Borgia. Michel Zevaco
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– Duc ! interrompit François Borgia d’un ton presque sup-pliant.
– C’est une histoire d’amour ! reprit le duc.
– Voyons l’histoire… dit Lucrèce… L’amour… la seule chose vraie, la seule digne qu’on vive et qu’on meure pour elle !…
En même temps, elle enlaçait le cou de François…
– Racontez, duc ! ordonna-t-elle d’une voix pâmée.
– Oui, oui ! s’écrièrent les convives. De l’amour ! Ne parlons que d’amour !
– Oh ! continua le duc de Rienzi, c’est un amour pur et vir-ginal. J’ai presque de la honte à le dire ici…
– Parlez, fit César d’un ton bref.
– Puisque c’est vous-même qui l’ordonnez, monseigneur… On dit donc qu’un célèbre capitaine, le plus noble qui soit, se trouve amoureux…
Les regards convergèrent vers César.
– Mais, reprit le duc, amoureux comme il ne le fut jamais. Lui qui, assure-t-on, avait un cœur de bronze, a maintenant un cœur de colombe… il soupire, il gémit… Ce qu’il y a de plus cu-rieux, c’est que l’objet de sa flamme se trouve être une inconnue que nul n’a pu approcher… Et enfin, où l’histoire devient invrai-semblable, mais demeure pourtant véridique, c’est que l’inconnue loin d’accueillir avec transport et reconnaissance les offres de ce grand capitaine, les repousse et les dédaigne !…
– Et le nom du bel amoureux ? demanda Lucrèce.
– Cherchez ! bégaya le duc de Rienzi tout à fait ivre… Il est parmi nous…
– Inutile ! gronda César Borgia. L’amoureux, c’est moi !… Et malheur à qui trouverait à y redire !…
– Monseigneur !… Croyez…
– Quant à la femme je vous jure que, sous peu, elle aura ces-sé de me dédaigner !…
Lucrèce éclata de rire.
– Ainsi, mon cher César, fit-elle, vous me trahissez ?… Vous m’abandonnez ?…
– Non pas ! répondit César qui sentait son cerveau se trou-bler dans une ivresse envahissante, ivresse du vin, ivresse des sens, ivresse de l’orgueil.
Et il continua, balbutiant :
– Non, Lucrèce, je ne te trahis pas, tu es à moi ! Comme elle sera à moi, elle aussi !… Comme ta femme, Rienzi, a été à moi !… Comme tout doit être à moi ! à moi ! à moi seul ! Entendez-vous, vous tous !…
Il haletait. Son regard lançait des éclairs sanglants… Ce fut à cette minute précise que Lucrèce, se levant, saisit François, duc de Gandie, dans ses deux bras.
François subit ce baiser, avec une pâleur croissante. Il es-saya vainement de se dégager…
– Enfer ! rugit César Borgia qui, d’une poussée furieuse, re-poussa la table.
En même temps, il saisit son poignard qui était resté planté devant lui et, hagard, s’avança sur son frère François… D’un bond, il fut sur lui.
Son bras se leva, puis s’abaissa dans un geste foudroyant. L’arme pénétra tout entière dans la poitrine du duc de Gandie. Celui-ci tomba à la renverse. Sa bouche vomit un flot de sang.
Les spectateurs de cette scène, épouvantés, demeurèrent comme pétrifiés. Lucrèce s’était reculée, simplement, et un sin-gulier sourire vint errer sur ses lèvres.
– À moi, râlait l’infortuné duc de Gandie… à moi !… Oh !… je brûle… De l’eau !… par pitié !… Un peu d’eau…
– Ah ! tu veux de l’eau, fit César dans un ricanement si-nistre. Attends, mon frère, je vais te faire boire !…
Alors on vit une chose monstrueuse. César Borgia se baissa, saisit son frère par les pieds et, traînant ainsi le corps dont la tête livide s’ensanglantait sur les dalles, il l’emporta en hurlant :
– De l’eau pour mon frère François ! De l’eau pour l’amant de Lucrèce !… Toute l’eau du Tibre pour le duc de Gandie !…
César parcourut ainsi une enfilade de pièces et parvint enfin à une dernière porte. Il l’ouvrit lui-même… Le Tibre était là qui coulait dans la nuit. César souleva le corps et, d’une poussée vio-lente, le lança dans le fleuve.
Les témoins de cette scène s’étaient enfuis, blêmes d’horreur et d’effroi… Alors Lucrèce Borgia s’élança vers la portière de bro-card, la souleva et pénétra dans une sorte de cabinet à peine éclairé.
Là, un vieillard aux traits rudes et empreints d’une indéfi-nissable malice était assis dans une sorte de fauteuil. Ce vieillard avait tout entendu, tout vu !… C’était le père de François, duc de Gandie, le père de César, duc de Valentinois, le père de Lucrèce, duchesse de Bisaglia, c’était Rodrigue Borgia… C’était le pape Alexandre VI…
– Êtes-vous content, mon père ? demanda Lucrèce.
– Per bacco, ma fille, tu as été un peu loin… Ce pauvre François !… Enfin, je dirai moi-même une messe pour le repos de son âme !… C’est dommage, peccato !… C’était un bon diable, ce François… mais… mais le duc de Gandie gênait mes projets… Al-lons, adieu, ma fille… je te donne la bénédiction pontificale, que ce nouveau péché te soit entièrement remis…
Lucrèce s’inclina. Le pape se leva, étendit la dextre. Lorsque Lucrèce Borgia se releva, son père avait disparu.
V. LES CAPRICES DE LUCRÈCE
Lucrèce Borgia rentra dans la salle du festin et s’aperçut qu’elle était vide.
– Les lâches, murmura-t-elle, ils ont fui… l’ivresse de l’épouvante a remplacé dans leurs veines l’ivresse de la volupté… Ah ! il n’y a pas d’hommes !… Mon père en fut un… mais c’est un vieillard… Pourquoi la nature m’a-t-elle donné ce sexe, à moi… à moi qui me sens d’appétit à dévorer un monde…
Elle se renversa sur une pile de coussins, et s’étira.
Une ombre se dressa près d’elle tout à coup. Elle tourna né-gligemment la tête.
– C’est vous, mon frère ? dit-elle en tendant la main à César.
Il venait de rentrer, et qui l’eût vu en ce moment n’eût ja-mais pu supposer que cet homme venait d’assassiner son frère. Il montrait un visage enjoué à sa sœur qui, de son côté, le regardait en souriant. C’était quelque chose d’effroyable que le double sou-rire de ce couple monstrueux.
– Méchant ! fit Lucrèce, pourquoi avez-vous fait du mal à ce pauvre François ?… Vous étiez donc jaloux ?…
– Ma foi, oui, Lucrèce… Il me déplaît