La San-Felice, Tome 02. Dumas Alexandre

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La San-Felice, Tome 02 - Dumas Alexandre

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chambre constamment fermées, l'avait appelée la chambre obscure; et, par les bruits vagues qui s'en étaient échappés comme de toute chose mystérieuse, il avait, avec le terrible instinct de divination qui le caractérise, à peu près entrevu ce qui s'y passait, mais, comme ce n'était pas lui que menaçait cette funèbre obscurité, comme les décrets qui sortaient de cette chambre sombre passaient au-dessus de sa tête pour frapper des têtes plus hautes que la sienne, c'était lui qui parlait le plus de cette chambre, mais c'était lui aussi qui, au bout du compte, la craignait le moins.

      Au moment où la reine entra, pâle et éclairée comme lady Macbeth par le reflet de la bougie qu'elle tenait à la main, dans cette chambre à l'atmosphère épaisse, cette espèce d'échappement qui précède la sonnerie se fit entendre, et la pendule sonna la demie après deux heures.

      Ainsi que nous l'avons dit, la chambre était vide, et, comme si elle se fût attendue à y trouver quelqu'un, la reine parut s'étonner de cette solitude. Un instant elle hésita à s'avancer; mais bientôt, surmontant cette terreur qui l'avait prise au bruit inattendu de la pendule, elle explora les deux angles de la chambre opposés au côté par lequel elle était entrée, et vint, lente et pensive, s'asseoir à la table.

      Cette table, tout au contraire de celle qui se trouvait chez le roi, était couverte de dossiers comme le bureau d'un tribunal, et offrait en triple tout ce qu'il fallait pour écrire, papier, encre et plumes.

      La reine feuilleta distraitement les papiers; ses yeux les parcouraient sans les lire, son oreille tendue essayait de saisir le moindre bruit, son esprit errait loin du corps. Au bout d'un instant, ne pouvant contenir son impatience, elle se leva, alla à la porte donnant sur l'escalier secret, y appuya son oreille, et écouta.

      Après quelques moments, elle entendit le grincement d'une clef qui tournait dans la serrure, et murmura ce mot, qui peignit l'impatience avec laquelle elle attendait:

      – Enfin!

      Puis alors, ouvrant la porte donnant sur un escalier sombre:

      – Est-ce toi, Pasquale? demanda-t-elle.

      – Oui, Votre Majesté, répondit une voix d'homme venant du bas de l'escalier.

      – Tu viens bien tard! dit la reine regagnant sa place d'un air sombre et le sourcil froncé.

      – Par ma foi! peu s'en est fallu que je ne vinsse pas du tout, répondit celui à qui l'on faisait le reproche de manquer de diligence.

      La voix se rapprochait de plus en plus.

      – Et pourquoi as-tu manqué de ne pas venir du tout?

      – Parce que la besogne a été rude là-bas, dit l'homme apparaissant enfin à la porte de la chambre.

      – Est-elle faite, du moins? demanda la reine.

      – Oui, madame, grâce à Dieu et à saint Pasquale, mon patron, elle est faite et bien faite; mais elle a coûté cher!

      Et, en disant ces mots, le sbire déposait sur un fauteuil un manteau contenant des objets qui rendirent un son métallique au contact du meuble.

      La reine le regarda faire avec une expression mêlée de curiosité et de dégoût.

      – Comment, cher? demanda-t-elle.

      – Un homme tué et trois blessés, rien que cela.

      – C'est bien. On fera une pension à la veuve et l'on donnera des gratifications aux blessés.

      Le sbire s'inclina en signe de remercîment.

      – Ils étaient donc plusieurs? demanda la reine.

      – Non, madame, il était seul; mais c'était un lion que cet homme; j'ai été obligé de lui lancer mon couteau à dix pas; sans quoi, j'y passais comme les autres.

      – Mais enfin?

      – Enfin, on en est venu à bout.

      – Et vous lui avez pris les papiers de force?

      – Oh! non, de bonne volonté, madame: il était mort.

      – Ah! fit la reine avec un léger frisson. Ainsi, vous avez été obligé de le tuer?

      – Morbleu! plutôt deux fois qu'une, et cependant, foi de Simone! cela m'a fait de la peine; il fallait bien, je vous le jure, que ce fût pour le service de Votre Majesté.

      – Comment! cela t'a fait de la peine, de tuer un Français? Je ne te croyais pas le coeur si tendre aux soldats de la République.

      – Ce n'était point un Français, madame, dit le sbire en secouant la tête.

      – Quelle histoire me contes-tu là?

      – Jamais Français n'a parlé le patois napolitain comme le parlait le pauvre diable.

      – Holà! s'écria la reine, j'espère, que tu n'as pas commis quelque erreur. Je t'avais parfaitement annoncé un Français venant à cheval de Capoue à Pouzzoles.

      – C'est bien cela, madame, et en barque de Pouzzoles au château de la reine Jeanne?

      – Un aide de camp du général Championnet.

      – Oh! c'est bien à lui que nous avons eu affaire. D'ailleurs, il a eu le soin de nous dire lui-même qui il était.

      – Tu lui as donc adressé la parole?

      – Sans doute, madame. En lui entendant hacher du napolitain comme de la paille, j'ai eu peur de me tromper et je lui ai demandé s'il était bien celui que j'étais chargé de tuer.

      – Imbécile!

      – Pas si imbécile, puisqu'il m'a répondu: «Oui.»

      – Il t'a répondu: «Oui?»

      – Votre Majesté comprend bien qu'il eût parfaitement pu me répondre autre chose; qu'il était de Basso-Porto ou de Porta-Capuana, et il m'eût mis dans un grand embarras; car je n'eusse pas pu lui prouver le contraire. Mais non, il n'y a pas été par trente-six chemins. «Je suis celui que vous cherchez.» Et pif! paf! voilà deux hommes à terre de deux coups de pistolet; et vli! vlan! voilà deux hommes à terre de deux coups de sabre. Il aura jugé indigne de mentir, car c'était un brave, je vous en réponds.

      La reine fronça le sourcil à cet éloge de la victime par son assassin.

      – Et il est mort?

      – Oui, madame, il est mort.

      – Et qu'avez-vous fait du cadavre?

      – Ah! par ma foi, madame, une patrouille arrivait, et, comme, en me compromettant, je compromettais Votre Majesté, j'ai laissé à cette patrouille le soin de ramasser les morts et de faire panser les blessés.

      – Alors, on va le reconnaître pour un officier français!

      – A quoi? Voilà son manteau, voilà ses pistolets, voilà son sabre, que j'ai ramassés sur le champ de bataille. Ah! il en jouait bien, du sabre et du pistolet, je vous en réponds! Quant à ses papiers, il n'avait pas autre chose sur lui que ce portefeuille et ce chiffon, qui

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