Nana. Emile Zola
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Ces dames en étaient revenues à leur premier sujet de conversation.
— Comment! encore monsieur de Bismarck! murmura Fauchery.
Cette fois, je me sauve pour tout de bon.
— Attendez, dit Vandeuvres, il nous faut un non définitif du
comte.
Le comte Muffat causait avec son beau-père et quelques hommes graves. Vandeuvres l'emmena, renouvela l'invitation, en l'appuyant, en disant qu'il était lui-même du souper. Un homme pouvait aller partout; personne ne songerait à voir du mal où il y aurait au plus de la curiosité. Le comte écoutait ces arguments, les yeux baissés, la face muette. Vandeuvres sentait en lui une hésitation, lorsque le marquis de Chouard s'approcha d'un air interrogateur. Et quand ce dernier sut de quoi il s'agissait, quand Fauchery l'invita à son tour, il regarda furtivement son gendre. Il y eut un silence, une gêne; mais tous deux s'encourageaient, ils auraient sans doute fini par accepter, si le comte Muffat n'avait aperçu M. Venot, qui le regardait fixement. Le petit vieillard ne souriait plus, il avait un visage terreux, des yeux d'acier, clairs et aigus.
— Non, répondit le comte aussitôt, d'un ton si net, qu'il n'y avait pas à insister.
Alors, le marquis refusa avec plus de sévérité encore. Il parla morale. Les hautes classes devaient l'exemple. Fauchery eut un sourire et donna une poignée de main à Vandeuvres. Il ne l'attendait pas, il partait tout de suite, car il devait passer à son journal.
— Chez Nana, à minuit, n'est-ce pas?
La Faloise se retirait également. Steiner venait de saluer la comtesse. D'autres hommes les suivaient. Et les mêmes mots couraient, chacun répétait: «A minuit, chez Nana», en allant prendre son paletot dans l'antichambre. Georges, qui ne devait partir qu'avec sa mère, s'était placé sur le seuil, où il indiquait l'adresse exacte, troisième étage, la porte à gauche. Cependant, avant de sortir, Fauchery jeta un dernier coup d'oeil. Vandeuvres avait repris sa place au milieu des dames, plaisantant avec Léonide de Chezelles. Le comte Muffat et le marquis de Chouard se mêlaient à la conversation, pendant que la bonne madame Hugon s'endormait les yeux ouverts. Perdu derrière les jupes, M. Venot, redevenu tout petit, avait retrouvé son sourire. Minuit sonnèrent lentement dans la vaste pièce solennelle.
— Comment! comment! reprenait madame Du Joncquoy, vous supposez que monsieur de Bismarck nous fera la guerre et nous battra… Oh! celle-là dépasse tout!
On riait, en effet, autour de madame Chantereau, qui venait de répéter ce propos, entendu par elle en Alsace, où son mari possédait une usine.
— L'empereur est là, heureusement, dit le comte Muffat avec sa gravité officielle.
Ce fut le dernier mot que Fauchery put entendre. Il refermait la porte, après avoir regardé une fois encore la comtesse Sabine. Elle causait posément avec le chef de bureau et semblait s'intéresser à l'entretien de ce gros homme. Décidément, il devait s'être trompé, il n'y avait point de fêlure. C'était dommage.
— Eh bien! tu ne descends pas? lui cria la Faloise du vestibule.
Et, sur le trottoir, en se séparant, on répéta encore:
— A demain, chez Nana.
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