Maintenant et À Tout Jamais . Sophie Love
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Читать онлайн книгу Maintenant et À Tout Jamais - Sophie Love страница 5
Des heures passèrent, et avant qu’elle ne s’en rende compte, le Connecticut était derrière elle, un souvenir lointain, seulement un endroit qu’elle avait traversé sur sa route vers un futur meilleur. Le paysage du Massachussetts était plus ouvert. Au lieu du feuillage vert foncé des conifères, les arbres ici avaient perdu leurs feuilles d’été et se tenaient comme des squelettes filiformes de chaque côté, révélant des pointes de neige et de glace sur le sol dur en dessous eux. Au-dessus d’Emily, le ciel commençait à changer de couleur, d’un bleu dégagé à un gris étouffant, lui rappelant que ce serait la nuit quand elle atteindrait le Maine.
Elle traversa Worcester, où beaucoup des maisons étaient grandes, en bois, et peintes de diverses nuances pastel. Emily ne pouvait s’empêcher de s’interroger à propos des gens qui vivaient ici, à propos de leurs vies et expériences. Elle n’était qu’à quelques heures de chez elle mais déjà tout lui semblait étranger – toutes les possibilités, tous les différents endroits où vivre, où être, à visiter. Comment elle avait passé sept années à vivre juste une version de la vie, poursuivant la vieille routine familière, répétant la même journée encore et encore, attendant, attendant, attendant quelque chose de plus. Tout ce temps elle avait attendu que Ben se ressaisisse pour qu’elle puisse commencer le chapitre suivant de sa vie. Mais tout le long, elle avait eu le pouvoir d’être la force motrice de sa propre histoire.
Elle se retrouva à passer un pont, suivant la Route 290 tandis qu’elle devenait la Route 495. Disparus, les arbres face auxquels s’émerveiller, remplacés à présent par des parois rocheuses abruptes. Son estomac commença à gargouiller, lui rappelant que le déjeuner était passé et qu’elle n’avait rien fait pour cela. Elle envisagea de s’arrêta à un relais routier mais l’obsession d’arriver jusqu’au Maine était trop grande. Elle pourrait manger là quand elle y serait.
Des heures supplémentaires passèrent, et elle traversa la frontière avec l’état du New Hampshire. Le ciel s’ouvrit, les routes larges et nombreuses, les plaines s’étirant de chaque côté aussi loin qu’elle pouvait voir. Emily ne put s’empêcher de réfléchir à combien le monde était vaste, combien de personnes il contenait vraiment.
Son optimisme la transporta tout le long du chemin au-delà de Portsmouth, où des avions descendaient au-dessus d’elle, leur moteurs grondant tandis qu’ils approchaient des pistes d’atterrissage. Elle accéléra, dépassa la ville suivante, où le givre recouvrait les bords de chaque côté de l’autoroute, puis à travers Portland, où la route longeait les lignes de chemin de fer. Emily enregistrait chaque petit détail, se sentant abasourdie par la dimension du monde.
Elle accéléra le long du pont qui menait à l’extérieur de Portland, voulant désespérément arrêter la voiture et admirer la vue de l’océan. Mais le ciel s’obscurcissait, et elle savait qu’elle devait continuer si elle voulait arriver à Sunset Harbor avant minuit. C’était à au moins trois heures supplémentaires de là, et le cadran sur son tableau de bord indiquait déjà 21h. Son estomac protesta de nouveau, la réprimandant pour avoir manqué le déjeuner ainsi que le dîner.
De toutes les choses qu’Emily avait le plus hâte de faire quand elle arriverait à la maison, c’était dormir durant toute la nuit qu’elle voulait. La fatigue commençait à s’installer ; le canapé d’Amy n’avait pas été particulièrement confortable, sans mentionner le bouleversement émotionnel dans lequel Emily avait été durant toute la nuit. Mais, l’attendant dans la maison de Sunset Harbor, se trouvait le beau lit de chêne sombre à baldaquin, qui était dans la chambre à coucher principale, celle que ses parents avaient partagée au cours d’une époque plus heureuse. L’idée de l’avoir tout entier pour elle-même était convaincante.
Malgré le ciel qui menaçait de neiger, Emily décida de ne pas prendre la route nationale jusqu’à Sunset Harbor. Son père avait affectionné de conduire sur la route moins employée – une série de ponts enjambant la myriade de rivières courant dans l’océan dans cette partie du Maine.
Elle sortit de l’axe routier, soulagée de ralentir au moins sa vitesse. Les routes donnaient l’impression d’être plus traîtres, mais le paysage était sensationnel. Emily contempla les étoiles tandis qu’elles scintillaient au-dessus des eaux claires et étincelantes.
Elle resta sur la Route 1 le long de la côte, ouvrant son esprit à la beauté qu’elle avait pour elle. Le ciel passa du gris au noir, les eaux reflétaient son image. C’était comme conduire à travers l’espace, vers de l’infini.
Vers le début du reste de sa vie.
*
Épuisée par la route, luttant pour garder ses yeux secs ouverts, elle se ragaillardit quand ses phares éclairèrent enfin un panneau qui l’informa qu’elle entrait dans Sunset Harbor. Son cœur s’accéléra dans l’impatience.
Elle dépassa le petit aéroport et franchit le pont qui la mènerait à Mount Desert Island, se remémorant, avec une pointe de nostalgie, être dans la voiture familiale pendant qu’elle fonçait sur ce même pont. Elle savait qu’il n’était qu’à seize kilomètres de la maison, que cela ne lui prendrait pas plus de vingt minutes pour rejoindre sa destination. Son cœur commençait à tambouriner d’excitation. Sa fatigue et sa faim semblèrent disparaître.
Elle vit le petit panneau en bois qui lui souhaitait la bienvenue à Sunset Harbor et se sourit à elle-même. De grands arbres bordaient chaque côté de la route, et Emily se sentit réconfortée de savoir qu’il s’agissait des mêmes arbres qu’elle avait contemplé étant enfant pendant que son père conduisait le long de cette même route.
Quelques minutes après elle passa un pont et se souvint de s’y être baladée, quand elle était enfant, durant une belle soirée d’automne, avec des feuilles rouges craquant sous ses pieds. Le souvenir était si net qu’elle pouvait même se représenter les mitaines de laine violette qu’elle portait en tenant la main de son père. Elle ne pouvait pas avoir plus de cinq ans, mais le souvenir la frappa aussi clairement que si cela avait été hier.
Plus lui revinrent à l’esprit tandis qu’elle dépassait d’autres lieux – ce restaurant qui servait des pancakes géniaux, le camping qui serait plein de Scouts durant tout l’été, le sentier unique qui menait à Salisbury Cove. Quand elle atteignit le panneau pour le Parc National d’Acadia, elle sourit, sachant qu’elle n’était qu’à trois kilomètres de sa destination finale. Il semblait qu’elle allait atteindre la maison juste à temps ; la neige commençait tout juste à tomber et sa voiture mal en point n’était probablement pas capable de traverser le blizzard.
Comme sur commande, sa voiture commença à émettre un étrange grincement provenant de sous le capot. Emily se mordilla la lèvre dans l’angoisse. Ben avait toujours été le bricoleur, le réparateur dans leur couple. Ses talents en mécanique étaient affligeants. Elle pria pour que la voiture tienne pour le dernier kilomètre et demi.
Mas le grincement empira,