Borgia. Michel Zevaco
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L’un des trois spadassins jeta une exclamation furieuse ; son épée venait de lui sauter des mains.
– Deux ! continua tout à coup le chevalier.
C’était l’épée de Rinaldo qui sautait. Fendant le cercle des spectateurs, il courut après l’arme. L’épée était tordue…
Au moment où il se baissait pour la ramasser, un moine qui, debout dans un coin obscur, notait les phases de cette passe d’armes, s’avança vers lui. Il entr’ouvrit son manteau et, tendant une épée nue à Rinaldo :
– En voici une, dit-il, qui ne se tordra pas. Pour l’honneur de Rome, pour notre salut, touchez cet insolent…
Rinaldo n’écoutait plus. Il avait saisi l’arme qu’on lui tendait et, s’élançant vers le chevalier de Ragastens, il tomba en garde devant lui au moment où il s’écriait :
– Trois !
Son troisième adversaire, en effet, venait d’être désarmé.
– Ah ! fit Ragastens en se tournant vers Rinaldo, il paraît qu’une leçon ne vous suffit pas… J’aime cette ardeur… Tiens ! Vous avez une épée neuve ?… Je croyais avoir tordu la vôtre…
Rinaldo ne disait rien et s’escrimait froidement, résolu à toucher au moins une fois l’indomptable chevalier.
– Je vois que vous n’avez pas bien compris, reprit celui-ci… Tenez, regardez bien… Je commence par vous endormir le poi-gnet par ces battements… bon !… Puis, par cette série de doublés, je lie votre épée… un dernier coup… et… ça fait quatre !…
Une fois encore, l’épée venait de sauter… Elle décrivit une courbe et alla retomber par-dessus le cercle des spectateurs… On entendit un léger cri : l’arme, en retombant, venait d’égratigner à la main un laquais qui passait.
– Ce n’est rien ! fit le moine en s’élançant vers le laquais. Tais-toi et suis-moi. Je vais te guérir cela à l’instant.
Le laquais suivit le moine, très étonné, car l’égratignure, à peine visible, n’offrait rien de grave.
Pendant ce temps, un remous s’était opéré dans le cercle des courtisans. Toutes les têtes se découvraient. César Borgia venait d’apparaître.
– À cheval, messieurs, dit-il… À cheval, aujourd’hui, pour la cérémonie funèbre qui nous attend… Mais, dans quelques jours, à cheval pour la bataille !…
Un grand vivat s’éleva, et la cohue entoura César.
– Oui, messieurs, continua celui-ci ; sous peu nous par-tons… que chacun soit prêt au plus tôt pour une campagne qui sera dure… En attendant, allons enterrer mon bien-aimé frère François… M. le chevalier de Ragastens, ajouta-t-il en apercevant le chevalier, vous vous tiendrez près de moi, vous entendez ?… Messieurs, je vous présente M. le chevalier de Ragastens, mon ami… l’un des meilleurs !
Aussitôt, César se dirigea vers le grand escalier d’honneur qui aboutissait à la cour du château. La foule des courtisans le suivit avec un grand cliquetis d’épées et d’éperons.
Des mains nombreuses s’étaient tendues vers Ragastens. Les uns s’empressaient à saluer en lui un favori du maître. D’autres, simplement heureux de témoigner une sympathie à sa vaillance.
Dom Garconio – le moine qui avait tendu une épée neuve à Rinaldo désarmé – dom Garconio avait entraîné le laquais que cette épée venait d’égratigner légèrement à la main. Mais il n’avait pas fait vingt pas que l’homme s’arrêta soudain, comme frappé d’un vertige. Il devint livide. Une mousse apparut au coin de ses lèvres. Il voulut parler. Mais sa gorge ne put émettre qu’une sorte de cri guttural. Puis ses genoux fléchirent et il s’abattit.
Garconio, penché sur lui, suivait attentivement les phases de l’agonie. Cette agonie fut courte.
– Bien, murmura Dom Garconio… Selon mes prévisions, le poison paralyse la langue dès que ses effets commencent à se produire… Donc, pas de bavardages inutiles au moment de l’agonie… Mais, d’autre part, cette agonie vient beaucoup trop vite… j’avais calculé qu’elle se produirait au moins deux heures après la blessure… Il faudra modifier le dosage…
Puis, Garconio ayant jeté un dernier regard sur le cadavre, s’en alla lentement, la tête penchée, absorbé par de savants cal-culs.
Les funérailles de François Borgia, duc de Gandie, avaient eu lieu en grande pompe. Après la messe solennelle célébrée à Saint-Pierre, le corps avait été promené par la ville, en proces-sion.
Il était environ cinq heures lorsque, ayant fait le tour de la ville au son des cloches de toutes les églises, le cercueil fut rame-né à Saint-Pierre. Là, il fut fermé et le cadavre fut déposé dans un des caveaux de la crypte.
Sur tout le parcours, des cris retentirent, comme s’il y eût eu un commencement de sédition. À ces cris, César qui, jusque-là, avait paru s’absorber en une profonde méditation, releva la tête.
– Oh ! oh ! fit-il, nos Romains sont bien courageux au-jourd’hui ! Ils osent me regarder en face !…
Mais aussitôt il s’aperçut avec stupéfaction que ce n’était pas vers lui que convergeaient les mille menaces jaillies de la foule.
– Corpo di bacco, comme dit mon vénéré père… À qui en ont-ils donc ?
Près de lui, sur sa droite, comme il le lui avait recommandé, se tenait le chevalier de Ragastens. Un peu en arrière, venait As-torre, favori détrôné, puis Rinaldo, le duc de Rienzi et une cen-taine de seigneurs.
César avait jeté un rapide coup d’œil derrière lui. Chose étrange, les courtisans qui, en vingt circonstances pareilles, s’étaient massés autour de lui, l’épée haute, ne bronchaient pas. Et même, il lui sembla que des signes s’échangeaient entre cer-tains seigneurs et la foule.
César pâlit. Était-il donc trahi ?…
Mais, presque aussitôt, il se rassura.
Non ! Ce n’était pas à lui qu’on en voulait !… Les clameurs éclataient maintenant, brutales et significatives :
– Mort à l’assassin de François !…
– Au Tibre, le Français maudit !…
– Justice ! Au bourreau, le meurtrier !…
Et c’était vers Ragastens que se tendaient les poings. Borgia eut un mauvais rire.
– Parbleu ! fit-il, entendez-vous, chevalier ?
– J’entends, monseigneur, mais je ne comprends pas.
– C’est pourtant du bon italien…
– Peuh ! De l’italien de bas étage !
– Mais enfin, que leur avez-vous fait ?
– Le