Quentin Durward. Вальтер Скотт

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Quentin Durward - Вальтер Скотт

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charmé de pouvoir encore offrir à un étranger une sorte d'hospitalité qui lui semble agréable. Croyez-moi, ce n'est pas tout-à-fait par orgueil que nous autres, pauvres revenans, nous menons une vie si retirée, et voyons si peu de monde. Il est vrai qu'on n'en voit que trop parmi nous qui errent dans les châteaux de leurs pères, et qu'on prendrait plutôt pour les esprits des anciens propriétaires que pour des êtres vivans rétablis dans leurs possessions. Cependant c'est pour vous-mêmes, plutôt que pour épargner notre susceptibilité, que nous ne recherchons pas la société des voyageurs de votre pays. Nous nous sommes mis dans l'idée que votre nation opulente tient particulièrement au faste et à la grande chère; que vous aimez à avoir toutes vos aises, toutes les jouissances possibles; or, les moyens qui nous restent pour vous bien accueillir sont généralement si limités, que nous sentons que toute dépense et toute ostentation nous sont interdites. Personne ne se soucie d'offrir ce qu'il a de mieux, quand il a raison de croire que ce mieux ne fera pas plaisir; et, comme beaucoup de vos voyageurs publient le journal de leur voyage, on n'aime guère à voir le pauvre dîner qu'on a pu donner à quelque milord anglais figurer éternellement dans un livre.

      J'interrompis le marquis pour l'assurer que, si jamais je publiais une relation de mon voyage, et que j'y parlasse du dîner qu'il venait de me donner, ce ne serait que pour le citer comme un des meilleurs repas que j'eusse faits de ma vie. Il me remercia de ce compliment par une nouvelle inclination de tête, et dit qu'il fallait que je ne partageasse guère le goût national, ou que ce qu'on en disait fût grandement exagéré; il me remerciait de lui avoir montré la valeur des possessions qui lui restaient; l'utile avait sans doute survécu au somptueux à Haut-Lieu comme ailleurs; les grottes, les statues, la serre chaude, l'orangerie, le temple, la tour, avaient disparu; mais les vignobles, le potager, le verger, l'étang, existaient encore, et il était charmé de voir que leurs productions réunies eussent suffi à composer un repas trouvé passable par un Anglais. J'espère seulement, ajouta-t-il, que vous me prouverez que vos complimens sont sincères, en acceptant l'hospitalité au château de Haut-Lieu, toutes les fois que vous n'aurez pas d'engagemens préférables pendant votre séjour dans ces environs.

      Je me rendis bien volontiers à une invitation faite d'une manière si gracieuse, qu'il semblait qu'en l'acceptant j'obligeasse celui qui la faisait.

      La conversation tomba alors sur l'histoire du château et de ses environs; sujet qui plaçait le marquis sur son terrain, quoiqu'il ne fût ni grand antiquaire, ni même très-profond historien dès qu'il ne s'agissait plus de sa propriété. Mais le curé était l'un et l'autre, homme aimable, de plus causant fort bien, plein de prévenance, et mettant dans ses communications cette politesse aisée qui m'a paru être le caractère distinctif des membres du clergé catholique, quel que soit leur degré d'instruction. Ce fut de lui que j'appris qu'il existait encore au château de Haut-Lieu le reste d'une fort belle bibliothèque. Le marquis leva les épaules, tandis que le curé parlait ainsi, porta les yeux de côté et d'autre, et parut éprouver de nouveau ce léger embarras qu'il avait montré involontairement quand La Jeunesse avait jasé de l'intervention de son maître dans les arrangemens de la cuisine.

      – Je vous ferais voir mes livres bien volontiers, me dit-il; mais ils sont en si mauvais état, et dans un tel désordre, que je rougis de les montrer à qui que ce soit.

      – Pardon, monsieur le marquis, dit le curé; mais vous savez que vous avez permis au docteur Dibdin, le célèbre bibliomane anglais, d'examiner ces précieux restes, et vous n'oubliez pas quel éloge il en a fait.

      – Pouvais-je en agir autrement, mon cher ami? répondit le marquis: on avait fait au docteur des rapports exagérés sur le mérite des restes de ce qui avait été autrefois une bibliothèque. Il s'était établi dans l'auberge voisine du château, déterminé à emporter sa pointe, ou à mourir sous les murailles. J'avais même ouï dire qu'il avait mesuré trigonométriquement la hauteur de la petite tour, afin de se pourvoir d'échelles pour l'escalader. Vous n'auriez pas voulu que je réduisisse un respectable docteur en théologie, quoique membre d'une communion différente de la nôtre, à commettre cet acte de violence; ma conscience en aurait été chargée.

