Vingt ans après. Dumas Alexandre

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Vingt ans après - Dumas Alexandre

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tranquille, mon cher René, disait la voix douce, la même chose ne se renouvellera plus; j'ai découvert une espèce de souterrain qui passe sous la rue, et nous n'aurons qu'à soulever une des dalles qui sont devant la porte pour vous ouvrir une sortie.

      – Oh! dit une autre voix que d'Artagnan reconnut pour celle d'Aramis, je vous jure bien, princesse, que si notre renommée ne dépendait pas de toutes ces précautions, et que je n'y risquasse que ma vie…

      – Oui, oui, je sais que vous êtes brave et aventureux autant qu'homme du monde; mais vous n'appartenez pas seulement à moi seule, vous appartenez à tout notre parti. Soyez donc prudent, soyez donc sage.

      – J'obéis toujours, madame, dit Aramis, quand on me sait commander avec une voix si douce.

      Il lui baisa tendrement la main.

      – Ah! s'écria le cavalier à la voix douce.

      – Quoi? demanda Aramis.

      – Mais ne voyez-vous pas que le vent a enlevé mon chapeau?

      Et Aramis s'élança après le feutre fugitif. D'Artagnan profita de la circonstance pour chercher un endroit de la haie moins touffu qui laissât son regard pénétrer librement jusqu'au problématique cavalier. En ce moment, justement, la lune, curieuse peut-être comme l'officier, sortait de derrière un nuage, et, à sa clarté indiscrète, d'Artagnan reconnut les grands yeux bleus, les cheveux d'or et la noble tête de la duchesse de Longueville.

      Aramis revint en riant un chapeau sur la tête et un à la main, et tous deux continuèrent leur chemin vers le couvent des jésuites.

      – Bon! dit d'Artagnan en se relevant et en brossant son genou, maintenant je te tiens, tu es frondeur et amant de madame de Longueville.

      XII. M. Porthos du Vallon de Bracieux de Pierrefonds

      Grâce aux informations prises auprès d'Aramis, d'Artagnan, qui savait déjà que Porthos, de son nom de famille, s'appelait du Vallon, avait appris que, de son nom de terre, il s'appelait de Bracieux, et qu'à cause de cette terre de Bracieux il était en procès avec l'évêque de Noyon.

      C'était donc dans les environs de Noyon qu'il devait aller chercher cette terre, c'est-à-dire sur la frontière de l'Île-de- France et de la Picardie.

      Son itinéraire fut promptement arrêté: il irait jusqu'à Dammartin, où s'embranchent deux routes, l'une qui va à Soissons, l'autre à Compiègne; là il s'informerait de la terre de Bracieux, et selon la réponse il suivrait tout droit ou prendrait à gauche.

      Planchet, qui n'était pas encore bien rassuré à l'endroit de son escapade, déclara qu'il suivrait d'Artagnan jusqu'au bout du monde, prit-il tout droit, ou prit-il à gauche. Seulement il supplia son ancien maître de partir le soir, l'obscurité présentant plus de garanties. D'Artagnan lui proposa alors de prévenir sa femme pour la rassurer au moins sur son sort; mais Planchet répondit avec beaucoup de sagacité qu'il était bien certain que sa femme ne mourrait point d'inquiétude de ne pas savoir où il était, tandis que, connaissant l'incontinence de langue dont elle était atteinte, lui, Planchet, mourrait d'inquiétude si elle le savait.

      Ces raisons parurent si bonnes à d'Artagnan, qu'il insista pas davantage, et que, vers les huit heures du soir, au moment où la brume commençait à s'épaissir dans les rues, il partit de l'hôtel de La Chevrette, et, suivi de Planchet, sortit de la capitale par la porte Saint-Denis.

      À minuit, les deux voyageurs étaient à Dammartin.

      C'était trop tard pour prendre des renseignements. L'hôte du Cygne de la Croix était couché. D'Artagnan remit donc la chose au lendemain.

