Nana. Emile Zola

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Nana - Emile Zola

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baissa, de longues housses de toile grise glissèrent des avant-scènes, enveloppèrent les dorures des galeries; et cette salle, si chaude, si bruyante, tomba d'un coup à un lourd sommeil, pendant qu'une odeur de moisi et de poussière montait. Au bord de sa loge, attendant que la foule se fût écoulée, la comtesse Muffat, toute droite, emmitouflée de fourrures, regardait l'ombre.

      Dans les couloirs, on bousculait les ouvreuses qui perdaient la tête, parmi des tas de vêtements écroulés. Fauchery et la Faloise s'étaient hâtés, pour assister à la sortie. Le long du vestibule, des hommes faisaient la haie, tandis que, du double escalier, lentement, deux interminables queues descendaient, régulières et compactes. Steiner, entraîné par Mignon, avait filé des premiers. Le comte de Vandeuvres partit avec Blanche de Sivry à son bras. Un instant, Gaga et sa fille semblèrent embarrassées, mais Labordette s'empressa d'aller leur chercher une voiture, dont il referma galamment la portière sur elles. Personne ne vit passer Daguenet. Comme l'échappé de collège, les joues brûlantes, décidé à attendre devant la porte des artistes, courait au passage des Panoramas, dont il trouva la grille fermée, Satin, debout sur le trottoir, vint le frôler de ses jupes; mais lui, désespéré, refusa brutalement, puis disparut au milieu de la foule, avec des larmes de désir et d'impuissance dans les yeux. Des spectateurs allumaient des cigares, s'éloignaient en fredonnant: Lorsque Vénus rôde le soir… Satin était remontée devant le café des Variétés, où Auguste lui laissait manger le reste de sucre des consommations. Un gros homme, qui sortait très échauffé, l'emmena enfin, dans l'ombre du boulevard peu à peu endormi.

      Pourtant, du monde descendait toujours. La Faloise attendait Clarisse. Fauchery avait promis de prendre Lucy Stewart, avec Caroline Héquet et sa mère. Elles arrivaient, elles occupaient tout un coin du vestibule, riant très haut, lorsque les Muffat passèrent, l'air glacial. Bordenave, justement, venait de pousser une petite porte et obtenait de Fauchery la promesse formelle d'une chronique. Il était en sueur, un coup de soleil sur la face, comme grisé par le succès.

      – En voilà pour deux cents représentations, lui dit obligeamment la Faloise. Paris entier va défiler à votre théâtre.

      Mais Bordenave, se fâchant, montrant d'un mouvement brusque du menton le public qui emplissait le vestibule, cette cohue d'hommes aux lèvres sèches, aux yeux ardents, tout brûlants encore de la possession de Nana, cria avec violence:

      – Dis donc à mon bordel, bougre d'entêté!

      II

      Le lendemain, à dix heures, Nana dormait encore. Elle occupait, boulevard Haussmann, le second étage d'une grande maison neuve, dont le propriétaire louait à des dames seules, pour leur faire essuyer les plâtres. Un riche marchand de Moscou, qui était venu passer un hiver à Paris, l'avait installée là, en payant six mois d'avance. L'appartement, trop vaste pour elle, n'avait jamais été meublé complètement; et un luxe criard, des consoles et des chaises dorées s'y heurtaient à du bric-à-brac de revendeuse, des guéridons d'acajou, des candélabres de zinc jouant le bronze florentin. Cela sentait la fille lâchée trop tôt par son premier monsieur sérieux, retombée à des amants louches, tout un début difficile, un lançage manqué, entravé par des refus de crédit et des menaces d'expulsion.

      Nana dormait sur le ventre, serrant entre ses bras nus son oreiller, où elle enfonçait son visage tout blanc de sommeil. La chambre à coucher et le cabinet de toilette étaient les deux seules pièces qu'un tapissier du quartier avait soignées. Une lueur glissait sous un rideau, on distinguait le meuble de palissandre, les tentures et les sièges de damas broché, à grandes fleurs bleues sur fond gris. Mais, dans la moiteur de cette chambre ensommeillée, Nana s'éveilla en sursaut, comme surprise de sentir un vide près d'elle. Elle regarda le second oreiller qui s'étalait à côté du sien, avec le trou encore tiède d'une tête, au milieu des guipures. Et, de sa main tâtonnante, elle pressa le bouton d'une sonnerie électrique, à son chevet.

