Aventures extraordinaires d'un savant russe: La lune. H. de Graffigny
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Cependant, d'un naturel plein de franchise et de droiture, il ne put se décider à entretenir l'erreur du savant et il lui dit:
—Je ne sais, monsieur Ossipoff, qui a pu causer votre erreur; mais je dois vous avouer humblement que je ne suis pas celui que vous croyez.
Comme par enchantement l'attitude du vieillard changea.
—Que m'as-tu donc dit? demanda-t-il en s'adressant à Séléna d'un ton rogue, ne m'as-tu pas raconté que monsieur s'appelait Flammermont?
—Effectivement, mon cher père, répondit la jeune fille, mais je ne vous ai point dit que monsieur fût le savant que vous croyez.
Aussitôt, le vieillard s'écarta et se redressant d'un air soupçonneux:
—Alors, fit-il sèchement, que vient faire ici monsieur?
Le comte se tourna vers Séléna.
—Je croyais, murmura-t-il, que mademoiselle votre fille vous avait expliqué...
Séléna prit la parole.
—Je vous ai dit, mon père, que M. de Flammermont m'aimait et qu'il venait aujourd'hui vous demander ma main.
Et voyant les sourcils contractés et l'attitude hostile du vieillard elle ajouta pour l'amadouer un peu:
—Du reste, Mme Bakounine et moi n'avons encouragé monsieur à faire auprès de vous une semblable démarche, que lorsque nous avons su que vous et lui êtes en communion d'idées.
Le visage d'Ossipoff se dérida un peu.
Celui de Gontran refléta l'étonnement le plus profond.
—Oui, poursuivit Séléna en adressant au jeune homme un regard d'intelligence, monsieur le comte est plus qu'un ami des sciences; c'est un fervent adepte que ne laisse indifférent aucun des grands progrès qui intéressent notre époque... En dehors de la carrière diplomatique qu'il a dû suivre, il a continué à s'occuper d'astronomie, de chimie et de physique et de bien d'autres choses encore...
M. de Flammermont regarda la jeune fille d'un air effaré.
Le vieux savant, lui, fixa sur le jeune homme des regards subitement adoucis.
—Vous êtes le bienvenu dans mon logis, monsieur, donnez-vous la peine de vous asseoir.
Et indiquant un siège au visiteur, il s'enfonça dans son fauteuil, tandis que, par une manœuvre habile, Séléna se plaçait sur un pouf de tapisserie, juste derrière la chaise de Gontran.
Une fois installée, à moitié noyée dans la demi-obscurité qui régnait dans la pièce, elle se pencha un peu et murmura:
—Ne craignez rien, laissez parler mon père et comptez sur moi.
Le jeune homme, un peu rassuré par ces mots, se prépara à faire bonne contenance et à soutenir du mieux qu'il pourrait l'assaut qu'il prévoyait.
—Vous êtes sans doute parent de l'auteur des Continents célestes? demanda M. Ossipoff après un instant.
Gontran, qui s'attendait à voir tout d'abord la conversation s'engager sur sa demande en mariage, répondit à tout hasard:
—Effectivement.
Aussitôt, le vieillard, comme intéressé au plus haut point par cette réponse, roula son fauteuil tout près de celui du jeune homme.
—Et vous vivez sans doute beaucoup dans sa société?
—Autant que je le puis, répliqua Gontran décidé à faire les réponses que semblaient solliciter les questions.
Le visage de M. Ossipoff s'illumina.
—En ce cas, dit-il, vous devez être imprégné de ses théories, j'entends de ses vraies théories, de celles qu'il émet dans l'intimité.
—Imprégné n'est peut-être pas tout à fait juste, fit Gontran qui craignait de trop s'avancer, mais enfin je suis, j'ose le dire, assez au courant des pensées de cet illustre savant.
Et il ajouta in petto:
—Je veux que le diable me cuise tout vif si je sais un mot de ce que pense mon digne homonyme.
Quant à Ossipoff, il se frottait les mains, d'un air de parfait contentement.
—Voyons, monsieur le comte, dit-il à brûle-pourpoint, que pensez-vous personnellement de la lune?
Le jeune homme demeura quelques instants tout abasourdi, se creusant la cervelle pour y trouver une réponse qui pût satisfaire le vieux savant, lorsque celui-ci ajouta:
—Je m'explique... Croyez-vous,—comme la plupart des astronomes, qui partent de ce point que la lune n'a point d'atmosphère et qu'on n'y voit rien remuer,—pensez-vous que notre satellite est un monde mort et un astre dépourvu de toute espèce de vie, animale et végétale?
—Certes, je n'ai pas la prétention de rien affirmer, fit alors Gontran qui ne voulait pas se compromettre, cependant, la raison la plus élémentaire, le plus simple bon sens nous conduisent à penser...
—... Que la lune est le séjour d'habitants quelconques, et vous avez raison, termina de la meilleure foi du monde Ossipoff, qui crut deviner le sens ambigu des paroles du jeune homme.
Et il ajouta mentalement, considérant ces paroles comme les reflets des théories du célèbre Flammermont:
—Je m'étais toujours douté que Flammermont pensait ainsi. Cela se voit entre les lignes de ses ouvrages.
Puis tout haut:
—Ainsi vous êtes partisan de la doctrine de la pluralité des mondes habités?
—C'est la seule qui réponde à mes sentiments intimes, répliqua avec feu le jeune homme qui ne savait seulement pas quelle était cette doctrine dont parlait le vieux savant, mais qui avait entendu Séléna lui souffler l'affirmative.
Ossipoff se leva et, le front penché, absorbé dans ses pensées, fit quelques pas à travers son cabinet de travail.
Puis s'arrêtant devant le jeune Français:
—Ma