      – Mais vous savez aussi, monsieur le marquis, reprit le curé, que le docteur Dibdin fut si courroucé de la dilapidation que votre bibliothèque avait soufferte, qu'il avoua qu'il aurait voulu être armé des pouvoirs de notre église pour lancer un anathème contre ceux qui en avaient été coupables.

      – Je présume, répliqua notre hôte, que son ressentiment était proportionné à son désappointement.

      – Pas du tout! s'écria le curé; car il parlait avec tant d'enthousiasme de la valeur de ce qui vous reste, que je suis convaincu que, s'il n'avait cru devoir céder à vos instantes prières, le château de Haut-Lieu aurait occupé au moins vingt pages dans le bel ouvrage dont il nous a envoyé un exemplaire, et qui sera un monument durable de son zèle et de son érudition[21].

      – Le docteur Dibdin est la politesse même, dit le marquis; et, quand nous aurons pris notre café (le voici qui arrive), nous nous rendrons à la petite tour. Comme monsieur n'a pas méprisé mon humble dîner, j'espère qu'il aura la même indulgence pour une bibliothèque en désordre; et je m'estimerai heureux s'il y trouve quelque chose qui puisse l'amuser. D'ailleurs, mon cher curé, vous avez tous les droits possibles sur ces livres, puisque, sans votre intervention, leur propriétaire ne les aurait jamais revus.

      Quoique ce dernier acte de politesse lui eût été en quelque sorte arraché malgré lui par le curé, et que le désir de cacher la nudité de son domaine et l'étendue de ses pertes parussent toujours lutter contre sa disposition naturelle à obliger, il me fut impossible de prendre sur moi de ne pas accepter une offre que les règles strictes de la civilité auraient peut-être dû me faire refuser. Mais renoncer à voir les restes d'une collection assez curieuse pour avoir inspiré au docteur Dibdin le projet de recourir à une escalade, c'eût été un acte d'abnégation dont je ne me sentis pas la force.

      Cependant La Jeunesse avait apporté le café tel qu'on n'en boit que sur le continent[22], sur un plateau couvert d'une serviette, afin qu'on pût croire qu'il était d'argent, et du pousse-café de la Martinique dans un porte-liqueurs qui était certainement de ce métal. Notre repas ainsi terminé, le marquis me fit monter par un escalier dérobé. Je fus introduit dans une grande galerie, de forme régulière, et qui avait près de cent pieds de longueur, mais tellement dilapidée et ruinée, que je tins constamment mes yeux fixés sur le plancher, de crainte que mon hôte ne se crût obligé de faire une apologie pour tous les tableaux délabrés, les tapisseries tombant en lambeaux, et, ce qui était encore pire, les fenêtres brisées par le vent.

      – Nous avons tâché de rendre la petite tour un peu plus habitable, me dit le marquis en traversant à la hâte ce séjour de désolation. C'était ici autrefois la galerie de tableaux; et dans le boudoir qui est à l'autre bout, et qui sert à présent de bibliothèque, nous conservions quelques tableaux précieux de chevalet, dont la dimension exigeait qu'on les considérât de plus près.

      En parlant ainsi, il écarta un pan de la tapisserie déjà mentionnée, et nous entrâmes dans l'appartement dont il venait de parler.

      C'était une salle octogone, répondant à la forme extérieure de la petite tour dont elle occupait l'intérieur. Quatre des côtés étaient percés de croisées garnies de petits vitraux semblables à ceux qu'on voit dans les églises, et chacune de ces fenêtres offrait un point de vue magnifique sur la Loire et sur toute la contrée à travers laquelle serpente ce fleuve majestueux. Les vitraux étaient peints; et les rayons du soleil couchant, qui brillaient de tout leur éclat à travers deux de ces croisées, montraient un assemblage d'emblèmes religieux et d'armoiries féodales qu'il était presque impossible de regarder sans être ébloui. Mais les deux autres fenêtres, n'étant plus exposées

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<p>21</p>

C'est le Voyage Bibliographique, qui vient d'être traduit par MM. Crapelet et Liquet. Nous avons surnommé ailleurs le révérend M. Dibdin un vrai Don Quichotte de bibliomanie, le Dr. Syntaxe des bouquinistes. – (Note de l'éditeur.)

<p>22</p>

Il est rare en effet que le café soit bien fait en Angleterre, où l'art de faire le thé est poussé si loin. – (Note de l'éditeur.)