Le Domaine de Belton. Anthony Trollope
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–Alors vous devriez vous adressez ailleurs, voilà tout. Écoutez, monsieur Amadroz, je le ferai moi-même.» Il s’était servi deux larges tranches do mouton froid et mangeait de bon appétit tout en parlant.
«C’est impossible, dit le squire.
–Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible; vous vous en trouveriez mieux, et moi aussi, si je dois avoir un jour la propriété.
A ces mots le squire fit la grimace.
Ce même jour, à midi, l’opposition du squire était vaincue; Stovey avait résilié son bail moyennant cinq cents francs d’indemnité, et Will s’était substitué à lui avec une augmentation considérable. M. Amadroz n’en revenait pas.
Dans l’après-midi, Will demanda à sa cousine de venir se promener.
«Je vous montrerai tout ce que je compte faire,» lui dit-il.
Elle prit aussitôt son chapeau et son ombrelle et le suivit. Dès qu’ils furent assez loin de la maison pour ne pas être entendus:
«Votre père a de l’antipathie pour moi, dit Will, et je n’en suis pas étonné.
–Je ne crois pas qu’il ait d’antipathie pour vous, monsieur Belton.
–Si, et rien de plus naturel: je suis son héritier au lieu de vous. Il ne doit pas m’aimer; mais j’en viendrai à bout, et il finira par ne plus pouvoir se passer de moi.
–Vous êtes un homme extraordinaire, monsieur Belton.
–Je voudrais bien que vous ne m’appeliez pas monsieur Belton; mais si j’arrive à me faire appeler Will par votre père, je pense que vous en ferez autant.
–Oh! certainement.
–L’appellation ne signifie pas grand’chose, mais on aime à être dans des termes affectueux avec ses amis. Je suppose que vous n’aimez pas beaucoup que je vous appelle Clara?
–Maintenant que vous avez commencé, vous ferez aussi bien de continuer.
–C’est mon intention. Je me suis fait une règle de ne jamais revenir en arrière. Votre père est à moitié fâché de m’avoir affermé la propriété, mais je compte persévérer, et les choses auront pris un autre aspect d’ici à un an. Voilà un taillis qui a besoin d’éclaircies. Ces sortes de travaux couvrent toujours les dépenses qu’ils nécessitent. Il en est ainsi de tout le bien qu’on fait en ce monde.»
Clara se rappela souvent ces mots dans la suite, en pensant à son cousin.
«Comment vous procurez-vous le lait et le beurre?
–Nous les achetons à M. Stovey.
–Quel abus1vivre à la campagne et payer son lait! Écoutez, je vous donnerai une vache; ce sera un petit cadeau de moi à vous.
–Oh! monsieur Belton, je ne pense pas que cela se puisse,
–Nous essayerons. J’ai promis de ne rien faire qui contrarie votre père, mais je ne vous ai pas fait la même promesse. Quel joli endroit! que j’aime ces rochers! quel soulagement de ne plus être dans la plaine!Vous ne pouvez vous imaginer combien Plaintow est laid avec ses grands fossés et ses champs coupés à angles droits! A peine si l’on voit un arbre dans tout le pays.
–Quel tableau! Je mourrais d’ennui si j’étais obligée de vivre là.
–Vous y vivriez très-bien si vous y aviez tant à faire que moi.
–Et vous habitez là tout seul?
–Non, j’ai ma sœur avec moi. Vous avez entendu parler de Mary?»
Clara se souvint qu’il y avait une miss Belton, une pauvre créature contrefaite et maladive dont elle aurait dû s’informer.
«Oui, certainement, dit Clara. J’espère qu’elle est mieux portante.
–Elle ne sera jamais mieux, mais je ne la trouve pas plus malade, seulement peut-être un peu affaiblie.»
En parlant des souffrances et de la bonté de sa sœur, les larmes lui vinrent aux yeux. Clara en fut touchée et songea à l’appeler Will le plus tôt possible.
Leur promenade les avait conduits jusqu’au cottage. De l’autre côté de la barrière du jardin, ils aperçurent mistress Askerton, qui peut-être les guettait. Elle leur ouvrit, et Clara présenta son cousin. Will, en la saluant, sembla perdre contenance un moment. Mistress Askerton l’accueillit fort gracieusement; elle savait être gracieuse ou disgracieuse à volonté.
«Comment va le colonel? demanda Clara.
–Il est à la maison, occupé à lire un roman français, suivant son habitude. Lisez-vous jamais des romans français, monsieur Belton?
–Je lis très-peu, et quand je lis, c’est en anglais.
–Vous êtes très-occupé?
–J’ai une grande propriété à régir qui me laisse peu de temps pour lire des romans français, quand je saurais le français, ce qui n’est pas.
Après cela, on causa chasse, et mistress Askerton trouva moyen de parler de celle de Belton, affermée par le colonel, d’un ton qui déplut à Will. Clara, voyant que la conservation s’aigrissait, prit congé.
«Vous ne me paraissez pas éprouver beaucoup de sympathie pour mon amie, dit-elle en riant dès qu’ils eurent quitté le cottage.
Pas précisément. Le fait est que je l’ai prise d’abord pour une personne que j’ai connue autrefois, et je pensais à cette personne pendant tout le temps de la visite.
–Quel était son nom?
–Elle se nommait miss Vigo et avait épousé un M. Berdmore. C’était une évaporée, et lui ne valait pas grand’chose. Je crois qu’ils sont morts ou divorcés.
–Le nom de mistress Askerton était miss Oliphant.
–J’aurai sans doute été trompé par une ressemblance fortuite.»
La conversation en resta là, mais Clara crut se souvenir qu’elle avait déjà entendu prononcer le nom de Berdmore, soit par mistress. Askerton, soit à son sujet.
CHAPITRE III
Lorsque, le soir, dans son lit, Clara repassa les événements de la journée, elle s’applaudit d’avoir trouvé un si bon cousin et un cousin qui ne lui ferait pas la cour. Pourquoi Will ne devait pas lui faire la cour et pourquoi elle s’en réjouissait, je ne l’expliquerai pas; mais toutes les jeunes filles ont coutume de parler ainsi des gens de leur intimité, comme si l’amour était par lui-même injurieux et ennemi du bonheur