La vie infernale. Emile Gaboriau
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Elle portait une robe de velours sombre, avec des crevés aux manches et au corsage, «création nouvelle» du couturier Van-Klopen…
Pascal en était là de ses observations, quand M. de Coralth, sa tournée finie, vint se jeter sur la causeuse près de lui.
– Eh bien? demanda-t-il.
– Ma foi! répondit l’avocat, je suis enchanté de vous avoir prié de me conduire ici. Je m’amuse prodigieusement…
– Allons, bon! voilà mon philosophe séduit.
– Séduit, non, mais intéressé… Il faut tout connaître, n’est-ce pas?
Et, du ton de bonne humeur qui lui était habituel, il ajouta:
– Quant à être le sage que vous dites… point du tout. Et la preuve, c’est que je vais risquer noblement mon louis, tout comme un autre.
M. de Coralth parut stupéfié, mais qui l’eût observé de près eût vu un éclair de joie traverser ses yeux.
– Vous allez jouer, fit-il, vous!..
– Moi-même!.. Pourquoi non?
– Prenez garde!
– Et à quoi, grand Dieu!.. Le pis qui me puisse arriver est de perdre ce que j’ai en poche, quelque chose encore comme deux cents francs…
L’autre hocha la tête d’un air soucieux.
– Ce n’est pas cela qui est à craindre, prononça-t-il, car le diable s’en mêle, et toujours, la première fois, qu’on joue, on gagne.
– Et c’est un malheur?..
– Oui, parce que ce premier gain est comme un irrésistible appât qui attire à la table de jeu… On y revient, on perd, on veut rattraper son argent… et c’est fini, on est joueur.
Pascal Férailleur avait aux lèvres le sourire de l’homme sûr de lui.
– Ma cervelle ne chavire pas si facilement, dit-il. J’ai pour la lester l’idée de mon nom et de ma fortune à faire…
– Je vous en prie, insista le vicomte, croyez-moi!.. Vous ne savez pas ce que c’est; les plus forts et les plus froids y ont été pris… ne jouez pas, partons.
Il avait haussé la voix comme s’il eût tenu à être entendu de deux invités, qui venaient de se rapprocher de la causeuse.
Ils l’entendirent.
– En croirai-je mes yeux et mes oreilles! s’écria l’un d’eux, qui était un homme d’un certain âge… Est-ce bien Fernand qui cherche à débaucher les amoureux de la dame de pique!..
M. de Coralth se retourna vivement.
– Oui, c’est moi! répondit-il. J’ai payé de mon patrimoine le droit de dire à un ami inexpérimenté: «Défiez-vous, ne faites pas comme moi!»
Les meilleurs conseils, donnés d’une certaine façon, ne manquent jamais de produire un effet diamétralement opposé à celui qu’ils semblent se proposer.
L’insistance de M. de Coralth, l’importance qu’il attachait à une niaiserie, devaient agacer l’homme le plus patient; son ton protecteur irrita décidément Pascal.
– Vous êtes libre, mon cher, lui dit-il, mais moi…
– Vous y tenez?.. interrompit le vicomte.
– Absolument.
– Soit, en ce cas. Vous n’êtes plus un enfant; je vous ai fait toutes les objections que réclame la prudence… jouons.
Ils s’approchèrent de la table; on leur fit place, et ils s’assirent, Pascal à la droite de M. Fernand de Coralth.
On jouait le baccarat tournant, un jeu d’une simplicité enfantine et terrible. Point d’art, nulle combinaison, science et calcul sont inutiles. Le hasard décide seul et décide avec une foudroyante rapidité.
Les amateurs affirment qu’avec beaucoup de sang-froid et une longue pratique, on peut, dans une certaine mesure, lutter contre les mauvaises chances. Peut-être ont-ils raison.
Ce qui est sûr, c’est que cela se joue avec deux, trois ou quatre jeux entiers, selon le nombre des joueurs.
Chacun a la main à son tour, risque ce que bon lui semble, et quand son enjeu est tenu, donne des cartes. Si on gagne, on est libre de poursuivre la veine ou de passer la main. Quand on perd, la main passe de droit au joueur suivant.
Il ne fallut à Pascal Férailleur qu’une minute pour comprendre la marche et le mécanisme du baccarat. Déjà la main arrivait à Fernand.
M. de Coralth «fit» cent francs, donna, perdit et passa les cartes à Pascal.
Hésitant tout d’abord, parce qu’il faut, comme on dit, tâter la fortune, le jeu, peu à peu, s’était animé. Plusieurs joueurs avaient d’assez jolis tas d’or devant eux, et la grosse artillerie – c’est-à-dire le billet de banque – commençait à donner.
Mais Pascal n’avait pas de fausse honte.
– Je «fais» un louis! dit-il.
La mesquinerie de la somme le fit remarquer, et de deux ou trois côtés on lui cria:
– Tenu!..
Il donna et gagna.
– Il y a deux louis… fit-il encore.
On les tint pareillement; il gagna, et la «portée,» – c’est-à-dire la série de cartes se succédant, – lui fut si favorable, qu’en moins de rien il eut devant lui plus de six cents francs.
– Passez la main, lui souffla Fernand.
Pascal suivit le conseil.
– Non que je tienne à mon gain, murmura-t-il à l’oreille de M. de Coralth, mais parce que je vais aussi avoir de quoi jouer jusqu’à la fin sans rien risquer.
Mais cette prévoyance devait être inutile.
La main lui étant revenue, le hasard le servit mieux encore que la première fois. Il partit de cent francs, et comme il doublait toujours, en six coups il se trouva gagner plus de 3,000 francs.
– Diable!.. Monsieur a de la chance!..
– Parbleu!.. il joue pour la première fois.
– C’est cela, aux innocents les mains pleines!
Ces observations qui se croisaient, il était impossible que Pascal ne les entendit pas. Le sang commençait à lui monter aux joues, et se sentant rougir, comme il arrive toujours, il rougissait davantage.
Son gain l’embarrassait, cela était visible, et il jouait en désespéré. Mais «la