      Le lendemain il fit venir l'hôte. C'était un de ces rusés Normands qui ne disent ni oui ni non, et qui croient toujours qu'ils se compromettent en répondant directement à la question qu'on leur fait; seulement, ayant cru comprendre qu'il devait suivre tout droit, d'Artagnan se remit en marche sur ce renseignement assez équivoque. À neuf heures du matin, il était à Nanteuil; là il s'arrêta pour déjeuner.

      Cette fois, l'hôte était un franc et bon Picard qui, reconnaissant dans Planchet un compatriote, ne fit aucune difficulté pour lui donner les renseignements qu'il désirait. La terre de Bracieux était à quelques lieues de Villers-Cotterêts.

      D'Artagnan connaissait Villers-Cotterêts pour y avoir suivi deux ou trois fois la cour, car à cette époque Villers-Cotterêts était une résidence royale. Il s'achemina donc vers cette ville, et descendit à son hôtel ordinaire, c'est-à-dire au Dauphin d'or.

      Là les renseignements furent des plus satisfaisants. Il apprit que la terre de Bracieux était située à quatre lieues de cette ville, mais que ce n'était point là qu'il fallait chercher Porthos. Porthos avait eu effectivement des démêlés avec l'évêque de Noyon à propos de la terre de Pierrefonds, qui limitait la sienne, et, ennuyé de tous ces démêlés judiciaires auxquels il ne comprenait rien, il avait, pour en finir, acheté Pierrefonds, de sorte qu'il avait ajouté ce nouveau nom à ses anciens noms. Il s'appelait maintenant du Vallon de Bracieux de Pierrefonds, et demeurait dans sa nouvelle propriété. À défaut d'autre illustration, Porthos visait évidemment à celle du marquis de Carabas.

      Il fallait encore attendre au lendemain, les chevaux avaient fait dix lieues dans leur journée et étaient fatigués. On aurait pu en prendre d'autres, il est vrai, mais il y avait toute une grande forêt à traverser, et Planchet, on se le rappelle, n'aimait pas les forêts la nuit.

      Il y avait une chose encore que Planchet n'aimait pas, c'était de se mettre en route à jeun: aussi en se réveillant, d'Artagnan trouva-t-il son déjeuner tout prêt. Il n'y avait pas moyen de se plaindre d'une pareille attention. Aussi d'Artagnan se mit-il à table; il va sans dire que Planchet, en reprenant ses anciennes fonctions, avait repris son ancienne humilité et n'était pas plus honteux de manger les restes de d'Artagnan que ne l'étaient madame de Motteville et madame du Fargis de ceux d'Anne d'Autriche.

      On ne put donc partir que vers les huit heures. Il n'y avait pas à se tromper, il fallait suivre la route qui mène de Villers- Cotterêts à Compiègne, et en sortant du bois prendre à droite.

      Il faisait une belle matinée de printemps, les oiseaux chantaient dans les grands arbres, de larges rayons de soleil passaient à travers les clairières et semblaient des rideaux de gaze dorée.

      En d'autres endroits, la lumière perçait à peine la voûte épaisse des feuilles, et les pieds des vieux chênes, que rejoignaient précipitamment, à la vue des voyageurs, les écureuils agiles, étaient plongés dans l'ombre. Il sortait de toute cette nature matinale un parfum d'herbes, de fleurs et de feuilles qui réjouissait le coeur. D'Artagnan, lassé de l'odeur fétide de Paris, se disait à lui-même que lorsqu'on portait trois noms de terre embrochés les uns aux autres, on devait être bien heureux dans un pareil paradis; puis il secouait la tête en disant: «Si j'étais Porthos et que d'Artagnan me vînt faire la proposition que je vais faire à Porthos, je sais bien ce que je répondrais à d'Artagnan.»

      Quant à Planchet, il ne pensait à rien, il digérait.

      À la lisière du bois, d'Artagnan aperçut le chemin indiqué, et au bout du chemin les tours d'un immense château féodal.

      – Oh! oh! murmura-t-il, il me semblait que ce château appartenait à l'ancienne branche d'Orléans; Porthos en aurait-il traité avec le duc de Longueville?

      – Ma foi, monsieur, dit Planchet, voici des terres bien tenues; et si elles appartiennent à M. Porthos, je lui

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