Der undankbare Kontinent?. Группа авторов

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et si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s’adresse aussi aux Français et aux autres hommes«.

      Il disait aussi: »le français nous a fait don de ses mots abstraits – si rares dans nos langues maternelles. Chez nous les mots sont naturellement nimbés d’un halo de sève et de sang; les mots du français eux rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit«.

      Ainsi parlait Léopold Senghor qui fait honneur à tout ce que l’humanité comprend d’intelligence. Ce grand poète et ce grand Africain voulait que l’Afrique se mit à parler à toute l’humanité et lui écrivait en français des poèmes pour tous les hommes.

      Ces poèmes étaient des chants qui parlaient, à tous les hommes, d’êtres fabuleux qui gardent des fontaines, chantent dans les ­rivières et qui se cachent dans les arbres.

      Des poèmes qui leur faisaient entendre les voix des morts du vil­lage et des ancêtres.

      Des poèmes qui faisaient traverser des forêts de symboles et remonter jusqu’aux sources de la mémoire ancestrale que chaque peuple garde au fond de sa conscience comme l’adulte garde au fond de la sienne le souvenir du bonheur de l’enfance.

      Car chaque peuple a connu ce temps de l’éternel présent, où il cherchait non à dominer l’univers mais à vivre en harmonie avec l’univers. Temps de la sensation, de l’instinct, de l’intuition. Temps du mystère et de l’initiation. Temps mystique ou [sic] le sacré était partout, où tout était signes et correspondances. C’est le temps des magiciens, des sorciers et des chamanes. Le temps de la parole qui était grande, parce qu’elle se respecte et se répète de génération en génération, et transmet, de siècle en siècle, des légendes aussi anciennes que les dieux.

      L’Afrique a fait se ressouvenir à tous les peuples de la terre qu’ils avaient partagé la même enfance. L’Afrique en a réveillé les joies simples, les bonheurs éphémères et ce besoin, ce besoin auquel je crois moi-même tant, ce besoin de croire plutôt que de compren­dre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce ­besoin d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête.

      Ceux qui jugent la culture africaine arriérée, ceux qui tiennent les Africains pour de grands enfants, tous ceux-là ont oublié que la Grèce antique qui nous a tant appris sur l’usage de la raison avait aussi ses sorciers, ses devins, ses cultes à mystères, ses socié­tés ­secrètes, ses bois sacrés et sa mythologie qui venait du fond des âges et dans laquelle nous puisons encore, aujourd’hui, un ­inestimable trésor de sagesse humaine.

      L’Afrique qui a aussi ses grands poèmes dramatiques et ses légendes tragiques, en écoutant Sophocle, a entendu une voix plus ­familière qu’elle ne l’aurait crû et l’Occident a reconnu dans l’art africain des formes de beauté qui avaient jadis été les siennes et qu’il éprouvait le besoin de ressusciter.

      Alors entendez, jeunes d’Afrique, combien Rimbaud est africain quand il met des couleurs sur les voyelles comme tes [sic] ancêtres en mettaient sur leurs masques, »masque noir, masque rouge, ­masque blanc-et-noir«.

      Ouvrez les yeux, jeunes d’Afrique, et ne regardez plus, comme l’ont fait trop souvent vos aînés, la civilisation mondiale ­comme une menace pour votre identité mais la civilisation mondiale comme quelque chose qui vous appartient aussi.

      Dès lors que vous reconnaîtrez dans la sagesse universelle une part de la sagesse que vous tenez de vos pères et que vous ­aurez la volonté de la faire fructifier, alors commencera ce que j’appelle de mes vœux, la Renaissance africaine.

      Dès lors que vous proclamerez que l’homme africain n’est pas voué à un destin qui serait fatalement tragique et que, partout en Afrique, il ne saurait y avoir d’autre but que le bonheur, alors commencera la Renaissance africaine.

      Dès lors que vous, jeunes d’Afrique, vous déclarerez qu’il ne saurait y avoir d’autres finalités pour une politique africaine que l’unité de l’Afrique et l’unité du genre humain, alors commencera la Renaissance africaine.

      Dès lors que vous regarderez bien en face la réalité de l’Afrique et que vous la prendrez à bras le corps, alors commencera la Renaissance africaine. Car le problème de l’Afrique, c’est qu’elle est devenue un mythe que chacun reconstruit pour les besoins de sa cause.

      Et ce mythe empêche de regarder en face la réalité de l’Afrique.

      La réalité de l’Afrique, c’est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible. La réalité de l’Afrique, c’est encore trop de famine, trop de misère.

      La réalité de l’Afrique, c’est la rareté qui suscite la violence.

      La réalité de l’Afrique, c’est le développement qui ne va pas assez vite, c’est l’agriculture qui ne produit pas assez, c’est le manque de routes, c’est le manque d’écoles, c’est le manque d’hôpitaux.

      La réalité de l’Afrique, c’est un grand gaspillage d’énergie, de courage, de talents, d’intelligence.

      La réalité de l’Afrique, c’est celle d’un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu’il n’arrive pas à se libérer de ses mythes.

      La Renaissance dont l’Afrique a besoin, vous seuls, Jeunes d’Afrique, vous pouvez l’accomplir parce que vous seuls en ­aurez la force.

      Cette Renaissance, je suis venu vous la proposer. Je suis venu vous la proposer pour que nous l’accomplissions ensemble parce que de la Renaissance de l’Afrique dépend pour une ­large part la Renaissance de l’Europe et la Renaissance du monde.

      Je sais l’envie de partir qu’éprouvent un si grand nombre d’entre vous confrontés aux difficultés de l’Afrique.

      Je sais la tentation de l’exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille.

      Je sais ce qu’il faut de volonté, ce qu’il faut de courage pour tenter cette aventure, pour quitter sa patrie, la terre où l’on est né, où l’on a grandi, pour laisser derrière soi les lieux familiers où l’on a été heureux, l’amour d’une mère, d’un père ou d’un frère et cette solidarité, cette chaleur, cet esprit communautaire qui sont si forts en Afrique.

      Je sais ce qu’il faut de force d’âme pour affronter le dépaysement, l’éloignement, la solitude.

      Je sais ce que la plupart d’entre eux doivent affronter comme épreuves, comme difficultés, comme risques.

      Je sais qu’ils iront parfois jusqu’à risquer leur vie pour aller jusqu’au bout de ce qu’ils croient être leur rêve.

      Mais je sais que rien ne les retiendra.

      Car rien ne retient jamais la jeunesse quand elle se croit portée par ses rêves.

      Je ne crois pas que la jeunesse africaine ne soit poussée à partir que pour fuir la misère.

      Je crois que la jeunesse africaine s’en va parce que, comme ­toutes les jeunesses, elle veut conquérir le monde.

      Comme toutes les jeunesses, elle

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