Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

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Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855 - Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

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écrire. Son cousin, moins âgé que lui de vingt et un ans, apprécia vite sa bonté unie à une réelle fermeté; il le révéra et l'aima comme un père, et rien ne touche autant dans ces Mémoires que l'expression sincère et délicate de ses sentiments de respectueuse affection.

      Lorsque J. de Bonnefoux entra dans la Marine, au mois de juin 1798, en qualité de novice à bord de la Fouine, il apportait donc avec lui de longues traditions d'honneur et de patriotisme. Formé à l'école des hommes du XVIIIe siècle, il conserva en outre toujours cette première empreinte.

      Néanmoins il ne tarda pas à se trouver dans un milieu nouveau pour lui, milieu qui lui fut très sympathique et dont il subit l'influence. Promu aspirant de première classe, à la suite d'un brillant examen, le 13 avril 1799, il eut pour camarades des jeunes gens intelligents et instruits, pleins d'ardeur et qui lui inspirèrent l'amour du métier de marin.

      Dans aucun corps, on le sait, l'émigration n'avait été aussi générale que dans la Marine6. Nulle part ailleurs, d'autre part, l'instruction technique des chefs, leur habitude du commandement, leur supériorité incontestée d'éducation importe davantage; car le salut commun dépend de la confiance réciproque et complète des officiers dans les matelots, des matelots dans les officiers.

      L'émigration désorganisa donc la Marine française qui s'était couverte de gloire pendant la guerre de l'Indépendance d'Amérique. Le corps d'officiers de la Révolution souffrait du défaut de cohésion. Quelques-uns appartenaient à l'ancienne Marine; d'autres en grand nombre servaient autrefois en qualité d'officiers auxiliaires ou de pilotes; les derniers enfin sortaient de la Marine marchande, marins consommés pour la plupart, mais ne sachant pas naviguer en escadre.

      La principale cause de nos revers doit cependant être cherchée, en dehors des embarras financiers, dans l'indiscipline des équipages, leur insuffisance numérique et leur peu d'expérience.

      Si donc la Révolution ne put pas improviser une Marine, l'avenir ne s'annonçait pas sous de trop sombres couleurs à la fin du Directoire et au début du Consulat. Car les officiers des grades les moins élevés et les aspirants recrutés tous par la voie de l'examen, se faisaient remarquer par leur mérite et leur ardent amour du pays. Appartenant pour la plupart à la bourgeoisie aisée des villes du littoral, ils ne le cédaient en rien à ceux de leurs contemporains qui luttèrent contre l'Europe sur les champs de bataille de la Révolution et de l'Empire.

      J. de Bonnefoux avait l'âme trop généreuse et l'esprit trop élevé pour ne pas rendre justice aux qualités des jeunes gens, dont il partageait les dangers et les travaux. C'est avec une franche admiration et une vive reconnaissance qu'il parle d'Augier, aspirant à bord du vaisseau le Jean-Bart, et plus tard de Delaporte, lieutenant de vaisseau de la Belle-Poule. Ils contribuèrent à faire de lui un excellent officier, observateur de premier ordre, manœuvrier habile, plein de zèle et de sang-froid. Le premier atteignait à peine vingt ans, le second à peine vingt-cinq.

      En qualité d'aspirant de première classe, J. de Bonnefoux servit sur le vaisseau le Jean-Bart, la corvette la Société populaire, le vaisseau le Dix-Août, le cutter le Poisson-Volant et de nouveau sur le Dix-Août, placé sous les ordres de Bergeret, l'ancien et célèbre commandant de la Virginie, l'un des plus jeunes et l'un des meilleurs capitaines de vaisseau de cette époque. De 1799 à 1802, il navigua d'une façon constante soit sur les côtes de l'Océan ou de la Manche, soit dans la Méditerranée, dans laquelle il fit deux campagnes, la première avec l'escadre de l'amiral Bruix en 1799, la seconde avec celle de l'amiral Ganteaume qui, chargé, à la fin de l'année 1800, de porter des secours à l'armée française d'Égypte, échoua dans cette mission. Ce fut pendant cette dernière campagne que J. de Bonnefoux vit le feu pour la première fois. Le 24 avril 1801, il prit part au combat soutenu par le Dix-Août contre le vaisseau anglais Swiftsure. À la fin de la lutte pendant laquelle il s'était tenu aux côtés du commandant sur le banc de quart, ou avait rempli avec rapidité et intelligence diverses missions dans la batterie ou dans la mâture, il s'entendit dire avec joie les paroles suivantes par M. Le Goüardun, qui avait succédé à Bergeret: «Vous êtes un brave garçon, et je demanderai pour vous le grade d'enseigne de vaisseau.»

