La Pensée de l'Humanité. Tolstoy Leo
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L'homme est misérable et ridicule lorsqu'il cherche ce qu'il a sur le dos. Il est tout aussi misérable et ridicule lorsqu'il cherche le bonheur, sans savoir qu'il le trouvera dans l'amour qui est dans son cœur.
Ne regardez pas le monde et les œuvres des hommes, mais jetez un regard dans votre âme, et vous y trouverez, le bonheur que vous cherchez là où il n'est pas; vous trouverez l'amour et vous saurez que ce bonheur est si grand que celui qui l'a, ne peut plus rien désirer.
Fais du bien à tes amis pour qu'ils t'aiment davantage, fais-en à tes ennemis pour qu'ils deviennent tes amis.
On dit: quel profit y a-t-il à faire du bien aux gens qui vous paient par le mal? Si tu aimes celui à qui tu fais le bien, tu as déjà reçu ta récompense par ton amour pour lui, et tu en auras une plus grande encore dans ton âme si tu supportes avec amour le mal qu'il le fait.
Quand nous aimons nos frères nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie. Celui qui hait son frère n'a pas la vie éternelle qui est en lui.
Oui, le temps viendra bientôt, celui-là même dont le Christ disait qu'il souffrait en l'attendant, le temps où les hommes seront fiers, non pas de la domination sur les autres et de la spoliation du fruit de leur travail, non pas de la crainte et de l'envie qu'ils provoquent, mais fiers de leur amour pour tous et heureux de cette sensation qui les libère de tout mal, malgré les peines qu'on peut leur causer.
L'amour donne et ne reçoit rien.
CHAPITRE VI
PÉCHÉS, TENTATIONS, SUPERSTITIONS
La vie humaine serait un bonheur continuel si les superstitions, les tentations et les péchés n'avaient pas privé les hommes de ce bien qui leur est accessible. Le péché est l'encouragement aux désirs charnels; les tentations sont la conception erronée que l'homme a de ses relations avec le monde; les superstitions sont les fausses doctrines acceptées sur parole.
Le terme de péché, dans le langage populaire, est employé par le laboureur lorsque la charrue lui échappe des mains, et qu'elle sort du sillon sans retourner la terre.
Il en est de même dans la vie. Le péché est la déviation du corps humain de la bonne voie et son impuissance, par suite, d'accomplir son devoir.
Dans leur jeunesse, lorsqu'ils ne connaissent pas le but réel de la vie qui est la communion dans l'amour, les hommes pensent que le but est de satisfaire leurs désirs charnels. Il n'y aurait pas grand mal, si cette illusion n'était qu'une erreur de la raison; mais le malheur est que l'assouvissement des désirs charnels souille l'âme et que celle-ci perd la faculté de trouver son bonheur dans l'amour.
N'est-ce pas vouloir puiser de l'eau potable avec un récipient bien souillé préalablement?
Tu voudrais procurer à ton corps les plus grands plaisirs. Mais ton corps, vivra-t-il longtemps? Se soucier des plaisirs charnels, c'est construire sa maison sur de la glace. Quelle joie pourrait-on attendre d'une telle vie, quel repos? Ne crains-tu pas constamment que, tôt ou tard, la glace fondra, que, tôt ou tard, tu devras abandonner ton corps mortel?
Transporte donc ta maison sur la terre ferme; travaille à ce qui ne meurt pas: perfectionne ton âme, débarrasse-toi des péchés, des tentations et des superstitions.
L'enfant ne sent pas encore son âme et ne sent pas ce qu'éprouve l'adulte lorsqu'il entend deux voix contradictoires parler en lui. L'une dit: «mange toi-même» et l'autre: «donne à celui qui demande.» L'une dit: «venge-toi», et l'autre: «pardonne». L'une dit: «crois à ce que disent les autres», et l'autre: «réfléchis toi-même».
Plus l'homme devient âgé, plus il entend ces deux voix contradictoires: l'une est la voix du corps, l'autre celle de l'esprit. Et celui qui s'habituera à entendre la voix de l'âme, sera heureux.
Nul ne peut servir deux maîtres: car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon.
On ne peut avoir soin en même temps de son âme et de son corps. Si tu veux des plaisirs charnels, renonce à ton âme; si tu veux préserver ton âme, renonce aux plaisirs charnels. Sinon, tu sera tiraillé tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, et tu n'auras ni l'un ni l'autre.
L'homme cherche à s'assurer la liberté afin de soustraire son corps à toute entrave et de pouvoir agir à sa guise. C'est là une grande erreur. Les moyens par lesquels les hommes cherchent à délier leur corps de toute entrave: la richesse, la puissance, la bonne réputation, tout cela n'assure pas la liberté souhaitée; au contraire, cela ne fait que les lier davantage. Pour acquérir une liberté plus grande, les hommes construisent une prison de leurs péchés, tentations et superstitions et s'y enferment.
La doctrine des Bouddhistes enseigne cinq commandements principaux. Le premier: ne tue sciemment nul être vivant. Le deuxième: ne t'approprie pas ce qu'autrui considère comme son bien. Le troisième: sois chaste. Le quatrième: ne dis pas le contraire de la vérité. Le cinquième: ne te grise ni de boissons, ni de fumée. Les Bouddhistes considèrent donc comme péchés: le meurtre, le vol, la fornication, l'ivrognerie, le mensonge.
La doctrine évangélique ne recommande que deux préceptes, tous deux ayant trait à l'amour. Lorsque l'homme de loi, pour éprouver le Christ, lui demanda: – Maître quel est le grand commandement de la loi? Jésus répondit: – Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute la pensée. C'est là le premier et le grand commandement. Et voici le second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
C'est pourquoi, d'après la doctrine chrétienne, tout ce qui est en désaccord avec ces deux commandements, est péché.
Les hommes ne sont pas punis à cause de leurs péchés, mais par les péchés mêmes. C'est là le plus pénible et le plus sûr des châtiments.
Il arrive qu'un imposteur ou un méchant vit et meurt dans l'opulence et les honneurs; mais ceci ne signifie nullement qu'il a échappé au châtiment dû pour ses péchés. Et le châtiment ne se produira pas quelque part où personne n'a jamais été et n'ira jamais, mais ici même. Cet homme est déjà puni par ce fait que chaque nouveau péché l'éloigné de plus en plus du vrai bonheur, de l'amour, et qu'il devient de moins en moins heureux. De même qu'un ivrogne, qu'il soit puni par les hommes ou non, l'est déjà à coup sûr, parce que, indépendamment de son mal de tête immédiat dû à l'ivresse, il est puni par les souffrances qui le tenaillent à mesure qu'il s'adonne à l'ivrognerie.
Si l'on s'imagine que l'on peut se débarrasser de ses péchés dans cette vie, on se trompe grossièrement. L'homme peut avoir plus ou moins de péchés, mais il ne saurait être impeccable. Il ne le saurait, parce que toute notre vie se passe dans l'effort de nous libérer de nos péchés et c'est
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L'un des sept sages de la Grèce; il vivait au VIe siècle avant J. – C. (