Собор Парижской Богоматери / Notre-Dame de Paris. Виктор Гюго
Чтение книги онлайн.
Читать онлайн книгу Собор Парижской Богоматери / Notre-Dame de Paris - Виктор Гюго страница 14
Elle s’approcha du patient avec son pas léger. Sa jolie Djali la suivait. Gringoire était plus mort que vif. Elle le considéra un moment en silence.
« Vous allez pendre cet homme? dit-elle gravement à Clopin.
– Oui, sœur, répondit le roi de Thunes, à moins que tu ne le prennes pour mari. »
Elle fit sa jolie petite moue de la lèvre inférieure.
« Je le prends », dit-elle.
Gringoire ici crut fermement qu’il n’avait fait qu’un rêve depuis le matin, et que ceci en était la suite.
La péripétie en effet, quoique gracieuse, était violente.
On détacha le nœud coulant, on fit descendre le poète de l’escabeau. Il fut obligé de s’asseoir, tant la commotion était vive.
Le duc d’Égypte, sans prononcer une parole, apporta une cruche d’argile. La bohémienne la présenta à Gringoire. « Jetez-la à terre », lui dit-elle.
La cruche se brisa en quatre morceaux.
« Frère, dit alors le duc d’Égypte en leur imposant les mains sur le front, elle est ta femme; sœur, il est ton mari. Pour quatre ans. Allez. »
VI
Une nuit de noces
Au bout de quelques instants, notre poète se trouva dans une petite chambre voûtée en ogive, bien close, bien chaude, assis devant une table qui ne paraissait pas demander mieux que de faire quelques emprunts à un garde-manger suspendu tout auprès, ayant un bon lit en perspective, et tête à tête avec une jolie fille.
Enfoncé de plus en plus dans sa rêverie, « Voilà donc, se disait-il en la suivant vaguement des yeux, ce que c’est que la Esmeralda! une céleste créature! une danseuse des rues! tant et si peu! C’est elle qui a donné le coup de grâce à mon mystère ce matin, c’est elle qui me sauve la vie ce soir. Mon mauvais génie! mon bon ange! – Une jolie femme, sur ma parole! – et qui doit m’aimer à la folie pour m’avoir pris de la sorte. – À propos, dit-il en se levant tout à coup avec ce sentiment du vrai qui faisait le fond de son caractère et de sa philosophie, je ne sais trop comment cela se fait, mais je suis son mari! »
Cette idée en tête et dans les yeux, il s’approcha de la jeune fille d’une façon si militaire et si galante qu’elle recula.
« Que me voulez-vous donc? dit-elle.
– Pouvez-vous me le demander, adorable Esmeralda? » répondit Gringoire avec un accent si passionné qu’il en était étonné lui-même en s’entendant parler.
L’égyptienne ouvrit ses grands yeux. « Je ne sais pas ce que vous voulez dire.
– Eh quoi! reprit Gringoire, s’échauffant de plus en plus, et songeant qu’il n’avait affaire après tout qu’à une vertu de la Cour des Miracles, ne suis-je pas à toi, douce amie? n’es-tu pas à moi? »
Et, tout ingénument, il lui prit la taille.
Le corsage de la bohémienne glissa dans ses mains comme la robe d’une anguille. Elle sauta d’un bond à l’autre bout de la cellule, se baissa, et se redressa, avec un petit poignard à la main, avant que Gringoire eût eu seulement le temps de voir d’où ce poignard sortait; irritée et fière, les lèvres gonflées, les narines ouvertes, les joues rouges comme une pomme d’api, les prunelles rayonnantes d’éclairs. En même temps, la chevrette blanche se plaça devant elle, et présenta à Gringoire un front de bataille, hérissé de deux cornes jolies, dorées et fort pointues. Tout cela se fit en un clin d’œil.
La demoiselle se faisait guêpe et ne demandait pas mieux que de piquer.
Notre philosophe resta interdit, promenant tour à tour de la chèvre à la jeune fille des regards hébétés.
« Sainte Vierge! dit-il enfin quand la surprise lui permit de parler, voilà deux luronnes! »
La bohémienne rompit le silence de son côté.
« Il faut que tu sois un drôle bien hardi!
– Pardon, mademoiselle, dit Gringoire en souriant. Mais pourquoi donc m’avez-vous pris pour mari?
– Fallait-il te laisser pendre?
– Ainsi, reprit le poète un peu désappointé dans ses espérances amoureuses, vous n’avez eu d’autre pensée en m’épousant que de me sauver du gibet?
– Et quelle autre pensée veux-tu que j’aie eue? »
Gringoire se mordit les lèvres. « Allons, dit-il, je suis pas encore si triomphant en Cupido que je croyais. Mais alors, à quoi bon avoir cassé cette pauvre cruche? »
Cependant le poignard de la Esmeralda et les cornes de la chèvre étaient toujours sur la défensive.
« Mademoiselle Esmeralda, dit le poète, capitulons. Je vous jure sur ma part de paradis de ne pas vous approcher sans votre congé et permission; mais donnez-moi à souper. »
L’égyptienne ne répondit pas. Elle fit sa petite moue dédaigneuse, dressa la tête comme un oiseau, puis éclata de rire, et le poignard mignon disparut comme il était venu, sans que Gringoire pût voir où l’abeille cachait son aiguillon.
Un moment après, il y avait sur la table un pain de seigle, une tranche de lard, quelques pommes ridées et un broc de cervoise. Gringoire se mit à manger avec emportement. À entendre le cliquetis furieux de sa fourchette de fer et de son assiette de faïence, on eût dit que tout son amour s’était tourné en appétit.
La jeune fille assise devant lui le regardait faire en silence, visiblement préoccupée d’une autre pensée à laquelle elle souriait de temps en temps, tandis que sa douce main caressait la tête intelligente de la chèvre mollement pressée entre ses genoux.
Gringoire hasarda une question délicate.
« Vous ne voulez donc pas de moi pour votre mari? »
La jeune fille le regarda fixement, et dit: « Non.
– Pour votre amant? » reprit Gringoire.
Elle fit sa moue, et répondit: « Non.
– Pour votre ami? » poursuivit Gringoire.
Elle le regarda encore fixement, et dit après un moment de réflexion: « Peut-être. »
Ce peut-être, si cher aux philosophes, enhardit Gringoire.
« Savez-vous ce que c’est que l’amitié? demanda-t-il.
– Oui, répondit l’égyptienne. C’est être frère et sœur, deux âmes qui se touchent sans se confondre, les deux doigts de la main.
– Et l’amour? poursuivit Gringoire.
– Oh! l’amour! dit-elle, et sa voix tremblait, et son œil rayonnait. C’est