Histoire littéraire d'Italie (3. Pierre Loius Ginguené

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Histoire littéraire d'Italie (3 - Pierre Loius Ginguené

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et de ces Dictionnaires des hommes illustres, qui se sont tant multipliés depuis. S. Jérôme, Gennadius et d'autres auteurs de livres de cette espèce, n'avaient parlé que des écrivains sacrés 188. Photius n'avait traité que des livres qui lui étaient tombés entre les mains. Guillaume de Pastrengo entreprit le premier une Bibliothèque des auteurs sacrés et profanes de tous les pays, de tous les siècles et sur tous les sujets, depuis les temps les plus reculés jusqu'à celui où il vivait. Cet ouvrage écrit en latin, a été imprimé à Venise, en 1547, sous ce faux titre: De originibus rerum 189, que l'auteur ne lui avait point donné. Le manuscrit que l'on en conserve dans une bibliothèque de Venise 190, porte celui-ci: De viris illustribus 191, qui lui convient mieux. La première partie de ce livre est précisément ce qu'on appelle une Bibliothèque. Les auteurs y sont rangés par ordre alphabétique; et, dans des articles faits avec toute l'exactitude que permettait une époque où l'on avait si peu de secours pour ce travail, on trouve une idée succincte de leurs ouvrages. Il était impossible qu'il ne s'y glissât pas beaucoup d'omissions et beaucoup d'erreurs, mais tel qu'il est, il prouve dans son auteur une vaste érudition. Il paraît surprenant qu'il ait pu voir tant de choses au milieu de tant de ténèbres, et ce n'est pas pour lui peu de gloire que d'avoir donné le premier un Dictionnaire de cette espèce. Les autres parties en forment un, historique et géographique, où l'auteur recherche surtout les premières origines, et c'est ce qui a causé l'erreur commise au titre de l'édition de Venise. Cette édition très-rare d'un ouvrage curieux est si remplie de fautes, qu'elle ne peut-être, pour ainsi dire, d'aucun usage. Montfaucon, et après lui Maffei, avaient entrepris d'en donner une nouvelle, corrigée sur les manuscrits; mais ni l'un ni l'autre, ni personne après eux, n'a exécuté ce dessein, qui ne serait pas sans utilité 192.

      Philippe Villani, fils de Mathieu, et le dernier des trois illustres historiens de ce nom, outre le complément des histoires de son oncle et de son père 193, composa aussi un ouvrage intéressant pour l'histoire littéraire; mais il s'y renferma dans ce qui regardait sa patrie, et n'écrivit que les Vies des hommes illustres de Florence. Le comte Mazzuchelli en a publié pour la première fois 194, non le texte original, qui est en latin, mais une ancienne traduction italienne, avec d'amples et savantes notes. Philippe Villani fut nommé, en 1401, pour expliquer publiquement le Dante dans la chaire que Boccace avait occupée. Il y fut nommé une seconde fois, en 1404, et l'on croit qu'il mourut peu de temps après. Les titres d'Eliconio et de Solitario, que lui donnent quelques anciens manuscrits de ses Vies des hommes illustres, prouvent que, quoiqu'il eût rempli à Pérouse quelques fonctions honorables 195, il s'était ensuite entièrement livré aux lettres et à l'amour de la solitude et du repos. Il fut le premier auteur d'une histoire littéraire particulière, comme Guillaume de Pastrengo, d'une histoire littéraire générale. Quant à l'histoire politique, elle n'eut alors aucun auteur qui pût être comparé aux Villani. Mais le nombre des histoires générales qui furent écrites est considérable, et celui des chroniques ou histoires particulières des différentes villes, passe tout ce qu'on peut se figurer. On ne lit plus ni les unes ni les autres pour son plaisir. Les premières sont même peu utiles pour la connaissance des faits: les auteurs de ces histoires avaient trop peu de critique et trop de crédulité. Le plus connu de tous, parce qu'il l'est à d'autres titres, est le premier commentateur du Dante, Benvenuto da Imola. On a de lui, sous le titre de Liber Augustalis, une histoire abrégée des empereurs, depuis Jules César jusqu'à Venceslas, qui régnait de son temps; ouvrage dont la sécheresse et le peu d'exactitude n'ont pas empêché quelques écrivains de l'attribuer à Pétrarque. On le trouve dans plusieurs éditions de ses œuvres latines, mais sous le nom du véritable auteur 196. Landolphe Colonna, Romain, qui fut chanoine de l'église de Chartres, et que l'on dit de la noble famille des Colonne 197, écrivit, entre autres ouvrages, un Breviarum historiale, qui a été imprimé en France 198, et Français Pipino ou Pépin, Bolonais, une Chronique générale des rois Francs, depuis l'origine jusqu'en 1314. Pour l'histoire des premiers siècles, il ne fait que copier ceux qui avaient écrit avant lui; mais, parvenu aux temps modernes et aux événements contemporains, il joint aux faits qu'il a pris dans les autres, des faits particuliers qu'on ne trouve point ailleurs 199. Muratori n'a inséré dans sa grande collection que la partie de cette chronique qui commence en 1176 200. Il y a recueilli toutes les chroniques ou histoires particulières qui peuvent être de quelque usage, et peut-être même en a-t-il outre-passé le nombre. On y distingue les deux Cortusi 201, continuateurs de l'histoire de Padoue, commencée par Albertino Mussato dont nous avons parlé dans un précédent chapitre 202, mais qui restèrent fort au-dessous de lui, quant au talent et quant au style; Ferreto de Vicence 203, l'un des meilleurs historiens de ce temps; Calvano Fiamma de Milan 204, qui ne lui est point inférieur; Jean de Cermenate 205, émule et compatriote de Fiamma, et plusieurs autres. Mais combien de ces historiens sont restés en manuscrit dans les bibliothèques d'Italie, et y resteront toujours sans qu'il y ait rien à perdre, ni pour la gloire littéraire de l'Italie, ni pour l'histoire!

