Borgia. Michel Zevaco
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– Oh ! rassurez-vous, madame, fit ardemment Ragastens ; ce nom ne sortira jamais de ma bouche.
Elle se rapprocha, toute tremblante encore, et tendit sa main que le chevalier porta à ses lèvres.
– Pardonnez-moi, monsieur… c’est que je suis entourée d’embûches et d’ennemis… c’est que ce nom est, en effet, un se-cret et que je suis épouvantée que quelqu’un l’ait appris, fût-il le loyal et brave gentilhomme que vous êtes !
– Un hasard m’a seul fait connaître ce secret… et j’avoue d’ailleurs que ce hasard est assez effrayant…
– Que voulez-vous dire ?…
Ragastens raconta alors dans tous ses détails la scène ter-rible à laquelle il avait assisté et il répéta textuellement les pa-roles lugubres du blessé du Tibre.
– Je suis perdue !… finit-elle par murmurer.
– Par le soleil qui nous éclaire, s’écria Ragastens, je vous jure que les jours du misérable qui vous fait pleurer sont comp-tés, si vous me révélez son nom…
Primevère secoua la tête et un frisson l’agita. Puis elle jeta un profond regard sur le chevalier.
– Eh bien, oui, fit-elle tout à coup. Vous saurez tout !… Mais pas aujourd’hui… pas ici !… Vendredi, à une heure de la nuit, rendez-vous sur la voie Appienne… Comptez sur votre gauche vingt-deux tombeaux… au vingt-troisième, arrêtez-vous, appro-chez-vous et à celui qui vous dira : Roma ! répondez : Amor !… Alors, chevalier, vous saurez quels terribles ennemis sont les miens.
Le chevalier mit la main sur son cœur, qui battait à rompre et voulut répondre. Mais, légère et gracieuse, Primevère s’était déjà enfoncée dans l’épais feuillage…
Pensif, agité de mille pensées diverses, le chevalier rebrida Capitan, sortit du bois et sauta en selle. Puis il prit le chemin de Rome. Mais, rendu prudent par le peu qu’il savait, et surtout par ce qu’il supposait, il fit un grand détour, et, vers le soir, rentra dans la ville par une autre porte que celle qu’il avait prise pour en sortir.
VII. ALEXANDRE BORGIA
Le lendemain, de bonne heure, Ragastens, resplendissant dans son beau costume se prépara à se rendre au château Saint-Ange. Comme il allait sortir, il vit une foule de gens du peuple qui, causant et riant entre eux, se dirigeaient tous dans le même sens.
– Où vont donc tous ces gens ? demanda le chevalier à son hôte qui, respectueusement, lui tenait l’étrier.
– À Saint-Pierre, seigneur.
– À Saint-Pierre ? Il y a donc une fête religieuse ? Nous ne sommes ni à Pâques, ni à la Pentecôte…
– Non, mais il y aura cérémonie tout de même ! Et une belle ! On dit que ce sera magnifique. Pour tout dire, il s’agit des funérailles de monseigneur François Borgia, duc de Gandie, mort lâchement assassiné…
– Assassiné ?…
– Hélas, oui ! On a retrouvé son cadavre, percé d’un maître coup de poignard !
– Et où a-t-on retrouvé ce cadavre ?… demanda Ragastens avec une avide curiosité.
– Dans le Tibre !… À trois cents pas à peine d’ici !
– Dans le Tibre !…
– Les brigands, non contents d’assassiner le pauvre sei-gneur, ont jeté à l’eau son corps, dans l’espoir peut-être qu’il se-rait entraîné jusqu’à la mer…
– Ainsi, on a trouvé le cadavre dans le Tibre ! interrompit Ragastens.
– Comme j’ai l’honneur de vous le dire, à trois cents pas d’ici !… La découverte en fut faite hier matin, une heure à peine après que vous eûtes quitté l’hôtellerie…
– Et soupçonne-t-on l’assassin ?…
– On a arrêté une douzaine de gens mal famés… Il est sûr qu’on retrouvera les criminels, car c’est monseigneur César en personne qui dirige les recherches…
– Merci de vos renseignements, mon cher monsieur Bartho-lomeo.
– Savez-vous, seigneur chevalier, ce que quelques-uns disent tout bas ?…
– Que dit-on ? fit Ragastens en se penchant sur sa selle, car il était déjà à cheval.
Mais Bartholomeo se tut soudain. Il venait de se rappeler que le chevalier avait reçu, la veille, la visite de Giacomo, l’intendant du Palais-Riant, et que, selon toute apparence, il était l’ami des Borgia… Il jeta un regard effaré sur Ragastens.
– Rien ! fit-il en balbutiant ; on ne dit rien…
– Eh bien, je vais vous l’apprendre, ce qu’on dit ! On dit que le Palais-Riant est bien près du Tibre où l’on a retrouvé le duc de Gandie… n’est-ce pas ?
Bartholomeo devint cramoisi, puis livide de terreur.
– Je n’en sais rien, Excellence… Rien, je vous jure ! je ne dis rien, je ne suppose rien, je ne sais rien…
Le chevalier se dirigea, au pas de sa monture, vers le châ-teau Saint-Ange et passa Saint-Pierre. Là, sur la place dallée, ve-naient aboutir et se perdre en de sombres remous les fleuves d’hommes que déversaient toutes les rues.
La nouvelle de la mort de François Borgia avait produit une profonde impression.
Ragastens observa la foule qu’il fendait lentement du poi-trail du Capitan. De sourdes rumeurs faisaient tressaillir cette foule et couraient à sa surface comme les souffles d’une pro-chaine tempête sur la face des mers. Dans certains groupes, on n’hésitait pas à dire qu’il fallait venger la mort de François. Et, au mot de vengeance, des regards se tournaient vers le château Saint-Ange. De toute évidence, ces regards menaçaient César.
Préoccupé de ce qu’il voyait et entendait, Ragastens ne fit pas attention à un homme – un religieux, un moine ! – qui par-courait les groupes, glissant un mot dans l’oreille des uns, faisant à d’autres des signes mystérieux. Ce moine, c’était Dom Garco-nio.
À quelle besogne se livrait-il ?
C’est ce que se fût demandé le chevalier s’il eût vu le moine. Mais, comme nous l’avons dit, il marchait, tâchant de recueillir les impressions qui se dégageaient de la foule, puis songeant à l’étrange entrevue qu’il avait eue la veille avec Béatrix. L’image de la jeune fille flottant devant ses yeux finit par l’absorber com-plètement.
Et lorsqu’il fut parvenu devant la porte du château Saint-Ange, une modification extraordinaire s’était opérée dans l’attitude de la foule. Tout brave qu’il était, Ragastens eût sans doute frémi s’il eût vu à ce moment les yeux luisants qui se bra-quaient sur lui, et les sourires mauvais qui l’accompagnaient. Mais il ne vit rien et, paisiblement, pénétra dans la cour du châ-teau, sillonnée de laquais, de soldats, d’officiers