      – Il est donc parti? demanda-t-elle à la femme de chambre qui se présenta.

      – Oui, madame, monsieur Paul s'en est allé, il n'y a pas dix minutes… Comme madame était fatiguée, il n'a pas voulu la réveiller. Mais il m'a chargée de dire à madame qu'il viendrait demain.

      Tout en parlant, Zoé, la femme de chambre, ouvrait les persiennes. Le grand jour entra. Zoé, très brune, coiffée de petits bandeaux, avait une figure longue, en museau de chien, livide et couturée, avec un nez épaté, de grosses lèvres et des yeux noirs sans cesse en mouvement.

      – Demain, demain, répétait Nana mal éveillée encore, est-ce que c'est le jour, demain?

      – Oui, madame, monsieur Paul est toujours venu le mercredi.

      – Eh! non, je me souviens! cria la jeune femme, qui se mit sur son séant. Tout est changé. Je voulais lui dire ça, ce matin… Il tomberait sur le moricaud. Nous aurions une histoire!

      – Madame ne m'a pas prévenue, je ne pouvais pas savoir, murmura Zoé. Quand madame changera ses jours, elle fera bien de m'avertir, pour que je sache… Alors, le vieux grigou n'est plus pour le mardi?

      Elles appelaient ainsi entre elles, sans rire, de ces noms de vieux grigou et de moricaud, les deux hommes qui payaient, un commerçant du faubourg Saint-Denis, de tempérament économe, et un Valaque, un prétendu comte, dont l'argent, toujours très irrégulier, avait une étrange odeur. Daguenet s'était fait donner les lendemains du vieux grigou; comme le commerçant devait être le matin à sa maison, dès huit heures, le jeune homme guettait son départ, de la cuisine de Zoé, et prenait sa place toute chaude, jusqu'à dix heures; puis, lui-même allait à ses affaires. Nana et lui trouvaient ça très commode.

      – Tant pis! dit-elle, je lui écrirai cette après-midi… Et, s'il ne reçoit pas ma lettre, demain vous l'empêcherez d'entrer.

      Cependant, Zoé marchait doucement dans la chambre. Elle parlait du grand succès de la veille. Madame venait de montrer tant de talent, elle chantait si bien! Ah! madame pouvait être tranquille, à cette heure!

      Nana, le coude dans l'oreiller, ne répondait que par des hochements de tête. Sa chemise avait glissé, ses cheveux dénoués, embroussaillés, roulaient sur ses épaules.

      – Sans doute, murmura-t-elle, devenue rêveuse; mais comment faire pour attendre? Je vais avoir toutes sortes d'embêtements aujourd'hui… Voyons, est-ce que le concierge est encore monté, ce matin?

      Alors, toutes deux causèrent sérieusement. On devait trois termes, le propriétaire parlait de saisie. Puis, il y avait une débâcle de créanciers, un loueur de voitures, une lingère, un couturier, un charbonnier, d'autres encore, qui venaient chaque jour s'installer sur une banquette de l'antichambre; le charbonnier surtout se montrait terrible, il criait dans l'escalier. Mais le gros chagrin de Nana était son petit Louis, un enfant qu'elle avait eu à seize ans et qu'elle laissait chez sa nourrice, dans un village, aux environs de Rambouillet. Cette femme réclamait trois cents francs pour rendre Louiset. Prise d'une crise d'amour maternel, depuis sa dernière visite à l'enfant, Nana se désespérait de ne pouvoir réaliser un projet passé à l'idée fixe, payer la nourrice et mettre le petit chez sa tante, madame Lerat, aux Batignolles, où elle irait le voir tant qu'elle voudrait.

      Cependant, la femme de chambre insinuait que madame aurait dû confier ses besoins au vieux grigou.

      – Eh! je lui ai tout dit, cria Nana; il m'a répondu qu'il avait de trop fortes échéances. Il ne sort pas de ses mille francs par mois… Le moricaud est pané, en ce moment; je crois qu'il a perdu au jeu… Quant à ce pauvre Mimi, il aurait grand besoin qu'on lui en prêtât; un coup de baisse l'a nettoyé, il ne peut seulement plus m'apporter des fleurs.

      Elle parlait

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