L'archéologie égyptienne. Gaston Maspero
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Seul, le pavillon de Médinét-Habou possède des fenêtres réelles ; mais il était construit sur le plan d’une forteresse et ne doit être rangé qu’à titre d’exception parmi les monuments religieux.
Le sol des cours et des salles était revêtu de dalles rectangulaires assez régulièrement ajustées, sauf dans l’intervalle des colonnes où, désespérant de raccorder à l’ensemble les lignes courbes de la base, les architectes ont accumulé des fragments de petite dimension sans ordre ni méthode.
Au contraire de ce qu’ils pratiquaient pour les maisons, ils n’ont presque jamais employé la voûte dans les temples. On ne la rencontre guère qu’à Déir-el-Baharî et dans les sept sanctuaires parallèles d’Abydos, encore est-elle obtenue par encorbellement. La courbe en est dessinée dans trois ou quatre assises horizontales, placées en porte à faux l’une au-dessus de l’autre, puis évidées au ciseau, suivant une ligne continue.
La couverture ordinaire consiste en dalles plates juxtaposées. Quand les vides entre les murs ne sont pas trop considérables, elle les franchit d’une seule volée ; sinon, on l’étayait de supports d’autant plus multipliés que l’espace à couvrir est plus étendu. Ils étaient alors reliés par d’immenses poutres en pierre, les architraves, sur lesquelles s’appuient les dalles dont le toit se compose.
Les supports sont de deux types différents : le pilier et la colonne. On en connaît d’un seul bloc. Les piliers du temple du Sphinx, les plus anciens qui aient été découverts jusqu’à présent, ont 5 mètres de hauteur sur 1m,40 de côté. Des colonnes en granit rose, éparses au milieu des ruines d’Alexandrie, de Bubaste, de Memphis, et qui remontent aux règnes d’Harmhabi et de Ramsès II, mesurent 6 et 8 mètres d’une même venue. Ce n’est là qu’une exception. Colonnes et piliers sont bâtis en assises souvent inégales et irrégulières, comme celles des murailles environnantes. Les grandes colonnes de Louxor ne sont pleines qu’au tiers du diamètre : elles ont un noyau de ciment jaunâtre, qui n’a plus de consistance et tombe en poudre sous les doigts. Le chapiteau de la colonne de Taharqou, à Karnak, contient trois assises hautes chacune d’environ 0m,123. La dernière, la plus saillante, se compose de vingt-six pierres, dont les joints verticaux tendent au centre, et qui ne sont maintenues en place que par le poids du dé superposé. Les mêmes négligences que nous avons signalées dans l’appareil des murs, on les retrouve toutes dans celui des colonnes. Le pilier quadrangulaire, à côtés parallèles ou légèrement inclinés, le plus souvent sans base ni chapiteau, est fréquent dans les tombes de l’ancien Empire. Il apparaît encore à Médinét-Habou, dans le temple de Thoutmos III, ou à Karnak, dans ce qu’on appelle le promenoir. Les faces en sont souvent habillées de tableaux peints ou de légendes, et la face extérieure reçoit un motif spécial de décoration : des tiges de lotus ou de papyrus en saillie, sur les piliers-stèles de Karnak, une tête d’Hathor coiffée du sistre, au petit spéos d’Ibsamboul, une figure debout, Osiris dans la première cour de Médinét-Habou, Bîsou à Dendérah et au Gebel-Barkal.
À Karnak, dans l’édifice construit probablement par Harmhabi avec les débris d’un sanctuaire d’Amenhotpou II, le pilier est surmonté d’une gorge qu’un mince abaque séparé de l’architrave.
Abattant les quatre angles, on le transforme en un prisme octogonal ; puis, abattant les huit angles nouveaux, en un prisme à seize pans. C’est le type de certains piliers des tombeaux d’Assouân et de Beni-Hassan ; du promenoir de Thoutmos III, à Karnak, et des chapelles de Déir-el-Baharî.
À côté de ces formes régulièrement déduites on en remarque dont la dérivation est irrégulière, à six pans, à douze, à quinze, à vingt, ou qui aboutissent presque au cercle parfait. Les piliers du portique d’Osiris à Abydos sont au terme de la série ; le corps en offre une section curviligne à peine interrompue par une bande lisse aux deux extrémités d’un même diamètre. Le plus souvent les pans se creusent légèrement en cannelures ; parfois, comme à Kalabshéh, les cannelures sont divisées en quatre groupes de cinq par autant de bandes.
