Émaux et Camées. Gautier Théophile
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De quelle moelle de roseau,
De quelle hostie et de quel cierge
A-t-on fait le blanc de sa peau?
A-t-on pris la goutte lactée
Tachant l'azur du ciel d'hiver,
Le lis à la pulpe argentée,
La blanche écume de la mer;
Le marbre blanc, chair froide et pâle,
Où vivent les divinités;
L'argent mat, la laiteuse opale
Qu'irisent de vagues clartés;
L'ivoire, où ses mains ont des ailes,
Et, comme des papillons blancs,
Sur la pointe des notes frêles
Suspendent leurs baisers tremblants;
L'hermine vierge de souillure,
Qui, pour abriter leurs frissons,
Ouate de sa blanche fourrure
Les épaules et les blasons;
Le vif-argent aux fleurs fantasques
Dont les vitraux sont ramagés;
Les blanches dentelles des vasques,
Pleurs de l'ondine en l'air figés;
L'aubépine de mai qui plie
Sous les blancs frimas de ses fleurs;
L'albâtre où la mélancolie
Aime à retrouver ses pâleurs;
Le duvet blanc de la colombe,
Neigeant sur les toits du manoir,
Et la stalactite qui tombe,
Larme blanche de l'antre noir?
Des Groenlands et des Norvèges
Vient-elle avec Séraphita?
Est-ce la Madone des neiges,
Un sphinx blanc que l'hiver sculpta,
Sphinx enterré par l'avalanche,
Gardien des glaciers étoilés,
Et qui, sous sa poitrine blanche,
Cache de blancs secrets gelés?
Sous la glace où calme il repose,
Oh! qui pourra fondre ce cœur!
Oh! qui pourra mettre un ton rose
Dans cette implacable blancheur!
COQUETTERIE POSTHUME
Quand je mourrai, que l'on me mette,
Avant de clouer mon cercueil,
Un peu de rouge à la pommette,
Un peu de noir au bord de l'œil.
Car je veux, dans ma bière close,
Comme le soir de son aveu,
Rester éternellement rose
Avec du kh'ol sous mon œil bleu.
Pas de suaire en toile fine,
Mais drapez-moi dans les plis blancs
De ma robe de mousseline,
De ma robe à treize volants.
C'est ma parure préférée;
Je la portais quand je lui plus.
Son premier regard l'a sacrée,
Et depuis je ne la mis plus.
Posez-moi, sans jaune immortelle,
Sans coussin de larmes brodé,
Sur mon oreiller de dentelle
De ma chevelure inondé.
Cet oreiller, dans les nuits folles,
A vu dormir nos fronts unis,
Et sous le drap noir des gondoles
Compté nos baisers infinis.
Entre mes mains de cire pâle,
Que la prière réunit,
Tournez ce chapelet d'opale,
Par le pape à Rome bénit:
Je l'égrènerai dans la couche
D'où nul encor ne s'est levé;
Sa bouche en a dit sur ma bouche
Chaque Pater et chaque Ave.
DIAMANT DU CŒUR
Tout amoureux, de sa maîtresse,
Sur son cœur ou dans son tiroir,
Possède un gage qu'il caresse
Aux jours de regret ou d'espoir.
L'un d'une chevelure noire,
Par un sourire encouragé,
A pris une boucle que moire
Un reflet bleu d'aile de geai.
L'autre a, sur un cou blanc qui ploie,
Coupé par derrière un flocon
Retors et fin comme la soie
Que l'on dévide du cocon.
Un troisième, au fond d'une boîte,
Reliquaire du souvenir,
Cache un gant blanc, de forme étroite,
Où nulle main ne peut tenir.
Cet autre, pour s'en faire un charme,
Dans un sachet, d'un chiffre orné,
Coud des violettes de Parme,
Frais cadeau qu'on reprend fané.
Celui-ci baise la pantoufle
Que Cendrillon perdit un soir;
Et celui-ci conserve un souffle
Dans la barbe d'un masque noir.
Moi, je n'ai ni boucle lustrée,
Ni gant, ni bouquet, ni soulier,
Mais je garde, empreinte adorée,
Une larme sur un papier:
Pure rosée, unique goutte,
D'un ciel d'azur tombée un jour,
Joyau sans prix, perle dissoute
Dans la coupe de mon amour!
Et, pour moi, cette obscure tache
Reluit comme un écrin d'Ophyr,
Et du vélin bleu se détache,
Diamant éclos d'un saphir.
Cette larme, qui fait ma joie,
Roula, trésor inespéré,
Sur un de mes vers qu'elle noie,
D'un œil qui n'a jamais pleuré!
PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS
Tandis qu'à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses,
Prépare en secret le printemps.
Pour les petites pâquerettes,
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d'or.
Dans le verger et dans la vigne,
Il s'en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l'amandier.
La nature au lit se repose;
Lui,