L'ancien Figaro. Anonymous
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Après ces mots, il y eut de la sensation, et les petits enfants demandèrent des tartines. Un conseiller, qui avait été nourri de la lecture de Molière, leur fit donner le fouet tout leur soûl. Puis un gros joufflu qui louchait, portant robe noire et perruque idem, parla dans ces mots en caressant un petit garçon d’un air tout à fait mystique: «Quand on n’a pas de pain, j’en ai encore et le garde; j’ai raison, et l’on doit être fier de me voir si dodu et si vermeil. On dit que j’ai faim comme quatre, et que je mange comme huit. Qu’est-ce que cela prouve, sinon que j’ai de l’appétit. On vit comme on peut; je peux parce que j’ai. Que ceux qui ont du crédit s’en servent, on payera quand on pourra; et quant aux gueux qui n’ont rien, ce sont des gueux qu’il faut pendre, cela leur apprendra à vivre. J’ai dit.» Tous tes plus grands, tous les plus gros, gens à pistolets et poignards en poche, gaillards trapus et hargneux, dogues à longs crocs et colliers pointus, excitèrent alors un vacarme d’applaudissements de tous les diables; on bâillait de faim, on braillait d’enthousiasme.
Quand on se fut bien estomaqué, un petit homme, couleur gris de poussière, sec comme la mort, blême comme un carême, jambes en fuseau, corps menu, nez d’un pied de long, grimpa dans l’égrugeoir comme un écureuil, et là, de pérorer d’une voix affamée, tirant la langue comme un chien de chasse qui vient de courre:
«Mes amis, je devrais me taire, car je n’ai pas soupé hier, déjeuné ce matin, ni dîné ce soir (murmures), mais la conscience l’emporte: je vais faire une révélation terrible. Un jour de fête, car, Dieu merci, nous sommes dans les fêtes jusqu’au cou, nous vivons comme des bienheureux (applaudissements), je fumais, car que faire de mieux, si on ne mange, que de fumer? (murmures plus prononcés)—quand une idée que je crus pieuse me passa par la tête: cette idée, messieurs, c’était de fondre toutes les cloches des monastères du pays pour en faire des pièces de six maravédis, à l’effet d’acheter pour nous et les nôtres des petits pains de seigle.» A peine l’orateur eut-il parlé, qu’il fut accueilli à grands coups de pied, à grands coups de poing, hué, conspué, tiraillé et reconduit avec force gifles, croquignoles, rebuffades et crachats au nez, jusqu’à une des plus belles potences qui aient jamais eu quinze pieds, et accroché, à la grande satisfaction de toutes les bonnes âmes, par le beau milieu de son cou. Depuis lors, le pays devint le chaos le mieux organisé, l’enfer le plus cagot qu’il se fût oncques vu; il y eut des cloches sans pain, des fêtes où l’on ne riait pas du tout, des cantiques de cinquante et quelques couplets, force coups de couteau, contrebande, guerre civile, combats de taureaux, peste, famine, plaies et bosses à bouche que veux tu, et autres gentillesses dans ce moule; mais, par-dessus le marché, pas une pièce de monnaie dans l’escarcelle pour acheter du baume de fier-à-bras!
COUPS DE LANCETTE.
Rivarol accusait M. Ginguené d’avoir des phrases d’une longueur désespérante pour les asthmatiques.—Qu’aurait-il dit de celles de M. Villemain?
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Jésuite pour jésuite, disait madame d’A..., j’aime mieux ceux à robes longues, cela cache mieux les choses.
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La Gazette, le Drapeau blanc et le Journal de Paris, depuis qu’ils publient les nouvelles de Portugal, ressemblent à ces tyrans de mélodrame, qui se montrent avec un visage riant et se retournent aussitôt en fronçant le sourcil et en disant tout bas: Dissimulons.
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Un dentiste célèbre, attaché au service d’un prince étranger, demandait au chambellan dans quelle langue il pourrait adresser ses remercîments à Son Altesse.—En français, si vous voulez, reprit le courtisan, pourvu que vous évitiez de prononcer le mot mâchoire.
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Dans une de ses dernières brochures, M. le comte de Bonald dit qu’il ne connaît rien de plus beau que les pays gouvernés par les prêtres, et il cite la fière Espagne avec son inquisition et ses moines.
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MM. Bénab... et Ling..... sont toujours à louer ou à vendre.
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Deux moines de la sainte inquisition lisaient à Madrid les détails de l’incendie de Constantinople.—«Que les habitants de cette ville sont heureux!» s’écria l’un des saints pères, «ils peuvent jouir à chaque instant du plaisir de voir brûler des hommes, des femmes et même des enfants!...»
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Il y a un proverbe florentin conçu ainsi: Qui fait ses affaires ne se salit pas les mains; M. le comte de... doit avoir les siennes furieusement propres.
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On a cité en justice un brave homme parce qu’il se nomme Napoléon. Est-ce en France ou chez les Hurons?
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M. de V... se fait, dit-on, répéter tous les matins, depuis huit jours, cette maxime d’un ancien: Un flatteur est un esclave qui n’est bon pour aucun maître.
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La Sentinelle de la Religion prétend qu’elle soutient tous les bons principes....... Sans doute comme la corde soutient le pendu.
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Mlle Delâtre disait qu’elle connaissait les livres de morale.—Oui, lui répondit-on, comme les voleurs la gendarmerie.
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Un auteur célèbre a dit que l’existence entière des jésuites fut un grand dévoûment à la religion et à l’humanité; ajoutez: et aux petits garçons.
Les vengeances et les colères d’une réaction furieuse donnèrent, sous la Restauration, un rôle des plus importants à la délation. Les délateurs, comme ceux de la Rome antique, sûrs de l’impunité, que dis-je, certains d’obtenir des récompenses et «des honneurs,» ne se renfermèrent pas toujours dans leur strict devoir. D’espions, ils devinrent agents provocateurs et, pour satisfaire leur «honnête ambition,» se mirent au service des rancunes. De là, des piéges honteux tendus à la crédulité d’une foule de malheureux, qui payèrent de leur tête le crime d’avoir écouté les propositions de misérables chargés d’organiser des émeutes et