Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II. Бенджамин Франклин

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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même – Tome II - Бенджамин Франклин

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en France un agent, qui a mis un avis dans les gazettes pour découvrir ceux à qui le corsaire a fait tort, et leur restituer une part des prises. Cet homme, qui a une conscience si pure, est un quaker21. Les presbytériens écossais étoient jadis aussi délicats; car il existe encore une ordonnance du conseil d'Édimbourg, publiée peu après la réformation, et portant: «Qu'il est défendu d'acheter les marchandises qui proviennent des prises, sous peine de perdre pour toujours le droit de cité, et de subir d'autres punitions à la volonté des magistrats; parce que l'usage de faire des prises est contraire à une bonne conscience et au précepte de traiter nos frères chrétiens comme nous désirons d'être traités nous-mêmes. Ainsi ces sortes de marchandises ne seront point vendues par les hommes honnêtes de cette ville.»

      La race de ces hommes honnêtes est probablement éteinte en Écosse, où ils ont, du moins, renoncé à leurs principes, puisque cette nation a contribué, autant qu'elle l'a pu, à faire la guerre aux colonies de l'Amérique septentrionale, et que les prises et les confiscations en ont été, dit-on, un de ses grands motifs.

      Pendant quelque temps on a généralement cru qu'un militaire ne devoit pas s'informer si la guerre, dans laquelle on l'employoit, étoit juste ou non, mais exécuter aveuglément les ordres qu'il recevoit. Tous les princes, qui ont du penchant à la tyrannie, doivent, sans doute, approuver cette opinion, et désirer de la maintenir. Mais n'est-elle pas très-dangereuse? D'après un tel principe, si le tyran commande à son armée d'attaquer et de détruire, non-seulement une nation voisine, qui ne l'a point offensé, mais même ses propres sujets, l'armée doit obéir.

      Dans nos colonies, un nègre esclave à qui son maître ordonne de voler et d'assassiner son voisin, ou de commettre quelqu'autre action criminelle, peut le refuser; et le magistrat le protége en applaudissant à son refus. L'esclavage d'un soldat est donc pire que celui d'un nègre! – Un officier, qui a de la conscience, peut donner sa démission, plutôt que d'être employé dans une guerre injuste, s'il n'est pas retenu par la crainte de voir attribuer sa démarche à une toute autre cause: mais les simples soldats restent dans l'esclavage toute la vie, et peut-être aussi ne sont-ils pas en état de juger de ce qu'ils doivent faire. Nous ne pouvons que déplorer leur sort, et plus encore celui d'un matelot, qui est souvent forcé de quitter des occupations honnêtes, pour aller tremper ses mains dans le sang innocent.

      Mais il me semble qu'un marchand, étant plus éclairé par son éducation, et absolument libre de faire ce qu'il veut, devroit bien considérer si une guerre est juste, avant d'engager volontairement une bande de mauvais sujets à attaquer les commerçans d'une nation voisine, pour piller leurs propriétés et les ruiner avec leurs familles, s'ils se rendent sans combattre, ou à les blesser, les estropier, les assassiner, s'ils tentent de se défendre. Cependant ce sont des marchands chrétiens qui commettent ce crime, dans une guerre juste ou non; et il est difficile qu'elle soit juste des deux côtés. Elle est faite par des marchands anglais et américains, qui, malgré cela, se plaignent des vols particuliers, et pendent, par douzaines, les voleurs, à qui ils ont eux-mêmes donné l'exemple du pillage.

      Il est enfin temps que pour le bien de l'humanité, on mette un terme à ces horreurs. Les États-Unis de l'Amérique sont mieux placés que les Européens, pour tirer des avantages de la course, puisque la plus grande partie du commerce de l'Europe avec les Antilles, se fait à leur porte; mais ils font tout ce qui dépend d'eux pour abolir cet usage, en offrant d'insérer, dans tous leurs traités avec les autres puissances, un article par lequel on s'engage solemnellement et réciproquement en cas de guerre, à ne point armer de corsaires, et à laisser passer, sans être molestés, les vaisseaux marchands qui ne seront point armés22.

      Ce seroit un heureux perfectionnement de la loi des nations. Tous les hommes, qui ont des principes de justice et d'humanité, doivent désirer que cette proposition réussisse.

      Recevez les assurances de mon estime et de mon inaltérable amitié.

      B. Franklin.

      OBSERVATIONS

      SUR LES SAUVAGES

      DE L'AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE

      Nous appelons ces peuples des Sauvages, parce que leurs mœurs diffèrent des nôtres, que nous croyons la perfection de la politesse: ils ont la même opinion des leurs.

      Si nous examinions, avec impartialité, les mœurs des différentes nations, peut-être trouverions-nous que quelque grossier qu'il soit, il n'y a pas de peuple qui n'ait quelques principes de politesse; et qu'il n'en est aucun de si poli, qui ne conserve quelques restes de barbarie.

      Les Indiens sont, pendant leur jeunesse, chasseurs et guerriers. Quand ils deviennent vieux, ils sont conseillers; car ces peuples sont gouvernés par l'avis des sages. Il n'y a chez eux ni force coercitive, ni prisons, ni officiers qui obligent à obéir, ou infligent des châtimens. De là vient qu'en général ils s'étudient à bien parler. Le plus éloquent est celui qui a le plus d'influence.

