Le capitaine Pamphile. Alexandre Dumas

Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le capitaine Pamphile - Alexandre Dumas страница 4

Автор:
Серия:
Издательство:
Le capitaine Pamphile - Alexandre Dumas

Скачать книгу

œufs. Je baissai ma bougie... Mon tapis était couvert d'escargots.

      Joseph m'avait ponctuellement obéi: il avait acheté de la salade et des escargots, avait mis le tout dans un panier au milieu de ma chambre; dix minutes après, soit que la température de l'appartement les eût dégourdis, soit que la peur d'être croqués se fût emparée d'eux, toute la caravane s'était mise en route, et elle avait même déjà fait passablement de chemin; ce qui était facile à juger par les traces argentées qu'ils avaient laissées sur les tapis et sur les meubles.

      Quant à Gazelle, elle était restée au fond du panier, contre les parois duquel elle n'avait pu grimper. Mais quelques coquilles vides me prouvèrent que la fuite des Israélites n'avait pas été si rapide, qu'elle n'eût mis la dent sur quelques-uns avant qu'ils eussent le temps de traverser la mer Rouge.

      Je commençai aussitôt une revue exacte du bataillon qui manœuvrait dans ma chambre, et par lequel je me souciais peu d'être chargé pendant la nuit; puis, prenant délicatement de la main droite tous les promeneurs, je les fis rentrer, les uns après les autres, dans leur corps de garde, que je tenais de la main gauche, et dont je fermai le couvercle sur eux.

      Au bout de cinq minutes, je m'aperçus, que, si je laissais toute cette ménagerie dans ma chambre, je courais le risque de ne pas dormir une minute; c'était un bruit, comme si on eût enfermé une douzaine de souris dans un sac de noix: je pris donc le parti de transporter le tout à la cuisine.

      Chemin faisant, je songeai qu'au train dont allait Gazelle je la trouverais morte d'indigestion le lendemain si je la laissais au milieu d'un magasin de vivres aussi copieux; au même moment et comme par inspiration, j'avisai dans mon souvenir certain baquet placé dans la cour et dans lequel le restaurateur du rez-de-chaussée mettait dégorger son poisson: cela me parut une si merveilleuse hôtellerie pour une testudo aquarum dulcium, que je jugeai inutile de me casser la tête à lui en chercher une autre, et que, la tirant de son réfectoire, je la portai directement au lieu de sa destination.

      Je remontai bien vite et m'endormis, persuadé que j'étais l'homme de France le plus ingénieux en expédients.

      Le lendemain, Joseph me réveilla dès le matin.

      —Oh! monsieur, en voilà une farce! me dit-il en se plantant devant mon lit.

      —Quelle farce?

      —Celle que votre tortue a faite.

      —Comment?

      —Eh bien, croiriez-vous qu'elle est sortie de votre appartement, ça, je ne sais pas comment... qu'elle a descendu les trois étages, et qu'elle a été se mettre au frais dans le vivier du restaurateur?

      —Imbécile! tu n'as pas deviné que c'était moi qui l'y avais portée?

      —Ah bon!... Vous avez fait là un beau coup, alors!

      —Pourquoi cela?

      —Pourquoi? Parce qu'elle a mangé la tanche, une tanche superbe qui pesait trois livres.

      —Allez me chercher Gazelle, et apportez-moi des balances.

      Pendant que Joseph exécutait cet ordre, j'allai à ma bibliothèque, j'ouvris mon Buffon à l'article tortue; car je tenais à m'assurer si ce chélonien était ichtyophage, et je lus ce qui suit:

      «Cette tortue d'eau douce, testudo aquarum dulcium c'était bien cela, aime surtout les marais et les eaux dormantes; lorsqu'elle est dans une rivière ou dans un étang, alors elle attaque tous les poissons indistinctement, même les plus gros: elle les mord sous le ventre, les y blesse fortement, et, lorsqu'ils sont épuisés par la perte du sang, elle les dévore avec la plus grande avidité et ne laisse guère que les arêtes, la tête des poissons, et même leur vessie natatoire, qui remonte quelquefois à la surface de l'eau.»

      —Diable! diable! dis-je; le restaurateur a pour lui M. de Buffon: ce qu'il dit pourrait bien être vrai.

      J'étais en train de méditer sur la probabilité de l'accident, lorsque Joseph rentra, tenant l'accusée d'une main et les balances de l'autre.

      —Voyez-vous, me dit Joseph, ça mange beaucoup, ces sortes d'animaux, pour entretenir leurs forces, et du poisson surtout, parce que c'est très nourrissant; est-ce que vous croyez que, sans cela, ça pourrait porter une voiture?... Voyez, dans les ports de mer, comme les matelots sont robustes; c'est parce qu'ils ne mangent que du poisson.

      J'interrompis Joseph.

      —Combien pesait la tanche?

      —Trois livres: c'est neuf francs que le garçon réclame.

      —Et Gazelle l'a mangée tout entière?

      —Oh! elle n'a laissé que l'arête, la tête et la vessie.

      —C'est bien cela! M. de Buffon est un grand naturaliste. Cependant, continuai-je à demi-voix, trois livres... cela me parait fort.

      Je mis Gazelle dans la balance; elle ne pesait que deux livres et demie avec sa carapace.

      Il résultait de cette expérience, non point que Gazelle fût innocente du fait dont elle était accusée, mais qu'elle devait avoir commis le crime sur un cétacé d'un plus médiocre volume.

      Il paraît que ce fut aussi l'avis du garçon; car il parut fort content de l'indemnité de cinq francs que je lui donnai.

      L'aventure des limaçons et l'accident de la tanche me rendirent moins enthousiaste de ma nouvelle acquisition; et, comme le hasard fit que je rencontrai, le même jour, un de mes amis, homme original et peintre de génie, qui faisait à cette époque une ménagerie de son atelier, je le prévins que j'augmenterais le lendemain sa collection d'un nouveau sujet, appartenant à l'estimable catégorie des chéloniens, ce qui parut le réjouir beaucoup.

      Gazelle coucha cette nuit dans ma chambre, où tout se passa fort tranquillement, vu l'absence des escargots.

      Le lendemain, Joseph entra chez moi, comme d'habitude, roula le tapis de pied de mon lit, ouvrit la fenêtre, et se mit à le secouer pour en extraire la poussière; mais tout à coup il poussa un grand cri et se pencha hors de la fenêtre comme s'il eût voulu se précipiter.

      —Qu'y a-t-il donc, Joseph? dis-je à moitié éveillé.

      —Ah! monsieur, il y a que votre tortue était couchée sur le tapis, je ne l'ai pas vue...

      —Et...?

      —Et, ma foi! sans le faire exprès, je l'ai secouée par la fenêtre.

      —Imbécile!...

      Je sautai à bas de mon lit.

      —Tiens! dit Joseph, dont la figure et la voix reprenaient une expression de sérénité tout à fait rassurante, tiens! elle mange un chou!

      En effet, la bête, qui avait rentré par instinct tout son corps dans sa cuirasse, était tombée par hasard sur un tas d'écailles d'huîtres, dont la mobilité avait amorti le coup, et, trouvant à sa portée un légume à sa convenance, elle avait sorti tout doucement la tête hors de sa carapace, et s'occupait de son déjeuner aussi tranquillement que si elle ne venait pas de tomber d'un troisième

Скачать книгу