Les trappeur de l'Arkansas. Gustave Aimard
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– C’est surtout comme père, dit-il, que mon cœur doit être sans pitié !… Rafaël est un assassin et un incendiaire, il n’est plus mon fils !
– Que prétendez-vous faire ? s’écria doña Jesusita avec effroi.
– Que vous importe, madame ? répondit brusquement don Ramon, le soin de mon honneur me regarde seul ; qu’il vous suffise de savoir que cette faute est la dernière que votre fils commettra.
– Oh ! fit-elle avec horreur, voulez-vous donc être son bourreau !…
– Je suis son juge, répliqua l’implacable gentilhomme d’une voix terrible. Nô Eusébio, préparez deux chevaux.
– Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria la pauvre femme en se précipitant vers son fils, qu’elle enlaça étroitement de ses bras, nul ne viendra-t-il donc à mon secours ?
Tous les assistants étaient émus. Don Ramon lui-même ne put retenir une larme.
– Oh ! s’écria la mère avec une joie folle, il est sauvé ! Dieu a amolli le cœur de cet homme de fer !
– Vous vous trompez, madame, interrompit don Ramon en la repoussant brusquement en arrière ; votre fils n’est plus à moi, il appartient à ma justice !
Alors, fixant sur son fils un regard froid comme une lame d’acier :
– Don Rafaël, dit-il d’une voix dont l’accent terrible fit malgré lui tressaillir le jeune homme, à compter de cet instant vous ne faites plus partie de cette société que vos crimes ont épouvantée ; c’est avec les bêtes fauves que je vous condamne à vivre et à mourir.
À cet arrêt terrible, doña Jesusita fit quelques pas en chancelant et tomba à la renverse.
Elle était évanouie.
Rafaël jusqu’à ce moment avait à grand-peine renfermé dans son cœur les émotions qui l’agitaient, mais à cette dernière péripétie, il ne put se contenir plus longtemps ; il s’élança vers sa mère en fondant en larmes et en poussant un cri déchirant :
– Ma mère ! ma mère !
– Venez ! lui dit don Ramon en lui posant la main sur l’épaule.
L’enfant s’arrêta, chancelant comme un homme ivre.
– Voyez, monsieur ! mais voyez donc ! s’écria-t-il avec un sanglot déchirant, ma mère se meurt !
– C’est vous qui l’avez tuée, répondit froidement l’hacendero.
Rafaël se retourna comme si un serpent l’avait piqué ; il lança à son père un regard d’une expression étrange, et les dents serrées, le front livide, il lui dit :
– Tuez-moi, monsieur, car je vous jure que de même que vous avez été sans pitié pour ma mère et pour moi, si je vis, je serai plus tard sans pitié pour vous !
Don Ramon lui jeta un regard de mépris.
– Marchons ! dit-il.
– Marchons ! répéta l’enfant d’une voix ferme.
Doña Jesusita, qui commençait à revenir à la vie, s’aperçut comme dans un rêve du départ de son fils.
– Rafaël ! Rafaël ! cria-t-elle d’une voix déchirante.
Le jeune homme hésita une seconde, puis d’un bond il se précipita sur elle, l’embrassa avec une tendresse folle, et rejoignant son père :
– Maintenant, je puis mourir, fit-il, j’ai dit adieu à ma mère !
Ils sortirent.
Les assistants, atterrés par cette scène, se séparèrent sans oser se communiquer leurs impressions, mais livrés à une profonde douleur.
Sous les caresses de son fils, la pauvre mère avait de nouveau perdu connaissance.
IV. La mère
Deux chevaux tenus en bride par nô Eusébio attendaient à la porte de l’hacienda.
– Accompagnerai-je votre seigneurie ? demanda le majordome.
– Non ! répondit sèchement l’hacendero.
Il se mit en selle, plaça son fils en travers devant lui.
– Rentrez ce second cheval, dit-il, je n’en ai pas besoin.
Et, enfonçant les éperons dans les flancs de sa monture qui hennit de douleur, il partit à fond de train.
Le majordome rentra dans la ferme en secouant tristement la tête.
Dès que l’hacienda eut disparu derrière un pli de terrain, don Ramon s’arrêta, sortit un mouchoir de soie de sa poitrine, banda les yeux de son fils sans lui adresser une parole, et repartit.
Cette course dura longtemps dans le désert ; elle avait quelque chose de lugubre, qui faisait froid à l’âme.
Ce cavalier vêtu de noir, glissant silencieusement dans les sables, emportant à l’arçon de sa selle un enfant garrotté, dont les tressaillements nerveux et les soubresauts révélaient seuls l’existence, avait un aspect fatal et étrange qui aurait imprimé la terreur à l’homme le plus brave.
Bien des heures se passèrent sans qu’un mot fût échangé entre le père et le fils ; le soleil commençait à baisser à l’horizon, quelques étoiles apparaissaient déjà dans le bleu sombre du ciel, le cheval courait toujours.
Le désert prenait d’instant en instant une apparence plus triste et plus sauvage ; toute trace de végétation avait disparu ; seulement çà et là des monceaux d’ossements blanchis par le temps marbraient le sable de taches livides, les oiseaux de proie tournaient lentement au-dessus du cavalier en poussant des cris rauques, et dans les profondeurs mystérieuses des chaparals, les bêtes fauves, aux approches du soir, préludaient par de sourds rugissements à leurs lugubres concerts.
Dans ces régions le crépuscule n’existe pas ; dès que le soleil a disparu, la nuit est complète.
Don Ramon galopait toujours.
Son fils ne lui avait pas adressé une prière, n’avait pas poussé une plainte.
Enfin, vers huit heures du soir, le cavalier s’arrêta. Cette course fiévreuse durait depuis dix heures. Le cheval râlait sourdement et trébuchait à chaque pas.
Don Ramon jeta un regard autour de lui ; un sourire de satisfaction plissa ses lèvres.
De tous les côtés, le désert déroulait ses immenses plaines de sable ; d’un seul les premiers plans d’une forêt vierge découpaient à l’horizon leur silhouette bizarre, qui tranchait d’une façon sinistre sur l’ensemble du paysage.
Don Ramon mit pied à terre, posa son fils sur le sable, ôta la bride de son cheval, afin qu’il pût manger la provende qu’il lui donna ; puis lorsqu’il se fut acquitté avec le plus grand sang-froid de ces divers devoirs, il s’approcha