Les vrais mystères de Paris. Eugène François Vidocq
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—La piole est rupine[23], il doit y avoir gras[24].
Ils venaient de fermer la porte du vestibule, et ils se croyaient chez eux, lorsqu'ils entendirent le bruit des pas de deux personnes qui marchaient sur le gravier de la route et qui s'arrêtèrent devant la grille qui défendait l'entrée de la cour; une clé tourna dans la serrure, la grille fut ouverte, et deux hommes enveloppés de larges manteaux, entrèrent dans la cour et se dirigèrent vers la maison, après avoir fermé avec soin.
Les premiers arrivés avaient vu à travers deux guichets à claire-voie pratiqués dans les panneaux de la porte tout ce qui venait de se passer.
—Merci, nous sommes marrons[25], dit le plus misérable des deux, planquons-nous[26].
—Il tremble toujours ce Délicat, n'avons-nous pas des lingres[27] bien affilés.
—Oui, mais ces deux chênes[28] paraissent de taille à se défendre, le plus sûr est de nous esgarer[29], nous trouverons peut-être notre belle lorsqu'ils seront dans le pieu[30] et s'il faut les refroidir[31], ma foi alors comme alors.
Après ces quelques paroles échangées rapidement et à voix basse, ils se blottirent derrière la porte d'un petit dégagement, après avoir éteint la bougie de leur lanterne sourde.
Il était temps; les nouveaux venus entraient dans la pièce qu'ils venaient de quitter et peu d'instants après ils allumaient une lampe.
Les larrons cachés dans le petit dégagement ne pouvaient rien voir mais ils pouvaient tout entendre.
—Qui de nous ira à la cave, dit un des nouveaux venus?
—Ce sera vous, monsieur le marquis.
—Soit, pendant ce temps, monsieur mon intendant vous ferez du feu, j'ai besoin de me réchauffer un peu.
Le marquis prit une clé accrochée au mur près de la porte du dégagement et sortit de la salle.
—As-tu entendu, dit Délicat à son camarade, il paraît que c'est des messières de la haute[32], un marquis et un intendant, pus qu'ça d'monnaie.
—Veux-tu bien taire ta menteuse[33], V'là l'marquis qui rapplique[34].
Le marquis rentrait en effet dans la salle qu'il venait de quitter, le feu flambait dans l'âtre, il prit deux verres et quelques biscuits dans une armoire:
—Voilà, dit-il, une de ces vieilles bouteilles du clos Vougeot que nous ne débouchons que dans les grandes occasions, à la santé du père Loiseau.
—Ce pauvre orphelin[35] n'est pas, à l'heure qu'il est, aussi content que nos zigues[36].
—Il faut en convenir, ce vicomte de Lussan est une véritable providence, il est comme le solitaire, il sait tout, il voit tout, il est partout.
—Tu lui as coqué son fade[37]?
—Gy[38], dix mille balles en taillebins d'altèque[39], il s'est contenté de cela, le vicomte est raisonnable.
—Et prudent: les taillebins n'ont pas de centre[40].
—Allumans un peu cette camelotte[41].
—Entraves-tu[42] comme ils jaspinent bigorne[43]? dit Délicat, c'est des grinches[44].
—T'as raison, c'est des pègres[45] et de la haute[46] encore.
—Et qui viennent de faire un fameux chopin[47] les gueux.
—Rembroque[48] ces mirzalles[49], disait le marquis à son intendant, tandis que Délicat et son compagnon causaient à voix basse dans le petit dégagement, tant rondines[50] piquantes[51] cadennes[52] et durailles sur mince[53]. Il y en a pour plus de cinquante mille balles[54].
—Tu vois, mon cher marquis, que je travaille toujours assez bien, soit dit entre nous, bon cheval n'est jamais rosse.
—C'est vrai.
—Les caroubles débridaient bien[55], n'est-ce pas?
—Le père Loiseau n'aurait pas ouvert plus facilement avec ses clés.
Le marquis tira sa montre.
—Bientôt neuf heures, dit-il, il est temps de partir, nous avons beaucoup de choses à faire ce soir; va porter la camelotte[56] à la planque[57], et partons, nous attrimerons plus tard au fourgat[58].
L'intendant réunit dans la forme de son chapeau plusieurs petites boîtes de maroquin vert et rouge qu'il en avait tirées, et sortit de la pièce.
—C'est fait, dit-il en rentrant après une absence de quelques minutes, maintenant, partons.
—Qué chance, mon vieux Coco-Desbraises ils vont décaniller.
—Oui, qu'ils se la donnent[59] et nous dirons deux mots à la planque de ces rupins[60].
Après le départ du marquis et de son intendant, Délicat et Coco-Desbraises sortirent du petit dégagement dans lequel ils s'étaient tenus blottis, avec l'espérance de découvrir la cachette dont ils avaient entendu parler. Ils se disposaient à briser les meubles, mais les clés étaient sur toutes les serrures et tous les meubles étaient vides; ils cherchèrent avec un acharnement sauvage sans pouvoir rien trouver; ils voulurent enfin se venger sur la cave, dont ils ouvrirent la porte avec la clé accrochée dans la salle à manger; mais cette cave, comme tous les meubles qu'ils avaient déjà visités, était complétement vide; ils y trouvèrent seulement une bouteille de vin blanc, qu'ils vidèrent en deux coups.
—En v'là une dure, en v'là une criminelle! pas un fenin[61] chez un marquis, dit Délicat, c'est le raboin[62] qui s'en mêle.
—Tout ça n'est pas naturel, répondit Coco-Desbraises, mais ous donc qu'ils ont planqué la camelotte de l'orphelin qu'ils ont nettoyé[63]?
—J'en paume la sorbonne[64]; si tu veux, nous allons recommencer à rapioter[65] partout; la camelotte[66] est ici, c'est sûr; il faut la trouver.
De nouvelles recherches furent tout aussi infructueuses que celles qui venaient d'être faites.
—Niente[67], dit Coco-Desbraises, qui paraissait en proie à une violente colère.
—Foi de bon zigue[68], répondit Délicat; si tu veux, nous allons coquer le riffle à la piole[69], puisque nous ne pouvons rien trouver.
—Ça serait pas juste, y ne sont peut-être pas les propriétaires.
—Pourquoi que ça n'serait pas eux, puisque l'un de ces grinches[70] est marquis, et que l'autre est son intendant? C'est-y drôle que des nobles qui sont nobles soient des pègres[71], et des chouettes pègres[72] encore.
—C'est