Borgia. Michel Zevaco
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Ses mains rencontrèrent une étoffe soyeuse. L’étoffe couvrait le corps d’un homme. L’homme râlait, haletait. Ragastens le sai-sit par les épaules.
– Qui êtes-vous ? demanda l’inconnu.
– Ne craignez rien… un étranger… un ami…
– Il n’y a pas d’amis… Oh ! je vais mourir… Écoutez !…
L’homme incrusta ses mains sur les dalles… Ragastens vou-lut le tirer de l’eau…
– Non ! fit l’homme dans un hoquet d’agonie… inutile… je vais… mourir… mais je veux… me venger… Écoutez…
– J’écoute ! fit Ragastens, les cheveux hérissés.
– Le comte Alma… prévenez-le… prévenez sa fille… il veut l’enlever… il ne faut pas…
– Qui, le comte Alma ? Qui, sa fille…
– Sa fille !… Béatrix… Primevère !…
– Vous dites, fit Ragastens d’une voix rauque d’angoisse, vous dites qu’il veut l’enlever… Qui ?…
– Celui qui vient de me tuer… mon…
À ce moment, l’homme fut secoué d’un spasme mortel… il se raidit… ses mains lâchèrent la pierre, le corps roula dans l’eau… et disparut dans un remous des flots noirs.
Ragastens se redressa. Ses yeux fouillèrent avidement l’ombre épaisse. Mais en vain !
Alors, il rentra dans la chambre, et essuya son visage cou-vert d’une sueur d’angoisse.
– Oh ! prononça-t-il sourdement, quel est cet horrible secret que je n’ai pu saisir !… Elle s’appelle Béatrix… elle est la fille du comte Alma… Et quelqu’un veut l’enlever… Mais qui ?… Qui ?…
À ce moment, l’heure sonna lentement à Saint-Pierre.
– Minuit, fit le chevalier bouleversé.
Et il s’élança au dehors, courant vers le Palais-Riant où l’attendait son illustre protecteur, César Borgia.
IV. LES NUITS DE ROME
À peu près au moment où le chevalier de Ragastens, se transformait en tailleur et s’occupait à recoudre à son pourpoint quelques passementeries destinées à en rehausser la bonne mine, César Borgia, escorté de quatre jeunes gens, pénétrait au Palais-Riant.
César et son escorte traversèrent rapidement ces magni-fiques salons où se trouvaient accumulées les merveilles de l’art italien. Ils arrivèrent à une porte de bronze doré que gardaient deux Nubiens, noirs comme la nuit, muets comme le silence.
César fit un signe. L’un des Nubiens posa le doigt sur un bouton et la porte de bronze s’ouvrit.
… Là commençait la partie intime du palais.
Dès que César et ses amis eurent franchi la porte, elle se re-ferma sans bruit. Ils se trouvèrent alors dans une sorte de vesti-bule, aux hautes murailles de jaspe.
Face à la porte de bronze se trouvait une porte en bois de rose incrusté de délicates orfèvreries d’argent…
Cette fois, c’étaient deux femmes qui gardaient la porte : deux femmes nues, d’une sculpturale beauté, assises ou plutôt à demi couchées sur d’épais coussins…
Cette porte s’ouvrit mystérieusement comme la première, sur un signe de César. Toujours suivi de son escorte, il pénétra alors dans une pièce de moindre dimension, mais d’un luxe plus raffiné, plus subtil.
Une musique douce où dominaient les accords d’harmonie de flûte, de viole et de guitare, se faisait entendre en un murmure à peine perceptible. Et cette musique, arrivant comme par bouf-fées mystérieuses, se mêlait de voix féminines qui chantaient la gloire et l’amour.
Il n’y avait pas de meubles dans cette salle, hormis un dres-soir et une immense table ; mais çà et là, une profusion de larges et moelleux coussins, des tapis épais, richement brodés, invitait au repos.
La table dressée supportait des plats d’une fabuleuse ri-chesse dans lesquels des fruits glacés, des confitures exotiques, des pâtisseries délicates dont Lucrèce avait seule la formule et qu’elle faisait pétrir dans son palais…
Autour de cette table, plusieurs hommes déjà avaient pris place. Ils n’étaient pas assis, mais à demi couchés sur une sorte de lit, à la mode des anciens Romains.
Parmi eux se trouvait une femme, une seule : la maîtresse du palais, la Circé de cette caverne enchantée, la prodigieuse ma-gicienne qui régnait sur les sens des hommes, la sœur de César, la fille du Pape, Lucrèce Borgia !
– Comme vous venez tard, mon frère !
– Excusez-nous, ma chère Lucrèce, répondit César, ces sei-gneurs et moi, nous sommes rentrés à la nuit, après une longue promenade sur la route de Florence…
– Vous êtes pardonné… mais vous ne dites rien à votre frère ?
César se tourna vers un homme qui, près de Lucrèce, avait tressailli d’inquiétude en voyant entrer César. C’était François Borgia, duc de Gandie, deuxième fils du pape, frère de César et de Lucrèce.
Les deux frères se tendirent la main avec un sourire. Mais chacun d’eux surveillait étroitement chaque mouvement de l’autre.
Lucrèce se pencha tout à coup vers François, saisit sa tête à pleines mains et l’embrassa sur la bouche.
– Voilà de l’amour fraternel, ricana César, ou je ne m’y con-nais pas ! Et pourtant, je suis expert en la matière…
– C’est vrai, fit Lucrèce, j’aime François… c’est le meilleur d’entre nous.
– Vous me comblez, ma sœur, dit avec inquiétude le duc de Gandie… vous oubliez que si notre maison est glorieuse, et le trône pontifical de notre père inébranlable, nous le devons à l’épée de notre cher César…
– C’est juste ! reprit César. J’ai assez joliment manié l’épée… L’arme blanche, c’est mon affaire…
En disant ces mots, il sortit son poignard et, d’un coup vio-lent, l’enfonça sur la table. Un frémissement parcourut les con-vives. François pâlit affreusement. Mais Lucrèce éclata de rire.
– Soupons ! fit-elle gaiement.
Elle avait jeté un rapide coup d’œil sur une portière en étoffe de brocard qui s’était agitée doucement.
Aussitôt les servantes commencèrent leur office.
Lucrèce Borgia était vêtue – mais juste assez pour appa-raître aux convives plus désirable encore. Une gaze légère recou-vrait sa nudité, sa beauté, un peu massive – des formes qui sem-blaient taillées en plein marbre.