La chasse aux lions. Alfred Assollant

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La chasse aux lions - Alfred  Assollant

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la fièvre, ni la gale, ni la peste, mon vieux Pitou. Tout au plus quelques chacals.»

      Pitou répliqua :

      «Oh ! les chacals, ça ne vaut pas la peine d’en parler. Je les renverrai à coups de pied… Il n’y a pas d’autres vilaines bêtes ?

      – Une hyène par-ci par-là…

      – Bon ! l’affaire d’un coup de fusil. Il n’y aurait pas aussi quelques panthères ?

      – Il y en a, mais si petites que je ne sais pas si ça peut compter.»

      Pitou prit un air grave :

      «Les panthères, Dumanet, ça compte toujours. Te souviens-tu du sergent Broutavoine ?

      – Le sergent Broutavoine ?… Connais pas.

      – Comment ! tu n’as pas connu le sergent Broutavoine, qui t’a fiché quatre jours de salle de police pour avoir manqué à l’appel, trois semaines avant d’aller à Zaattcha ?… Broutavoine, un petit, maigre, roux, large des épaules, qui grognait matin et soir et qui est mort lieutenant, avec la croix, l’année dernière, à l’assaut de Malakoff, en Crimée.

      – Ah ! Broutavoine ! le rousseau Broutavoine ! un qui disait toujours à l’exercice : “Qui est-ce qui m’a fichu des conscrits pareils ? ça tient son fusil comme un bâton de sucre d’orge !…” Eh bien, qu’est-ce qui lui arriva au sergent Broutavoine ?»

      Alors Pitou répondit :

      «Il lui arriva, Dumanet, qu’un soir d’été, tiens, un soir comme celui-ci, le ciel était bleu, il alla tout seul derrière une haie pour comme qui dirait réfléchir, vu que son notaire l’en avait prié par le moyen de ce que sa tante était morte et lui avait laissé un pré, là-bas, dans l’Aveyron, loin, bien loin de Paris, pas loin de Rodez. Fallait-il vendre ? fallait-il pas ? – Pendant qu’il réfléchissait, le nez sur sa lettre, couché sur le ventre et dans l’herbe, voilà qu’il sent tout à coup quelque chose comme une fourche à sept ou huit dents qui se serait plantée dans le côté opposé à la figure (mais plus bas), et qu’il est enlevé en l’air à une hauteur de trente-quatre à trente-cinq centimètres… Tu vois ça d’ici. Lui, pas content du tout, se retourne pour regarder celui qui lui faisait cette mauvaise farce : car enfin ce n’est pas honnête de prendre ainsi un sergent par le fond de la culotte… pas du tout. Ce n’était pas un farceur, c’était une belle panthère de deux pieds et demi de haut, grosse comme un veau de six semaines…

      – Ah ! fichtre !

      – … Là-dessus mon sergent Broutavoine était mal à l’aise, comme tu peux croire. Il cherche de la main droite son briquet, de la gauche il attrape la panthère par les cheveux… ou, si tu préfères, par une oreille et par les poils tout autour… Il tire de son côté, elle tire du sien. Finalement elle emporte le morceau, qui n’était pas bien gros (par bonheur !) et pousse un cri fait comme le miaulement de trois cents chats en colère… Le sergent saute debout sur ses pieds, lire son briquet et le lui met dans la gorge en criant : “À moi : les amis !” On court, on arrive, on le trouve couché sous elle et couvert de sang… elle l’avait jeté par terre et voulait le dévorer. Lui, pas bête, lui tenait la gueule en l’air en serrant de toutes ses forces.

      – Et après ?

      – Après ?… Eh bien, pendant que la panthère le griffait et le mordait, Pouscaillou est venu par derrière et lui a brûlé la cervelle d’un coup de fusil…

      – Au sergent ?

      – Mais non, Dumanet. Tu ne comprends donc rien ? Pas au sergent, à la panthère.»

      Je répliquai :

      «Pitou, tu vois bien que le sergent Broutavoine s’en est tiré, puisqu’il est devenu lieutenant et qu’il a fallu un coup de mitraille pour le tuer en Crimée.»

      Pitou secoua la tête.

      «Il s’en est tiré, dit-il… oui, si l’on veut ; mais, pendant plus de six semaines, il ne pouvait pas s’asseoir ni se coucher, excepté sur le côté gauche, et encore !…

      – Pour lors, Pitou, tu as peur de rencontrer des panthères ?»

      Il hésita.

      «Mon Dieu ! J’ai peur… et je n’ai pas peur ; ça dépend… À dix pas, avec mon fusil bien épaulé, le doigt sur la détente, en plein jour…

      – Qu’est-ce que tu ferais ?

      – Est-ce que je sais, moi ? Je ferais de mon mieux. Et si c’était le soir, couché dans l’herbe comme le sergent Broutavoine, alors, oh ! alors, je rentrerais avec plaisir dans la caserne pour me coucher.»

      Je levai les épaules et je dis :

      «Pitou ! tu es mon ami, mais tu me fais de la peine !

      – Pourquoi, Dumanet ?

      – Parce que, mon vieux Pitou, si tu as peur des panthères, qu’est-ce que tu feras donc quand tu te trouveras nez à mufle avec les lions ?»

      Il me dit bonnement :

      «Je ferai avec les lions ce que je ferais avec les panthères. Je rentrerai dans la caserne.

      – Oh ! Pitou !

      – De quoi, Dumanet ?… Quand on rencontre un mauvais gueux sur sa route qui a quatre pistolets à cinq coups chacun et quarante fusils chargés à balle, est-ce qu’on va lui chercher querelle ? Est-ce qu’on va se faire tuer ou estropier ?

      – Oui, mais le lion…

      – Le lion, dit Pitou avec force, a quatre pattes, et cinq griffes à chaque patte, et quarante dents au fond de la gueule… C’est comme s’il était toujours prêt à faire feu de soixante cartouches à bout touchant… Tu aimerais ça, Dumanet ?

      – Moi ! oui, assez.

      – Eh bien, pas moi, Dumanet ! Et tu dis qu’il y a des lions dans ton désert ?

      – Ce n’est pas moi qui dis ça, c’est le capitaine Chambard ; et encore il dit approximativement, tu sais. Hier, par exemple, en prenant son absinthe, il racontait au capitaine Caron que les lions gardent les portes du désert.

      – Oh ! s’écria Pitou, est-ce que le désert a des portes ?»

      Je répondis :

      «Faut croire, puisque les lions les gardent. Est-ce que tu as jamais vu une porte sans portier ?

      – Ça, jamais ! dit Pitou ; j’aurais plutôt vu un portier sans porte. Comme ça, Dumanet, c’est donc les lions qui ferment la porte du désert ?

      – Comme tu dis.

      – Mais alors, Dumanet, c’est donc pas des lions, ceux de ce pays, c’est donc des cloportes ?»

      Il se mit à rire et moi aussi, et aussi la mère Mouilletrou, qui nous écoutait.

      Je lui dis :

      «Pitou,

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