      J'aurais dû placer dans la première époque de ce siècle, mais je n'oublierai pas ici, Marino Sanuto, noble vénitien, qui ne fut pas, à proprement parler, un historien, mais un voyageur, et qui laissa un ouvrage intéressant sur les régions qu'il avait parcourues et sur les événements dont il avait été témoin. Il fit jusqu'à cinq fois le voyage d'Orient, et visita l'Arménie, l'Égypte, les îles de Chypre et de Rhodes, etc. De retour à Venise, il composa son livre Secretorum fidelium crucis, où il décrit exactement ces contrées lointaines, les mœurs de leurs habitants, les révolutions, les guerres entreprises pour les retirer des mains des infidèles, et les causes des mauvais succès de ces guerres. Il y propose aussi des moyens qu'il croit meilleurs pour venir à bout de l'entreprise. Son ouvrage fait, il parcourut plusieurs états de l'Europe, pour engager les princes à exécuter ses plans. Il les présenta au pape Jean XXII, à Avignon, et lui mit sous les yeux des cartes où tous ces pays et les saints lieux étaient fidèlement décrits; il adressa, sur ce sujet, des lettres à plusieurs personnages importants; mais il ne put rien obtenir. On croit qu'il mourut vers l'an 1330. Son ouvrage et ses lettres furent imprimés, pour la première fois, par Bongars, dans le Gesta Dei per Francos 206. C'est un des plus curieux de cette collection; le premier livre surtout peut être regardé comme un traité complet sur le commerce et la navigation de ce siècle, et même des siècles antérieurs 207.

      À l'égard de la littérature proprement dite, et principalement de la poésie, qui était le genre de littérature le plus généralement cultivé, on a bien fait de ne pas tirer des bibliothèques, et l'on aurait encore mieux fait de n'y pas recueillir et de laisser perdre le nombre infini de vers qui furent produits dans ce siècle. Ce fut comme une épidémie qui se répandit rapidement, qui passa même les Alpes, et qui exerça surtout ses ravages à Avignon et autour de Pétrarque, devenu, bien contre son gré, le centre de ce tourbillon poétique. C'est ce qu'une de ses lettres familières décrit avec des détails aussi vrais que plaisants. «Jamais, écrit-il 208, ce que dit Horace ne fut plus vrai qu'à présent:

      Ignorants ou savants, nous faisons tous des vers

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<p>188</p>

Tiraboschi, t. V, p. 322.

<p>189</p>

Le titre entier du livre imprimé est: De Originibus rerum libellus authore Gullelmo Pastregico Veronense, Venet., 1547.

<p>190</p>

Dans celle de S. Jean et S. Paul (di SS. Giovanni e Paolo).

<p>191</p>

Le titre entier de ce manuscrit est, après le Proemium: Incipit liber de Viris illustribus editus à Guillelmo Pastregico veronensi cive, et fori ejusdem urbis causidico.

<p>192</p>

Voy. Maffei, Verona illustr., part. II, p. 115, et Tiraboschi, t. V, l. II, c. 6.

<p>193</p>

Ce complément n'est que de quarante-deux chapitres; il termine le livre XI, et conduit l'histoire de Florence jusqu'à la fin de 1034. V. sur les deux autres Villani, t. II de cet ouvr., p. 301.

<p>194</p>

En 1747.

<p>195</p>

Celles de chancelier de cette commune, etc. Voy. Tiraboschi, loc. cit.

<p>196</p>

Dans l'édit. de Bâle, 1496, in-4., tout à la fin du volume; dans celle de 1581, in-fol., pag. 516, etc.

<p>197</p>

Tiraboschi, t. V, p. 318.

<p>198</p>

À Poitiers, en 1479.

<p>199</p>

Tiraboschi, ub. supr., p. 319.

<p>200</p>

Script. Rer. ital., vol. IX.

<p>201</p>

Guglielmo Cortusio et Albrighetto Cortusio, son parent.

<p>202</p>

Tom. II, p. 305.

<p>203</p>

Script. Rer. ital., vol. IX, p. 935.

<p>204</p>

Auteur du Manipulus Florum, ibid., vol. XI, p. 533.

<p>205</p>

Ibid., vol. IX, p. 1223.

<p>206</p>

Hanoviæ, 1511, 2 vol. in-fol.

<p>207</p>

Foscarini, Letteratura Veneziana, p. 417.

<p>208</p>

Famil., l, XIII, ép. 7, manuscrit de la Biblioth. impér., n°. 8568; Mém. pour la Vie de Pétr., t. III, p. 243.