Les enfants du capitaine Grant. Jules Verne

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Les enfants du capitaine Grant - Jules Verne

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Glenarvan.

      —Oui, voilà bien ma chance habituelle. Si, aux Canaries, je me voyais en présence des travaux de Humboldt, ici, je me trouve devancé par un géologue, M Charles Sainte-Claire Deville!

      —Pas possible?

      —Sans doute, répondit Paganel d’un ton piteux. Ce savant se trouvait à bord de la corvette de l’état la décidée, pendant sa relâche aux îles du Cap-Vert, et il a visité le sommet le plus intéressant du groupe, le volcan de l’île Fogo. Que voulez-vous que je fasse après lui?

      —Voilà qui est vraiment regrettable, répondit lady Helena.

       Qu’allez-vous devenir, Monsieur Paganel?»

      Paganel garda le silence pendant quelques instants.

      «Décidément, reprit Glenarvan, vous auriez mieux fait de débarquer à Madère, quoiqu’il n’y ait plus de vin!»

      Nouveau silence du savant secrétaire de la société de géographie.

      «Moi, j’attendrais», dit le major, exactement comme s’il avait dit: je n’attendrais pas.

      «Mon cher Glenarvan, reprit alors Paganel, où comptez-vous relâcher désormais?

      —Oh! Pas avant Concepcion.

      —Diable! Cela m’écarte singulièrement des Indes.

      —Mais non, du moment que vous avez passé le cap Horn, vous vous en rapprochez.

      —Je m’en doute bien.

      —D’ailleurs, reprit Glenarvan avec le plus grand sérieux, quand on va aux Indes, qu’elles soient orientales ou occidentales, peu importe.

      —Comment, peu importe!

      —Sans compter que les habitants des pampas de la Patagonie sont aussi bien des indiens que les indigènes du Pendjaub.

      —Ah! parbleu, mylord, s’écria Paganel, voilà une raison que je n’aurais jamais imaginée!

      —Et puis, mon cher Paganel, on peut gagner la médaille d’or en quelque lieu que ce soit; il y a partout à faire, à chercher, à découvrir, dans les chaînes des Cordillères comme dans les montagnes du Tibet.

      —Mais le cours du Yarou-Dzangbo-Tchou?

      —Bon! vous le remplacerez par le Rio-Colorado! Voilà un fleuve peu connu, et qui sur les cartes coule un peu trop à la fantaisie des géographes.

      —Je le sais, mon cher lord, il y a là des erreurs de plusieurs

       degrés. Oh! je ne doute pas que sur ma demande la société de

       Géographie ne m’eût envoyé dans la Patagonie aussi bien qu’aux

       Indes. Mais je n’y ai pas songé.

      —Effet de vos distractions habituelles.

      —Voyons, Monsieur Paganel, nous accompagnez-vous? dit lady

       Helena de sa voix la plus engageante.

      —Madame, et ma mission?

      —Je vous préviens que nous passerons par le détroit de Magellan, reprit Glenarvan.

      —Mylord, vous êtes un tentateur.

      —J’ajoute que nous visiterons le Port-Famine!

      —Le Port-Famine, s’écria le français, assailli de toutes parts, ce port célèbre dans les fastes géographiques!

      —Considérez aussi, Monsieur Paganel, reprit lady Helena, que, dans cette entreprise, vous aurez le droit d’associer le nom de la France à celui de l’Écosse.

      —Oui, sans doute!

      —Un géographe peut servir utilement notre expédition, et quoi de plus beau que de mettre la science au service de l’humanité?

      —Voilà qui est bien dit, madame!

      —Croyez-moi. Laissez faire le hasard, ou plutôt la providence.

       Imitez-nous. Elle nous a envoyé ce document, nous sommes partis.

       Elle vous jette à bord du Duncan, ne le quittez plus.

      —Voulez-vous que je vous le dise, mes braves amis? reprit alors

       Paganel; eh bien, vous avez grande envie que je reste!

      —Et vous, Paganel, vous mourez d’envie de rester, repartit

       Glenarvan.

      —Parbleu! s’écria le savant géographe, mais je craignais d’être indiscret!»

      Chapitre IX Le détroit de Magellan

      La joie fut générale à bord, quand on connut la résolution de Paganel. Le jeune Robert lui sauta au cou avec une vivacité fort démonstrative. Le digne secrétaire faillit tomber à la renverse.

      «Un rude petit bonhomme, dit-il, je lui apprendrai la géographie.»

      Or, comme John Mangles se chargeait d’en faire un marin, Glenarvan un homme de cœur, le major un garçon de sang-froid, lady Helena un être bon et généreux, Mary Grant un élève reconnaissant envers de pareils maîtres, Robert devait évidemment devenir un jour un gentleman accompli.

      Le Duncan termina rapidement son chargement de charbon, puis, quittant ces tristes parages, il gagna vers l’ouest le courant de la côte du Brésil, et, le 7 septembre, après avoir franchi l’équateur sous une belle brise du nord, il entra dans l’hémisphère austral.

      La traversée se faisait donc sans peine. Chacun avait bon espoir. Dans cette expédition à la recherche du capitaine Grant, la somme des probabilités semblait s’accroître chaque jour.

      L’un des plus confiants du bord, c’était le capitaine. Mais sa confiance venait surtout du désir qui le tenait si fort au cœur de voir miss Mary heureuse et consolée. Il s’était pris d’un intérêt tout particulier pour cette jeune fille; et ce sentiment, il le cacha si bien, que, sauf Mary Grant et lui, tout le monde s’en aperçut à bord du Duncan.

      Quant au savant géographe, c’était probablement l’homme le plus heureux de l’hémisphère austral; il passait ses journées à étudier les cartes dont il couvrait la table du carré; de là des discussions quotidiennes avec Mr Olbinett, qui ne pouvait mettre le couvert. Mais Paganel avait pour lui tous les hôtes de la dunette, sauf le major, que les questions géographiques laissaient fort indifférent, surtout à l’heure du dîner. De plus, ayant découvert toute une cargaison de livres fort dépareillés dans les coffres du second, et parmi eux un certain nombre d’ouvrages espagnols, Paganel résolut d’apprendre la langue de Cervantes, que personne ne savait à bord. Cela devait faciliter ses recherches sur le littoral chilien. Grâce à ses dispositions au polyglottisme, il ne désespérait pas de parler couramment ce nouvel idiome en arrivant à Concepcion. Aussi étudiait-il avec acharnement, et on

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