La Pensée de l'Humanité. Tolstoy Leo
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Les hommes devraient prendre exemple sur les bêtes pour savoir traiter leur corps. Dès que l'animal a ce qui est nécessaire à son corps, il se calme. Pour l'homme, il ne suffit pas de contenter sa faim, de pouvoir s'abriter; il invente continuellement de nouveaux plats et de nouvelles boissons, construit des palais, fabrique une grande quantité d'objets inutiles qui ne le rendent que plus malheureux.
Un sage disait: Je remercie Dieu de nous avoir rendu facile tout ce qui est nécessaire, et difficile tout ce qui ne l'est pas. C'est juste surtout pour la nourriture; celle qui est nécessaire à l'homme pour qu'il se porte bien et puisse travailler est simple et bon marché: le pain, les fruits, les légumes, l'eau. On en trouve partout.
Seuls les plats compliqués sont difficiles à préparer. Non seulement ils sont difficiles à préparer, mais encore ils sont nuisibles.
On meurt plus rarement de faim que de la bonne chair.
Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger.
Sans la gourmandise, nul oiseau ne serait pris dans les filets de l'oiseleur. On prend les gens au même appât. Le ventre – c'est comme des chaînes aux mains et des fers aux pieds. Celui qui est esclave de son ventre reste toujours esclave. Si tu veux être libre, commence à te libérer de ton ventre. Mange pour calmer ta faim, et non pour y trouver du plaisir.
Pythagore ne mangeait pas de viande. Lorsqu'on demandait à Plutarque, qui avait décrit la vie de Pythagore, pourquoi celui-ci ne mangeait pas de viande, il répondait qu'il s'étonnait non pas de ce que Pythagore ne mangeait pas de viande, mais de ce qu'il y avait, encore des gens qui, au lieu de se nourrir de graines, de légumes et de fruits, captivent des êtres vivants et les tuent pour les manger.
«Tu ne tueras point» ne se rapporte pas uniquement au meurtre de l'homme, mais de tout ce qui vit. Ce commandement avait été gravé dans le cœur de l'homme avant de l'être au Sinaï.
La compassion pour les animaux est si étroitement liée à la bonté que l'on peut affirmer avec assurance que celui qui est cruel pour les bêtes, ne peut avoir bon cœur.
Ne lève pas ta main sur ton frère et ne verse pas le sang des êtres qui peuplent la terre: hommes, animaux domestiques, bêtes fauves et oiseaux; des profondeurs de ton âme s'élève une voix qui le défend de répandre le sang, car le sang c'est la vie, et tu ne peux pas rendre la vie.
Les joies que la pitié et la compassion pour les animaux donnent à l'homme rachètent au centuple les plaisirs dont, il se prive en renonçant à la chasse et à la chair abattue.
Pour pouvoir bien vivre, les hommes ont surtout besoin de leur raison. Ils devraient donc tenir tout particulièrement à leur saine raison. Pourtant, ils trouvent du plaisir à l'étouffer par le vin, le tabac et l'opium, et c'est parce qu'ils désirent mener une mauvaise vie et que leur raison non obscurcie leur montre que leur vie est mauvaise.
Pourquoi les hommes, ayant des habitudes différentes, gardent-ils l'habitude de fumer et de boire? Parce que la plupart parmi eux sont mécontents de leur vie. Ils en sont mécontents parce qu'ils-recherchent les plaisirs charnels sans jamais pouvoir les satisfaire. C'est pourquoi les pauvres comme les riches cherchent l'oubli dans l'ivresse.
Si l'homme mange trop, il lui est difficile de ne pas être paresseux. S'il boit des boissons grisantes, il lui est difficile de rester chaste.
Personne ne s'est jamais enivré ni grisé de fumée pour accomplir une bonne action: travailler, prendre une décision, soigner un malade, prier Dieu. Mais la plupart des mauvaises actions sont faites dans un état d'ébriété.
Ce n'est pas un crime de se griser; mais c'est créer l'état qui dispose au crime.
Si un homme a beaucoup plus qu'il ne lui faut, c'est que d'autres manquent du nécessaire.
Qui est plus heureux: celui qui se nourrit par son travail juste assez pour ne pas avoir faim, s'habille pour ne pas rester nu, se loge pour ne pas souffrir de la pluie et du froid; ou bien celui qui se procure une bonne nourriture, des vêtements riches et une habitation luxueuse par la mendicité, la servilité, ou par l'escroquerie et la force?
Si nous n'avions pas inventé le luxe, tous ceux qui sont maintenant dans la misère pourraient vivre sans manquer de rien, et les riches sans craindre pour leur vie ou leurs richesses.
De même que le premier principe de la sagesse est la connaissance de soi-même, parce que celui qui se connaît peut connaître les autres, de même le premier principe de la charité est de se contenter de peu, car seul celui qui se contente de peu, peut être charitable.
Les grands penseurs et les saints étaient sobres et chastes.
De même que la fumée chasse les abeilles de leur ruche, la voracité et l'ivrognerie chassent les meilleures forces spirituelles.
Ne tuez pas votre cœur par des excès de nourriture et de boisson.
Lorsque l'homme vit, non pour l'âme mais pour le corps, il imite un oiseau qui irait d'un endroit à l'autre sur ses faibles pattes, au lieu de voler en toute liberté sur ses ailes.
Vous dites que la bonne chair, les vêtements riches et le luxe sont le bonheur. Moi, je crois que la plus grande félicité est de ne rien désirer, et, afin de se rapprocher de ce bonheur suprême, il faut, s'habituer à avoir besoin de peu.
Personne ne s'est jamais repenti d'avoir vécu trop simplement.
Ce qui arrive à l'estomac lorsqu'on le bourre jusqu'à l'indigestion, arrive quand il y a excès dans les distractions. Plus les hommes s'évertuent d'augmenter le plaisir de manger, en inventant des plats raffinés, plus l'estomac s'affaiblit et plus le plaisir d'absorber la nourriture diminue. Plus les gens s'efforcent à augmenter le plaisir des distractions par des jeux compliqués, plus leur faculté de goûter ce plaisir s'affaiblit.
CHAPITRE VIII
DE LA LUBRICITÉ
Le principe divin demeure dans tous les êtres humains, femmes et hommes. C'est donc un grand péché que de considérer les porteurs de ce principe comme un moyen de plaisir sensuel.
Pour l'homme, chaque femme doit être, avant tout, une sœur, et l'homme pour la femme, un frère.