      Les femmes indiennes cultivent la terre, préparent à manger, nourrissent, élèvent les enfans, conservent et transmettent à la postérité le souvenir des événemens mémorables. Ces différens emplois des deux sexes sont regardés comme honorables et conformes aux lois de la nature. Avant peu de besoins factices, ils ont beaucoup de temps pour s'instruire en conversant entr'eux. Notre vie active leur paroît basse et servile auprès de la leur; et ils regardent les sciences, dont nous nous enorgueillissons, comme frivoles et inutiles. On en eut une preuve, lors du traité conclu à Lancastre, en Pensylvanie, en 1744, entre le gouvernement de Virginie et les six Nations.

      Quand on fut convenu des principaux articles, les commissaires de la Virginie informèrent les Sauvages, qu'il y avoit au collége de Williamsbourg des fonds destinés à l'éducation de jeunes Indiens, et que si les chefs des six Nations vouloient y envoyer une demi-douzaine de leurs enfans, le gouvernement en prendroit soin et les feroit instruire dans toutes les sciences des blancs. Une des règles de la politesse de ces peuples est de ne jamais répondre à une proposition publique, le même jour qu'elle leur a été faite. Ils pensent que ce seroit la traiter avec trop de légèreté, et qu'ils montrent plus de respect en prenant du temps pour la considérer comme une chose importante. Ils différèrent donc de répondre aux Virginiens; et le lendemain après que l'orateur eût témoigné combien ils étoient sensibles à l'offre qu'on leur avoit faite, il ajouta: – «Nous savons que vous estimez beaucoup l'espèce de science qu'on enseigne dans ces colléges, et que tandis que nos jeunes gens seroient chez vous, leur entretien vous coûteroit beaucoup. Nous sommes donc convaincus que dans ce que vous nous proposez, votre intention est de nous faire du bien; et nous vous en remercions de bon cœur. Mais vous, qui êtes sages, vous devez savoir que les différentes nations voient les choses d'une manière différente; et vous ne devez pas être offensés, si nos idées sur l'éducation d'un collége ne sont pas les mêmes que les vôtres. Nous en avons déjà fait l'expérience. Plusieurs de nos jeunes gens ont été élevés dans les colléges des provinces septentrionales. Ils ont été instruits dans toutes vos sciences. Mais quand ils sont revenus parmi nous, à peine savoient-ils courir. Ignorant entièrement la manière de vivre dans les bois, incapables de supporter le froid et la faim, ils ne savoient ni bâtir une cabane, ni prendre un daim, ni tuer un ennemi: ils parloient imparfaitement notre langue; et par conséquent ils n'étoient propres ni à la chasse, ni à la guerre, ni aux conseils. Enfin, nous ne pouvions en rien faire. – Nous n'acceptons pas votre offre: mais nous n'en sommes pas moins reconnoissans; et pour vous le prouver, si les habitans de la Virginie veulent nous envoyer une demi-douzaine de leurs enfans, nous aurons le plus grand soin de leur éducation, nous leur apprendrons ce que nous savons; et nous en ferons des hommes

      Les Sauvages ayant de fréquentes occasions de tenir des conseils publics, ils se sont accoutumés à maintenir beaucoup d'ordre et de

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<p>21</p>

Nouvel exemple digne du quaker Denham, dont il est parlé dans le premier volume. (Note du Traducteur.)

<p>22</p>

Cette offre ayant été acceptée par le roi de Prusse, Frédéric II, il fut conclu entre ce monarque et les États-Unis, un traité d'amitié et de commerce, contenant un article dicté par l'humanité et la philantropie. Franklin, qui étoit l'un des plénipotentiaires américains, le rédigea de la manière suivante:

Art. XXIII

«Si la guerre a lieu entre les deux nation contractantes, les marchands de l'une qui résideront dans les états de l'autre, pourront y demeurer neuf mois pour se faire payer de leurs créances et régler leurs affaires, et partiront ensuite librement, emportant tous leurs effets sans aucun empêchement ou molestation quelconque. Toutes les femmes, les enfans, les gens de lettres de toutes les facultés, les agriculteurs, les artisans, les manufacturiers, les pêcheurs, et les habitans non armés des villes, des villages et autres places sans fortifications, et en général tous ceux qui travaillent pour la subsistance et le bien de l'humanité, pourront continuer à se livrer à leurs occupations, sans être molestés dans leur personne, sans qu'on brûle leurs maisons et leurs marchandises, ou qu'on les détruise en aucune manière, et sans que la force armée de l'ennemi ravage leurs champs, en aucun des lieux où elle pénétrera: mais si elle a besoin de prendre quelque chose pour son usage, elle le paiera à un prix raisonnable. Tous les vaisseaux marchands, employés à l'échange des productions des différens pays, et à rendre les objets de première nécessité et les commodités de la vie plus faciles à obtenir et plus communs, pourront passer librement et sans molestation; et ni l'une ni l'autre des puissances contractantes, ne délivrera des lettres de marque à aucun particulier, pour lui donner le pouvoir de prendre ou de détruire les vaisseaux marchands, ou interrompre leur commerce».