvres:
– Demain. Cinq heures.
La jeune femme répondit: «Oui», d'un sourire, et disparut.
Dès qu'il eut fini sa besogne journalière, il songea à la façon dont il arrangerait sa chambre pour recevoir sa maîtresse et dissimuler le mieux possible la pauvreté du local. Il eut l'idée d'épingler sur les murs de menus bibelots japonais, et il acheta pour cinq francs toute une collection de crépons, de petits éventails et de petits écrans, dont il cacha les taches trop visibles du papier. Il appliqua sur les vitres de la fenêtre des images transparentes représentant des bateaux sur des rivières, des vols d'oiseaux à travers des ciels rouges, des dames multicolores sur des balcons et des processions de petits bonshommes noirs dans les plaines remplies de neige.
Son