      La paix d'Amiens survint, le Dix-Août rejoignit à Saint-Domingue l'escadre de l'amiral Villaret-Joyeuse; mais il ne tarda pas à rentrer à Brest, où M. de Bonnefoux, capitaine de vaisseau, adjudant général du port, fonction à laquelle correspond aujourd'hui celle de major général, remit à son cousin, avec une joie toute paternelle, son brevet d'enseigne, daté du 24 avril 1802.

      Les années qui suivirent comptèrent parmi les plus heureuses de la vie de J. de Bonnefoux. Il eut la grande joie de faciliter à son tour l'entrée dans la Marine à son jeune frère Laurent, qui, à peine âgé de quatorze ans, s'engagea comme novice et subit avec succès, quelques mois après, l'examen d'aspirant de seconde classe, grâce aux leçons et à l'exemple de son aîné. Ce dernier, embarqué sur la frégate la Belle-Poule, reçut entre autres missions celle de diriger l'instruction des aspirants, parmi lesquels figurait son frère.

      Un excellent officier, le capitaine de vaisseau Bruillac, commandait la Belle-Poule nom illustre dans les fastes de la guerre de l'Indépendance d'Amérique. Cette frégate, nouvellement construite et d'une marche excellente, appartenait à la division du contre-amiral Linois, le vainqueur d'Algésiras, division qui comprenait de plus le vaisseau-amiral, le Marengo, et les frégates l'Atalante et la Sémillante. Partie de Brest au mois de mars 1803, avant la rupture de la paix d'Amiens, l'escadre allait reprendre possession des établissements français de l'Inde. Elle portait avec le général de division Decaen, nommé capitaine-général des colonies placées au-delà du cap de Bonne-Espérance, un grand nombre de fonctionnaires et d'officiers. Je n'ai pas à raconter ici l'arrivée à Pondichéry, les atermoiements des autorités anglaises, qui connaissaient la reprise des hostilités, la façon dont l'escadre française échappa aux pièges de l'ennemi, les opérations contre Bencoolen, la recherche du convoi de Chine, sa rencontre et le lamentable échec qui suivit. Ces Mémoires jettent beaucoup de lumière sur tous ces faits et sur les longues croisières qui causèrent un sérieux préjudice au commerce anglais et ne furent pas sans gloire. Je me permets seulement de signaler le dramatique récit de la poursuite, entre Achem et les îles Andaman, de l'Héroïne par un vaisseau anglais de soixante-quatorze canons. Le commandant et le second de l'Héroïne, deux aspirants de la Belle-Poule, ayant l'un et l'autre moins de vingt ans, Rozier et Lozach, montrèrent, dans cette journée, autant d'habileté que de courage. Leurs noms méritent d'être tirés de l'oubli.

      On sait comment finit la campagne de l'amiral Linois. Trois ans après son départ de Brest, le 13 mars 1806, l'escadre, réduite au Marengo et à la Belle-Poule, rencontra, à la hauteur des Açores, neuf navires que l'amiral s'obstina, malgré les objections du commandant Bruillac, à prendre pour des vaisseaux de la Compagnie des Indes. C'était l'escadre de l'amiral Warren et, après un dernier et glorieux combat, le Marengo et la Belle-Poule succombèrent. Ici encore M. de Bonnefoux apprend beaucoup de faits nouveaux et raconte de nombreux actes d'héroïsme, dus à d'obscurs matelots bretons.

      La Belle-Poule prise, la fortune avait prononcé contre J. de Bonnefoux. La captivité interrompait brusquement cette carrière, commencée sous des auspices si heureux et qui s'annonçait si belle. Pendant cinq ans il lui fallut vivre dans les cautionnements de Thames, d'Odiham, de Lichfield, ou sur le ponton le Bahama, en rade de Chatham. «On appelait cautionnement, lisons-nous dans les Mémoires, les petites villes où étaient les divers dépôts d'officiers prisonniers, qui avaient la permission d'y résider après s'être engagés sur leur parole d'honneur à ne pas s'en écarter à plus d'un mille de distance, à rentrer tous les soirs chez eux au coucher du soleil et à comparaître deux fois par semaine devant un commissaire du Gouvernement. L'Angleterre accordait

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<p>6</p>

Sur les officiers de Marine émigrés qui servaient comme dragons dans l'armée des princes, voyez un passage très beau et très ému de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, édition Biré, t. II, p. 56.