La Pensée de l'Humanité. Tolstoy Leo

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La Pensée de l'Humanité - Tolstoy Leo

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avant ta mort. Mais si tu renonces d'avance à la lutte, tu renonces au sens fondamental de la vie.

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      L'être chez qui est absente la conscience de son unité avec Dieu et avec tout ce qui vit est sans péchés. Tels sont l'animal, la plante.

      Au contraire, l'homme reconnaît la présence simultanée en lui de la bête et de Dieu; c'est pourquoi il ne saurait être sans péchés. Nous disons que les enfants sont innocents. Ce n'est pas exact. L'enfant n'est pas innocent. Il a moins de péchés que l'adulte, mais il a déjà des péchés charnels. De même un homme de sainte vie n'est pas sans péchés. Un saint a commis moins de péchés, mais il en a commis quand même: sans péchés il n'y a pas de vie.

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      Pour s'habituer à lutter contre le péché, il est utile de cesser, de temps en temps, ses occupations habituelles, afin de voir si l'on est maître de son corps, ou si c'est le corps qui est le maître.

V. —L'importance des péchés, des tentations, des superstitions, et des fausses doctrines dans la manifestation de la vie spirituelle1

      Ceux qui croient que Dieu a créé le monde demandent souvent: pourquoi Dieu a-t-il créé l'homme tel qu'il soit obligé de pécher? Cela revient à demander pourquoi Dieu a créé la femme qui, pour avoir un enfant, doit souffrir, accoucher, l'allaiter, l'élever? Ne serait-ce pas plus simple si Dieu lui donnait des enfants tout faits, sans accouchement, sans allaitement, sans peines ni soucis? Aucune mère ne posera cette question, car l'enfant lui est cher précisément par ce que c'est dans les tourments de l'accouchement, de l'allaitement, de l'éducation, des soucis qu'était la plus grande joie de sa vie.

      Il en est de même de la vie humaine: les péchés, les tentations, les superstitions, la lutte et la victoire obtenue sur eux constituent tout le sens et toute la joie de la vie.

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      Il est très pénible à l'homme de connaître ses péchés: en revanche, il éprouve une grande joie à sentir qu'il s'en débarrasse. S'il n'y avait pas de nuit, nous ne pourrions pas nous réjouir à l'apparition du soleil; s'il n'y avait pas de péché, l'homme ne connaîtrait pas les joies d'une vie exemplaire.

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      Si l'homme n'avait pas d'âme, il ne connaîtrait pas les péchés; et s'il n'y avait pas de péchés, l'homme ne saurait pas qu'il possède une âme.

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      Les péchés, les tentations et les superstitions constituent le terreau qui doit recouvrir les semences de l'amour pour qu'elles puissent lever.

      CHAPITRE VII

      DES EXCÈS

      Le seul et unique bonheur de l'homme est dans l'amour. Mais il est privé de ce bien, lorsqu'au lieu de développer en lui l'amour, il augmente et encourage les exigences de son corps.

I. —Tout le superflu dont jouit le corps est nuisible, tant au corps qu'à l'âme1

      Il ne faut satisfaire les besoins du corps que dans les limites du nécessaire. Imaginer de nouveaux plaisirs pour le corps, c'est vivre à rebours, c'est-à-dire mettre l'âme au service du corps, au lieu du corps au service de l'âme.

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      Moins on a de besoins, plus la vie est heureuse; c'est là une ancienne vérité qui est loin d'être acceptée par tout le monde.

3

      Plus tu t'habitues au luxe, plus tu te soumets à la servitude; car plus tu auras de besoins, plus tu limiteras ta liberté. La liberté absolue consiste à n'avoir besoin de rien, et celle plus limitée est de n'avoir besoin que de peu.

JEAN CHRYSOSTOME.4

      On pèche envers les hommes et l'on pèche envers soi-même. Les péchés envers les hommes viennent de ce qu'on ne respecte pas l'Esprit Divin chez son semblable. Les péchés envers soi-même, de ce qu'on ne respecte pas l'Esprit Divin en soi-même.