Le pilier polygonal a toujours un socle large et bas, arrondi en disque. À El-Kab, il porte une tête d’Hathor appliquée à la face antérieure.
Presque partout ailleurs, il est surmonté d’un simple tailloir carré qui le réunit à l’architrave. Ainsi constitué, il présente un air de famille avec la colonne dorique, et l’on comprend que Jomard et Champollion ont pu lui donner, dans l’enthousiasme de la découverte, le nom peu justifié de dorique primitif.
La colonne ne repose pas immédiatement sur le sol. Elle est toujours pourvue d’un socle analogue à celui du pilier polygonal, au profil tantôt droit, tantôt légèrement arrondi, nu ou sans autre ornement qu’une ligne d’hiéroglyphes. Les formes principales se ramènent à trois types : 1° la colonne à chapiteau en campane ; 2° la colonne à chapiteau en bouton de lotus ; 3° la colonne hathorique.
1° Colonne à chapiteau campaniforme. – D’ordinaire, le fût est lisse ou simplement gravé d’écriture et de bas-reliefs. Quelquefois pourtant, ainsi à Médamout, il est composé de six grandes et de six petites colonnettes alternées. Aux temps pharaoniques, il s’arrondit, par le bas, en bulbe décoré de triangles curvilignes enchevêtrés, simulant de larges feuilles ; la courbe est alors calculée de telle sorte que le diamètre inférieur soit sensiblement égal au diamètre supérieur. À l’époque ptolémaïque, le bulbe disparaît souvent, probablement sous l’influence des idées grecques : les colonnes qui bordent la première cour du temple d’Edfou s’enlèvent d’aplomb sur leur socle. Le fût subit toujours une diminution de la base au sommet. Il se termine par trois ou cinq plates-bandes superposées. À Médamout, où il est fasciculé, l’architecte a pensé sans doute qu’une seule attache au sommet paraîtrait insuffisante à maintenir les douze colonnettes, et il a indiqué deux autres anneaux de plates-bandes à intervalles réguliers. Le chapiteau, évasé en forme de cloche, est garni à la naissance d’une rangée de feuilles, semblables à celles de la base, et sur lesquelles s’implantent des tiges de lotus et de papyrus en fleurs et en boutons. La hauteur et la saillie sur le nu de la colonne varient au gré de l’architecte.
À Louxor, les campanes ont 3m,50 de diamètre à la gorge, 5m,50 à la partie supérieure, et une hauteur de 3m,50 ; à Karnak, dans la salle hypostyle, la hauteur est de 3m,75 et le plus grand diamètre de 21 pieds. Un de cubique surmonte le tout. Il est assez peu élevé et presque entièrement masqué par la courbure du chapiteau ; rarement, comme au petit temple de Dendérah, il s’élève et reçoit sur chaque face une figure du dieu Bîsou.
La colonne à chapiteau campaniforme se rencontre de préférence dans la travée centrale des salles hypostyles, à Karnak, au Ramesséum, à Louxor ; mais elle n’est pas restreinte à cet emploi, et on la voit dans les portiques, à Médinét-Habou, à Edfou, à Philae.
Le promenoir de Thoutmos III, à Karnak, en renferme une variété des plus curieuses : la campane est retournée, et la partie amincie du fût s’enfonce dans le socle, tandis que la partie la plus large se soude à l’évasement du chapiteau.
Cet arrangement disgracieux n’eut pas de succès ; on n’en trouve aucune trace hors du promenoir. D’autres innovations furent plus heureuses, celles surtout qui permirent aux artistes de grouper autour de la campane des éléments empruntés à la flore du pays. C’est d’abord, à Soleb, à Sesébî, à Bubaste, à Memphis, une bordure de palmes plantées droites sur les bandes plates et dont la tête se courbe sous le poids de l’abaque.
Plus tard, aux approches de l’époque ptolémaïque, des régimes de dattes et des lotus entr’ouverts vinrent s’ajouter aux branches de palmier.
Sous les Ptolémées et sous les Césars, le