Coeur de panthère. Gustave Aimard
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Pour mieux préparer les événements au gré de ses désirs, Wontum se mit à semer entre les Blancs et les Indiens les germes d’une haine nouvelle, gonflée de tout l’ancien levain de leurs vieilles discordes: il eût même l’infernale précaution d’irriter entre elles les tribus Peaux-Rouges. Par ces moyens perfides il organisa les éléments d’une guerre générale.
Tous les jours se commettaient des meurtres, des vols, des atrocités de toute espèce dont il était le ténébreux auteur. Ensuite il pérorait contre les Visages-Pâles qu’il accusait de ces méfaits. Et cet état de choses devenait d’autant plus irritant que les victimes étaient toujours choisies parmi les Pawnies, ou dans quelque tribu amie du voisinage.
A la fin, le chef suprême, Nemona, poussé par tous ses guerriers exaspérés, décida qu’on commencerait les hostilités. Ce jour-là Wontum faillit mourir de joie: il déploya, à lui seul, plus d’ardeur que tous ses compagnons ensemble, et mérita de recevoir une part importante du commandement supérieur.
Les Sauvages prirent possession de Devil’s Gate, s’y fortifièrent avec un art infini, et se lancèrent en expédition.
Leur première attaque tomba justement sur une caravane escortée par Henry Marshall: voyageurs et soldats furent massacrés; le lieutenant seul échappa d’une façon presque miraculeuse à ce désastre sanglant; nous l’avons vu arriver seul et désolé chez le vieil ermite.
Après ce premier succès, sans perdre un seul instant, Wontum descendit la rivière Platte par un mouvement rapide, et arriva sous les murs du Fort, bien longtemps avant que l’on y connût la fatale destinée de la caravane.
Le vindicatif Indien touchait à son but; il ne s’agissait plus que de tenter à propos quelque ruse audacieuse: en un tour de main Cœur-de-Panthère et son petit enfant pouvaient être enlevés.
Par une sombre nuit d’orage, il conduisit ses guerriers tout près des fortifications et les embusqua dans un petit bois extrêmement fourré. Puis il s’avança en éclaireur, seul, sans peinture ni vêtement de guerre.
On était loin de s’attendre à un péril semblable dans le Fort; plus loin encore de prévoir un assaut aussi proche. La vigilance des sentinelles s’était considérablement relâchée; on ne se croyait plus en danger.
Wontum n’eût aucune difficulté à se glisser jusqu’à l’intérieur des ouvrages avancés qui entouraient les fortifications: mais pour pénétrer plus avant dans la place se présentait un obstacle plus grave.
La présence d’un Indien à pareille heure (il était minuit passé), devait nécessairement exciter des soupçons, s’il venait à être aperçu: le risque était d’autant plus grand, qu’avec les bruits de guerre sauvage qui commençaient à circuler, Wontum avait toute chance d’être pris et passé par les armes dans la même minute, à titre d’espion ou de maraudeur nocturne.
Cependant le rusé coquin arriva sans mésaventure jusqu’à la porte du Fort. Elle était fermée et sa massive membrure de chêne opposait une barrière infranchissable. Devant était un factionnaire languissamment appuyé contre la muraille, son fusil à côté de lui.
– Voilà un homme qui serait bien facile à égorger, sans bruit et sans peine, pensa Wontum.
Tout en songeant ainsi, et cherchant le parti qu’il allait prendre, il caressait son couteau de la main; l’instinct farouche du meurtre lui montait au cœur, la sentinelle courait sans s’en douter un danger mortel.
Tout à coup la porte s’ouvrit avec un bruit sourd, un peloton de soldats apparût; on venait relever le factionnaire. Ce dernier, réveillé en sursaut, sauta sur son fusil et présenta les armes; puis, tous les militaires se groupèrent pour échanger la consigne et le mot d’ordre.
Le Pawnie profita de ce moment pour se glisser comme un serpent au travers du guichet béant devant lui. Un sentiment d’orgueil gonfla sa poitrine; il était au cœur de la place.
Mais là il se trouvait en pays inconnu, au milieu des plus épaisses ténèbres. Il était entré dans la citadelle une seule fois peut-être, et alors il n’avait pas songé à en connaître la topographie intérieure, jusque-là sans intérêt pour lui.
Or, ce n’était pas chose facile de cheminer dans ce dédale tout hérissé de périls et dans lequel il ne savait pas comment faire le premier pas.
Son ardeur de vengeance était telle qu’il s’arrêta à peine à réfléchir, et qu’il entendit d’une oreille impassible la porte énorme retomber dans son cadre de granit, fermant ainsi toute issue pour la retraite. Pendant quelques secondes le pas cadencé des soldats résonna dans l’esplanade, puis tout retomba dans un lugubre silence.
Wontum ignorait les usages des camps civilisés; mais son instinct naturel lui révélait que, comme dans un village Indien, les logements les plus beaux devaient être réservés aux chefs: cette première donnée lui suffit pour s’orienter.
Devant lui s’étendait une double rangée de tentes ou de baraques, dont les formes basses et blanchâtres se profilaient sur les noires profondeurs de l’horizon. A sa droite s’élevaient des maisons dont les apparences étaient plus confortables: il en augura que ce devait être là son but.
Pour s’en approcher l’Indien était obligé de traverser un espace découvert: mais l’obscurité était si épaisse, qu’en usant de précautions, il ne risquait nullement d’être aperçu.
L’audacieux espion s’avança donc hardiment, rampant à la manière Indienne, invisible, silencieux, rapide comme un démon de la nuit.
Partout la nuit noire! Au travers d’un volet mal joint, au rez-de-chaussée, s’échappait un mince filet de lumière: deux ou trois clartés tremblotantes se montraient vaguement aux fenêtres de l’étage supérieur. Pas une voix, pas un son ne troublait le morne silence, si ce n’étaient les pleurs lamentables de la pluie ruisselante et le râlement obstiné du vent.
Tous dormaient d’un sommeil de plomb, excepté ceux dont le devoir était de veiller ou ceux qui entretenaient les lumières brillant à leurs fenêtres:.... Et si des yeux étaient éveillés, si un cœur était inquiet, pourquoi ne serait-ce pas ceux de Manonie, de Cœur-de-Panthère!
A ce nom, les muscles de l’Indien se crispèrent dans ses mains brûlantes; l’heure de la vengeance arrivait enfin!!
Il avançait sans relâche, glissant sur le sol avec lequel se confondaient les teintes brunes de son corps, s’arrêtant souvent pour sonder l’ombre dans une muette immobilité. Bientôt il fût tout près de la fenêtre éclairée au rez-de-chaussée: il se redressa, tout palpitant d’une curiosité farouche. D’épais rideaux interceptaient complétement la vue de l’intérieur; l’Indien ne pût rien apercevoir. Alors il appliqua son oreille contre les vitres et écouta: aucun son ne se fit entendre.
Après un instant d’observation infructueuse l’audacieux bandit frappa un léger coup sur un carreau: nul mouvement ne répondit.
– Dors! dors! grommela-t-il; c’était ici la chambre du capitaine, lorsqu’il fût blessé, il y a longtemps: il faut savoir si c’est encore la sienne.
Et il frappa de nouveau contre les vitres, mais plus fort, cette fois. Aussitôt il se fit du bruit dans l’intérieur. Prompt comme l’éclair, le sauvage recula et se coucha par terre.
Quoiqu’on fût au mois de septembre et que les journées