Œuvres complètes de lord Byron, Tome 1. George Gordon Byron
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Janvier 1827.
DON JUAN
Difficile est propriè communia dicere.
Crois-tu, parce que tu es vertueux, qu'il n'y aura plus n'y ale ni galettes? – Oui, par sainte Anne! et que le gingembre nous brûlera la bouche.
Chant Premier
1. J'ai besoin d'un héros. – Besoin singulier quand chaque année, chaque mois nous en apporte un nouveau, qui, après avoir fatigué le bavardage des gazettes, cesse bientôt d'être l'objet de l'admiration du siècle désabusé. De cette espèce-là, je ne me soucie guère d'en parler; j'aime mieux choisir notre ancien ami Don Juan, que nous avons tous vu un peu trop tôt envoyé au diable sur le théâtre.
2. Vernon, Cumberland-le-Boucher13, Wolfe, Hawke, le prince Ferdinand, Gramby, Burgoyne, Keppel, Howe ont, bons ou mauvais, obtenu la dîme des conversations; ils ont rempli les dépêches de la poste, comme aujourd'hui Wellesley. Mais courant tous après la gloire (neuf marcassins d'une seule laie14), ils ont défilé à leur tour, comme les rois du sang de Banquo. La France eut aussi Dumourier et Bonaparte que vantaient le Moniteur et le Courrier.
3. Barnave, Brissot, Condorcet, Mirabeau, Péthion, Clootz, Danton, Marat, Lafayette, ont encore été fameux chez les Français. Ils ont Joubert, Hoche, Marceau, Lannes, Dessaix, Moreau et bien d'autres guerriers dont l'ancienne et prodigieuse renommée n'est pas même entièrement oubliée; mais mes rimes ne s'arrangent pas de leurs noms.
4. Il y eut un tems où Nelson était le dieu de la guerre des Anglais, il devrait l'être encore; mais le vent a changé. On ne dit plus un mot de Trafalgar, son souvenir repose dans l'urne de notre héros. L'armée de terre est devenue l'objet de la faveur publique; ce qui donne de l'humeur à nos gens de mer. D'ailleurs le prince est tout pour le service de terre, il ne se rappelle plus Duncan, Nelson, Howe et Jervis.
5. Il y eut des braves avant Agamemnon15; et depuis, il s'est rencontré une foule de gens sages et hardis comme lui, bien qu'ils ne lui ressemblassent pas en tout. Mais comme ils n'ont pas brillé sous la plume du poète, ils ont été oubliés. Moi, je ne condamne personne: mais pour mon nouveau poème, je ne vois personne aujourd'hui qui me convienne. Je prends donc, comme je l'ai dit, mon ami Don Juan.
6. Bien des poètes héroïques se lancent in medias res (Horace prescrit même cette route à l'Épopée): alors, quand vous le jugez à propos, votre héros raconte par forme d'épisode ce qui lui est advenu précédemment, tandis qu'il est assis à son aise, après dîner, aux côtés de sa maîtresse, dans quelque agréable asile, palais, jardin, grotte ou paradis, dont l'heureux couple fait bientôt une taverne.
7. C'est la méthode ordinaire, mais non la mienne. Je veux commencer par le commencement, et la régularité de mon plan m'interdit comme une énorme faute, toute espèce d'écarts. Je débuterai donc par un fil (dussé-je mettre une demi-heure à l'étendre) qui vous apprendra quelque chose du père de Don Juan, et de sa mère, si vous l'aimez mieux.
8. Il naquit à Séville, agréable cité, fameuse par ses oranges et ses femmes. – Qui ne l'a pas vue est bien à plaindre; le proverbe le dit, et je suis de son avis. De toutes les villes d'Espagne, c'est la plus jolie, si ce n'est Cadix; – mais vous verrez bientôt. Les parens de Don Juan vivaient près de la rivière dont le noble cours s'appelle Guadalquivir.
