La Débâcle. Emile Zola

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La Débâcle - Emile Zola

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       Émile Zola

      La Débâcle

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066086398

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       I

       II

       III

       IV

       V

       VI

       VII

       VIII

       Table des matières

      À deux kilomètres de Mulhouse, vers le Rhin, au milieu de la plaine fertile, le camp était dressé. Sous le jour finissant de cette soirée d'août, au ciel trouble, traversé de lourds nuages, les tentes-abris s'alignaient, les faisceaux luisaient, s'espaçaient régulièrement sur le front de bandière; tandis que, fusils chargés, les sentinelles les gardaient, immobiles, les yeux perdus, là-bas, dans les brumes violâtres du lointain horizon, qui montaient du grand fleuve.

      On était arrivé de Belfort vers cinq heures. Il en était huit, et les hommes venaient seulement de toucher les vivres. Mais le bois devait s'être égaré, la distribution n'avait pu avoir lieu. Impossible d'allumer du feu et de faire la soupe. Il avait fallu se contenter de mâcher à froid le biscuit, qu'on arrosait de grands coups d'eau-de-vie, ce qui achevait de casser les jambes, déjà molles de fatigue. Deux soldats pourtant, en arrière des faisceaux, près de la cantine, s'entêtaient à vouloir enflammer un tas de bois vert, de jeunes troncs d'arbre qu'ils avaient coupés avec leurs sabres-baïonnettes, et qui refusaient obstinément de brûler. Une grosse fumée, noire et lente, montait dans l'air du soir, d'une infinie tristesse.

      Il n'y avait là que douze mille hommes, tout ce que le général Félix Douay avait avec lui du 7e corps d'armée. La première division, appelée la veille, était partie pour Froeschwiller; la troisième se trouvait encore à Lyon; et il s'était décidé à quitter Belfort, à se porter ainsi en avant avec la deuxième division, l'artillerie de réserve et une division de cavalerie, incomplète. Des feux avaient été aperçus à Lorrach. Une dépêche du sous-préfet de Schelestadt annonçait que les Prussiens allaient passer le Rhin à Markolsheim. Le général, se sentant trop isolé à l'extrême droite des autres corps, sans communication avec eux, venait de hâter d'autant plus son mouvement vers la frontière, que, la veille, la nouvelle était arrivée de la surprise désastreuse de Wissembourg. D'une heure à l'autre, s'il n'avait pas lui-même l'ennemi à repousser, il pouvait craindre d'être appelé, pour soutenir le 1er corps. Ce jour-là, ce samedi d'inquiète journée d'orage, le 6 août, on devait s'être battu quelque part, du côté de Froeschwiller: cela était dans le ciel anxieux et accablant, de grands frissons passaient, de brusques souffles de vent, chargés d'angoisse. Et, depuis deux jours, la division croyait marcher au combat, les soldats s'attendaient à trouver les Prussiens devant eux, au bout de cette marche forcée de Belfort à Mulhouse.

      Le jour baissait, la retraite partit d'un coin éloigné du camp, un roulement des tambours, une sonnerie des clairons, faibles encore, emportés par le grand air. Et Jean Macquart, qui s'occupait à consolider la tente, en enfonçant les piquets davantage, se leva. Aux premiers bruits de guerre, il avait quitté Rognes, tout saignant du drame où il venait de perdre sa femme Françoise et les terres qu'elle lui avait apportées; il s'était réengagé à trente- neuf ans, retrouvant ses galons de caporal, tout de suite incorporé au 106e régiment de ligne, dont on complétait les cadres; et, parfois, il s'étonnait encore, de se revoir avec la capote aux épaules, lui qui, après Solférino, était si joyeux de quitter le service, de n'être plus un traîneur de sabre, un tueur de monde. Mais quoi faire? Quand on n'a plus de métier, qu'on n'a plus ni femme ni bien au soleil, que le coeur vous saute dans la gorge de tristesse et de rage? Autant vaut-il cogner sur les ennemis, s'ils vous embêtent. Et il se rappelait son cri: ah! bon sang! puisqu'il n'avait plus de courage à la travailler, il la défendrait, la vieille terre de France!

      Jean, debout, jeta un coup d'oeil dans le camp, où une agitation dernière se produisait, au passage de la retraite. Quelques hommes couraient. D'autres, assoupis déjà, se soulevaient, s'étiraient d'un air de lassitude irritée. Lui, patient, attendait l'appel, avec cette tranquillité d'humeur, ce bel équilibre raisonnable, qui faisait de lui un excellent soldat. Les camarades disaient qu'avec

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