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      Si tu veux vivre tranquille et libre, déshabitue-toi de ce dont tu peux te passer.

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      Tout ce qui est nécessaire au corps est facile à obtenir. Il n'est difficile de se procurer que ce qui n'est pas nécessaire.

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      C'est bon d'avoir ce qu'on désire; mais c'est mieux de ne rien désirer de plus de ce qu'on a.

MENEDEM.8

      Si tu te portes bien et que tu as travaillé jusqu'à sentir la fatigue, l'eau et le pain te paraîtront meilleurs qu'au riche ses mets choisis, ta paillasse plus moelleuse que tous les lits à ressorts, et ta blouse de travail te sera plus agréable que tous les vêtements de velours.

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      Socrate s'abstenait de toute nourriture qui flattait, seulement le goût, ne mangeait que juste pour satisfaire sa faim, et recommandait à ses élèves de suivre son exemple. Il disait que les excès de boisson et de nourriture étaient très nuisibles non seulement au corps, mais aussi à l'âme, et il conseillait de sortir de table ayant encore faim. Il leur rappelait l'histoire du sage Ulysse et de la fée Circé qui n'a pu ensorceler Ulysse uniquement parce qu'il n'avait pas mangé à l'excès, alors que tous ses compagnons furent métamorphosés par elle en pourceaux dès qu'ils se sont empiffrés de mets délicats.

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      La plupart des hommes d'aujourd'hui sont persuadés que le bonheur est de flatter les exigences corporelles. Cet état d'esprit est révélé par l'extension de la doctrine socialiste. D'après cette doctrine, l'homme dont les besoins sont peu développés est une brute, tandis que l'accroissement des besoins est le premier indice de l'homme civilisé, indice de la conscience de sa dignité. Les hommes de notre temps ont à tel point foi en cette fausse doctrine qu'ils ne font que railler les sages qui voyaient le bien de l'homme dans la diminution de ses besoins.

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      Voyez comment voudrait vivre l'esclave. Il veut, tout d'abord, qu'on le mette en liberté. Il pense que, sans cela, il ne peut être ni libre, ni heureux. Il dit: «Si on m'avait donné la liberté, j'aurais été immédiatement heureux. Je ne serais plus obligé d'exécuter les caprices, ni de gagner les bonnes grâces de mon maître; je pourrais parler à qui me plaira, comme à mon égal; je pourrais aller où je voudrais sans eu demander la permission à personne.»

      Mais aussitôt qu'il est en liberté, il se met à chercher qui il pourrait bien flatter pour mieux dîner. Pour y parvenir, il est prêt à toutes les bassesses. Et dès qu'il réussit à s'installer auprès d'un homme riche, il retombe dans le même esclavage que celui d'où il voulait tant sortir.

      Lorsqu'un tel homme commence à s'enrichir, il prend une maîtresse et retombe auprès d'elle dans une servitude pire encore. Riche, il possède moins de liberté encore, et alors il souffre et pleure. Et lorsqu'il est très malheureux, il se rappelle sa servitude d'autrefois et dit: «Je n'étais vraiment pas mal chez mon maître. Je n'avais aucun souci, j'étais vêtu, chaussé, nourri, et lorsque j'étais malade on me soignait. Le travail n'était pas trop difficile. Tandis que maintenant, j'ai tant à faire. Je n'avais alors qu'un seul maître; maintenant, j'en ai un grand nombre. Que de gens à satisfaire!»

ÉPICTÈTE.II. —L'Insatiabilité des passions charnelles1

      Pour entretenir la vie, notre corps a besoin de peu; tandis que les caprices de notre corps ne peuvent jamais être contentés.

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      Flatter le corps, lui assurer le superflus, est une grande erreur. En effet, la vie de luxe n'augmente pas, mais diminue le plaisir de manger, de se reposer, de dormir, de s'habiller, de se loger. Si l'on mange trop, ou sans avoir faim, l'estomac se délabre et on n'a pas de goût à la nourriture. Si l'on roule en voiture quand il est facile de faire le même trajet

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