9. Son père avait nom José, – Don de race, véritable hidalgo, franc de toute souillure de sang maure ou hébreu, et traçant sa généalogie à travers les gentilshommes les plus Visigoths de l'Espagne. Jamais cavalier ne monta à cheval, ou une fois monté ne redescendit à terre comme José, qui engendra notre héros, qui engendra – mais c'est encore dans l'avenir. – Bon, pour mémoire16.
10. Sa mère était une dame savante, fameuse par ses connaissances dans toutes les branches de sciences qui ont un nom dans les idiomes chrétiens. Ses vertus seules pouvaient égaler son esprit; elle surprenait les plus habiles, et les gens de bien eux-mêmes ressentaient une secrète envie en voyant ses bonnes œuvres surpasser en tout genre les leurs.
11. Sa mémoire était une mine; elle savait par cœur tout Caldéron, et la plus grande partie de Lopez: si quelque acteur eût oublié son rôle, elle aurait pu lui tenir lieu du livre du souffleur. Pour elle l'art de Feinaigle17 aurait été inutile, et elle l'eût obligé de fermer sa classe. – Il n'eût jamais formé une mémoire aussi belle que celle qui ornait le cerveau de Donna Inès.
12. Sa science favorite était celle des mathématiques; sa plus belle vertu était la magnanimité: son esprit (elle visait quelquefois à l'esprit) était tout attique, ses paroles graves se perdaient dans le sublime; enfin, sur tous les points, c'était bien ce que j'appelle un prodige. – Sa robe du matin était de basin, celle du soir était de soie, ou en été de mousseline, et autres tissus desquels je ne veux pas m'embarrasser davantage.
13. Elle savait le latin, c'est-à-dire l'oraison dominicale; et de la langue grecque – l'alphabet, j'en suis presque sûr: par-ci, par-là, elle lisait quelques romans français, bien qu'elle ne parlât pas purement cette langue. Quant à l'espagnol qui lui était naturel, elle y mettait peu de soin, au moins sa conversation était-elle obscure. Ses pensées étaient des théorèmes et ses paroles de vrais problèmes, comme si elle eût cru que le mystère devait les ennoblir18.
14. Elle aimait les langues anglaise et hébraïque, et elle disait qu'il y avait entre elles de l'analogie; elle le prouvait en citant quelque chose des Saintes-Écritures: mais je laisse les preuves à ceux qui les ont vues. Je lui entendis dire, et on ne peut le révoquer en doute, chacun en pensera ce qu'il lui plaira: «Il est étrange que le nom hébreu, qui signifie God, soit toujours employé en anglais pour gouverner Damne19.
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16. Enfin, c'était un système ambulant, – les Nouvelles de miss Edgeworth, ou les livres sur l'éducation de mistress Trimmer, échappés de leur reliure: ou bien, «la femme de Celebs20» partie à la recherche des amans. C'était la morale pour la première fois personnifiée, et chez laquelle l'envie n'aurait pu découvrir une seule paille. Les autres pouvaient se partager les défauts féminins; pour elle, elle n'en avait pas un seul, – le pire de tous.
17. Oh! elle était parfaite, au-dessus de tout parallèle, – de toute comparaison, avec la plus sainte des femmes de ce tems. Elle prévalait tellement sur les puissances de l'enfer que son ange-gardien s'était dispensé de la
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Le duc de Cumberland a mérité cet exécrable surnom par les froides cruautés qu'il exerça sur les Jacobites désarmés, après la bataille de Culloden.
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Allusion à ce que dit la sorcière, dans
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Ici, comme dans la plupart de ses ouvrages, Lord Byron, sous des noms supposés, rappelle l'histoire de sa vie. Nous renvoyons les lecteurs aux passages des Mémoires du capitaine Medwine, dans lesquels Lord Byron parle de sa femme et de leur séparation. On trouve ici, dans Inès, le portrait de Lady Byron, et dans les chagrins de José tous ceux que le mariage fit éprouver à Byron lui-même.
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Inventeur de la mnémotechnique.
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«Lady Byron, disait Lord Byron, avait de bonnes idées, mais ne pouvait les exprimer. Ses lettres étaient toujours énigmatiques, souvent inintelligibles; elle avait des principes classés mathématiquement.»
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Titre d'un roman moral de Miss Anna More.