Borgia. Michel Zevaco

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Borgia - Michel  Zevaco

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somptueux criminel ! Peut-on rêver assemblage plus parfait de cruauté, d’astuce et de vio-lence ? Quel admirable type de despote, pour inspirer au peuple l’horreur du despotisme !… Ah ! combien je suis heureux de ne pas avoir donné suite à mon projet de poignarder Borgia !…

      Machiavel se tut subitement. Puis, il passa sur son front sa main brûlante et, revenant tout à coup à Raphaël qui le contem-plait :

      – Pardonne-moi, mon ami, de me laisser emporter par mes songes, alors que de graves périls t’entourent… Mais à quoi pen-sais-tu ?…

      – Rosita ! murmura-t-il, pris d’une soudaine angoisse.

      – Ta Fornarina ! continua Machiavel. Et à ce propos, tu de-vais me dire les causes de ce départ précipité… de cette fuite.

      – Machiavel… les minutes sont précieuses… Un jour, lors-que tu seras venu nous rejoindre, soit à Florence, soit à Urbin, tu sauras tout… Aujourd’hui, sache seulement que Rosita est mena-cée d’un affreux danger… Ce que m’a raconté hier la Maga, du Ghetto, m’a atterré… Demain matin, à l’aube, la Fornarina et moi nous serons loin de Rome, sur la route de Florence… Mais avant notre départ, notre union sera consommée…

      – Soit… Et le mariage a lieu ?…

      – Cette nuit, dans la petite église des Anges, qui est à l’entrée du Ghetto… C’est là que ma pauvre Fornarina fut jadis trouvée par la Maga…

      – Quelle heure ?…

      – La première messe nocturne… deux heures du matin… aussitôt après la cérémonie, nous quittons Rome à pied et nous allons rejoindre la chaise de poste à l’endroit que tu me désigne-ras.

      – Sois tranquille, tout sera prêt… voiture solide, chevaux ra-pides… Je m’en charge… À propos, j’ai une cinquantaine de du-cats dans un tiroir… les veux-tu ?

      – Non, je suis riche, j’ai touché chez le trésorier du pape le prix de ma Vierge à la chaise.

      Le déménagement des toiles était achevé.

      Les deux amis descendirent et se dirent au revoir jusqu’à la cérémonie de l’église des Anges. Machiavel serait le témoin de la Fornarina.

      Raphaël gagna l’église des Anges et y entra. Le peintre cher-cha des yeux un prêtre et, n’en voyant pas, il allait se diriger vers la sacristie lorsqu’il en vit sortir un moine qui, le capuchon rabat-tu sur les yeux, traversa la nef. Raphaël l’aborda.

      – Mon père, lui dit-il, pourriez-vous me dire si le desservant de cette église est ici en ce moment ?…

      Le moine jeta un rapide coup d’œil sur le jeune homme et eut un geste de surprise vite dissimulé.

      – Ce vénérable prêtre est malade, répondit-il, mais je le remplace… Auriez-vous besoin des secours de notre sainte reli-gion ?…

      – Mon père, reprit le peintre après une légère hésitation, c’est pour un mariage…

      – Bien, mon enfant… Et alors ?…

      – Un mariage… sans faste… sans bruit… La fiancée… par caprice… désire que ce mariage soit consommé la nuit…

      – C’est vous le fiancé ?…

      – Oui, mon révérend.

      – Et la fiancée… qui est-ce ?…

      – Vous saurez les noms au moment nécessaire…

      – Bien, bien… mon enfant… Et vous désirez que ce mariage se fasse la nuit ?… Peut-être voulez-vous qu’il demeure secret ? Vous pouvez tout me confier, mon fils…

      – Eh bien, oui, digne père… Il faut que cette union demeure secrète…

      – Nous avons une messe à une heure de la nuit… une autre à deux heures…

      – Celle-ci me convient…

      – C’est très bien… Et, pour quand ?

      – Cette nuit, mon père ! Y voyez-vous un inconvénient ?

      – Aucun, aucun ! Soyez ici cette nuit, à deux heures, avec votre fiancée et vos témoins… et je vous unirai.

      Raphaël remercia le moine et s’élança au-dehors. Quant au révérend, il attendit que le jeune homme eût disparu, puis se di-rigea vivement vers la sacristie. Là, un vieux prêtre mettait en ordre une armoire.

      – Fra Domenico, dit le moine, vous allez rentrer chez vous.

      Le prêtre leva un regard surpris sur le révérend.

      –… Car vous êtes malade, continua celui-ci.

      – Je suis malade, dom Garconio ?…

      – Oui ! Jusqu’à demain ! Vous m’entendez ? reprit le moine d’un ton d’autorité.

      Le prêtre s’inclina humblement.

      – Que votre volonté soit faite, dom Garconio !

      – Dès le matin, vous pourrez revenir à l’église. Jusque-là, croyez-moi, gardez le lit…

      Le prêtre soupira, remit au moine la clef de l’église et s’éloigna. À son tour, le moine sortit, ferma à clef la porte de la petite église et, en toute hâte, prit le chemin du Vatican…

      – Il est une heure… Gens de la ville, dormez en paix !…

      Le veilleur de nuit venait jeter ce cri à l’entrée du Ghetto… sans y entrer.

      Dans le sombre logis de la Maga, Raphaël Sanzio et Rosita, la petite Fornarina, sa fiancée, venaient de faire leurs adieux à la vieille sorcière. Calme et presque indifférente, en apparence, la Maga consolait d’une caresse la Fornarina qui pleurait dans ses bras…

      – Mère, suppliait celle-ci, venez avec nous…

      – Il faut que je reste ! répondit la sorcière d’une voix ferme. Plus tard, je vous rejoindrai… peut-être ! Mais maintenant, ma tâche n’est pas terminée…

      – Vous ferez selon votre volonté, Maga, dit Raphaël d’une voix émue.

      – Mère ! Comment vais-je vivre, loin de vous ? reprit à son tour la Fornarina.

      – Allez, enfants ! fit-elle. Voici l’heure !…

      – Un dernier mot ! dit Raphaël. N’oubliez pas que vous avez promis de me faire savoir quels ennemis menaçaient Rosita… et qui est son père !

      – Oui, vous le saurez… mais quand il sera temps… Pour le moment, fuyez Rome au plus tôt…

      – La chaise de poste nous attend… Dans peu de jours, nous serons à Florence…

      – Alors, seulement, je respirerai… Allez… il est temps…

      La

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