Les Quarante-Cinq — Tome 1. Dumas Alexandre
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Ernauton remonta à cheval; le page, sans affectation, mais sans lenteur, l'avait précédé et se trouvait déjà mêlé au groupe de ses devanciers.
— Ouvrez la porte, dit Loignac, et laissez passer ces six personnes et les gens de leur suite.
— Allons, vite, vite, mon maître, dit le page, en selle, et partons.
Ernauton céda encore une fois à l'ascendant qu'exerçait sur lui cette bizarre créature, et la porte étant ouverte, il piqua son cheval et s'enfonça, guidé par les indications du page, jusque dans le coeur du faubourg Saint-Antoine.
Loignac fit derrière les six élus refermer la porte, au grand mécontentement de la foule qui, la formalité remplie, croyait qu'elle allait passer à son tour, et qui, voyant son attente trompée, témoigna bruyamment son improbation.
Maître Miton qui avait, après une course effrénée à travers champs, repris peu à peu courage et qui, tout en sondant le terrain à chaque pas, avait fini par revenir à la place d'où il était parti, maître Miton hasarda quelques plaintes sur la façon arbitraire dont la soldatesque interceptait les communications.
Le compère Friard, qui avait réussi à retrouver sa femme et qui, protégé par elle, paraissait ne plus rien craindre, le compère Friard contait à son auguste moitié les nouvelles du jour, enrichies de commentaires de sa façon.
Enfin les cavaliers, dont l'un avait été nommé Mayneville par le petit page, tenaient conseil pour savoir s'ils ne devaient pas tourner le mur d'enceinte, dans l'espérance assez bien fondée d'y trouver une brèche, d'entrer dans Paris sans avoir besoin de se présenter plus longtemps à la porte Saint-Antoine ou à aucune autre.
Robert Briquet, en philosophe qui analyse, et en savant qui extrait la quintessence, Robert Briquet, disons-nous, s'aperçut que tout ce dénoûment de la scène que nous venons de raconter allait se faire près de la porte, et que les conversations particulières des cavaliers, des bourgeois et des paysans ne lui apprendraient plus rien.
Il s'approcha donc le plus qu'il put d'une petite baraque qui servait de loge au portier et qui était éclairée par deux fenêtres, l'une s'ouvrant sur Paris, l'autre sur la campagne.
A peine était-il installé à ce nouveau poste qu'un homme, accourant de l'intérieur de Paris au grand galop de son cheval, sauta à bas de sa monture, et, entrant dans la loge, apparut à la fenêtre.
— Ah! ah! fit Loignac.
— Me voici, monsieur de Loignac, dit cet homme.
— Bien, d'où venez-vous?
— De la porte Saint-Victor.
— Votre bordereau?
— Cinq.
— Les cartes?
— Les voici.
Loignac prit les cartes, les vérifia, et écrivit sur une ardoise qui paraissait avoir été préparée à cet effet, le chiffre 5.
Le messager partit.
Cinq minutes ne s'étaient point écoulées que deux autres messagers arrivaient.
Loignac les interrogea successivement; et toujours à travers son guichet.
L'un venait de la porte Bourdelle, et apportait le chiffre 4.
L'autre de la porte du Temple, et annonçait le chiffre 6.
Loignac écrivit avec soin ces chiffres sur son ardoise.
Ces messagers disparurent comme les premiers et furent successivement remplacés par quatre autres, lesquels arrivaient:
Le premier, de la porte Saint-Denis, avec le chiffre 5;
Le second, de la porte Saint-Jacques, avec le chiffre 3;
Le troisième, de la porte Saint-Honoré, avec le chiffre 8;
Le quatrième, de la porte Montmartre, avec le chiffre 4.
Un dernier apparut enfin, venant de la porte Bussy, et apportant le chiffre 4.
Alors Loignac aligna avec attention, et tout bas, les lieux et les chiffres suivants:
Porte Saint-Victor 5
Porte Bourdelle 4
Porte du Temple 6
Porte Saint-Denis 5
Porte Saint-Jacques 3
Porte Saint-Honoré 8
Porte Montmartre 4
Porte Bussy 4
Enfin porte Saint-Antoine 6
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Total, quarante-cinq, ci 45
— C'est bien.
— Maintenant, cria Loignac d'une voix forte, ouvrez les portes, et entre qui veut!
Les portes s'ouvrirent.
Aussitôt chevaux, mules, femmes, enfants, charrettes, se ruèrent dans Paris, au risque de s'étouffer dans l'étranglement des deux piliers du pont-levis.
En un quart d'heure s'écoula, par cette vaste artère qu'on appelait la rue Saint-Antoine, tout l'amas du flot populaire qui, depuis le matin, séjournait autour de cette digue momentanée.
Les bruits s'éloignèrent peu à peu.
M. de Loignac remonta à cheval avec ses gens. Robert Briquet, demeuré le dernier, après avoir été le premier, enjamba flegmatiquement la chaîne du pont en disant:
— Tous ces gens-là voulaient voir quelque chose, et ils n'ont rien vu, même dans leurs affaires; moi je ne voulais rien voir, et je suis le seul qui ait vu quelque chose. C'est engageant, continuons; mais à quoi bon continuer? j'en sais, pardieu! bien assez. Cela me sera-t-il bien avantageux de voir déchirer M. de Salcède en quatre morceaux? Non, pardieu! D'ailleurs j'ai renoncé à la politique.
Allons dîner; le soleil marquerait midi s'il y avait du soleil; il est temps.
Il dit, et rentra dans Paris avec son tranquille et malicieux sourire.
IV
LA LOGE EN GRÈVE DE S.M. LE ROI HENRI III
Si nous suivions maintenant jusqu'à la place de Grève, où elle aboutit, cette voie populeuse du quartier Saint-Antoine, nous retrouverions dans la foule beaucoup de nos connaissances; mais tandis que tous ces pauvres citadins, moins sages que Robert Briquet, s'en vont, heurtés, coudoyés, meurtris, les uns derrière les autres, nous préférons, grâce au privilège que nous donnent nos ailes