La Comédie humaine - Volume 02. Honore de Balzac

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La Comédie humaine - Volume 02 - Honore de Balzac

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duchesse de Maufrigneuse et madame d'Espard regardèrent d'abord ma mère, puis le baron, d'un air pétillant, narquois, rusé, plein d'interrogations contenues. Ces fines couleuvres ont fini par entrevoir quelque chose. De toutes les choses secrètes, l'amour est la plus publique, et les femmes l'exhalent, je crois. Aussi, pour le bien cacher, une femme doit-elle être un monstre! Nos yeux sont encore plus bavards que ne l'est notre langue. Après avoir joui du délicieux plaisir de trouver Felipe aussi grand que je le souhaitais, j'ai naturellement voulu davantage. J'ai fait alors un signal convenu pour lui dire de venir à ma fenêtre par le dangereux chemin que tu connais. Quelques heures après, je l'ai trouvé droit comme une statue, collé le long de la muraille, la main appuyée à l'angle du balcon de ma fenêtre, étudiant les reflets de la lumière de mon appartement. — Mon cher Felipe, lui ai-je dit, vous avez été bien ce soir: vous vous êtes conduit comme je me serais conduite moi-même si l'on m'eût appris que vous faisiez un mariage. — J'ai pensé que vous m'eussiez instruit avant tout le monde, a-t-il répondu. — Et quel est votre droit à ce privilége? — Celui d'un serviteur dévoué. — L'êtes-vous vraiment? — Oui, dit-il; et je ne changerai jamais. — Eh bien, si ce mariage était nécessaire, si je me résignais... La douce lueur de la lune a été comme éclairée par les deux regards qu'il a lancés sur moi d'abord, puis sur l'espèce d'abîme que nous faisait le mur. Il a paru se demander si nous pouvions mourir ensemble écrasés; mais, après avoir brillé comme un éclair sur sa face et jailli de ses yeux, ce sentiment a été comprimé par une force supérieure à celle de la passion. — L'Arabe n'a qu'une parole, a-t-il dit d'une voix étranglée. Je suis votre serviteur, et vous appartiens: je vivrai toute ma vie pour vous. La main qui tenait le balcon m'a paru mollir, j'y ai posé la mienne en lui disant: Felipe, mon ami, je suis par ma seule volonté votre femme dès cet instant. Allez me demander dans la matinée à mon père. Il veut garder ma fortune; mais vous vous engagerez à me la reconnaître au contrat sans l'avoir reçue, et vous serez sans aucun doute agréé. Je ne suis plus Armande de Chaulieu; descendez promptement, Louise de Macumer ne veut pas commettre la moindre imprudence. Il a pâli, ses jambes ont fléchi, il s'est élancé d'environ dix pieds de haut à terre sans se faire le moindre mal; mais, après m'avoir causé la plus horrible émotion, il m'a saluée de la main et a disparu. Je suis donc aimée, me suis-je dit, comme une femme ne le fut jamais! Et je me suis endormie avec une satisfaction enfantine; mon sort était à jamais fixé. Vers deux heures mon père m'a fait appeler dans son cabinet où j'ai trouvé la duchesse et Macumer. Les paroles s'y sont gracieusement échangées. J'ai tout simplement répondu que, si monsieur Hénarez s'était entendu avec mon père, je n'avais aucune raison de m'opposer à leurs désirs. Là-dessus, ma mère a retenu le baron à dîner; après quoi nous avons été tous quatre nous promener au bois de Boulogne. J'ai regardé très-railleusement monsieur de Marsay quand il a passé à cheval, car il a remarqué Macumer et mon père sur le devant de la calèche.

      Mon adorable Felipe a fait ainsi refaire ses cartes:

Hénarez, Des ducs de Soria, baron de Macumer

      Tous les matins il m'apporte lui-même un bouquet d'une délicieuse magnificence, au milieu duquel je trouve toujours une lettre qui contient un sonnet espagnol à ma louange, fait par lui pendant la nuit.

      Pour ne pas grossir ce paquet, je t'envoie comme échantillon le premier et le dernier de ses sonnets, que je t'ai traduits mot à mot en te les mettant vers par vers.

PREMIER SONNET

      Plus d'une fois, couvert d'une mince veste de soie, — l'épée haute sans que mon cœur battît une pulsation de plus, — j'ai attendu l'assaut du taureau furieux, — et sa corne plus aiguë que le croissant de Phœbé.

      J'ai gravi, fredonnant une seguidille andalouse, — le talus d'une redoute sous une pluie de fer; — j'ai jeté ma vie sur le tapis vert du hasard — sans plus m'en soucier que d'un quadruple d'or.

      J'aurais pris avec la main les boulets dans la gueule des canons; — mais je crois que je deviens plus timide qu'un lièvre aux aguets; — qu'un enfant qui voit un spectre aux plis de sa fenêtre.

      Car, lorsque tu me regardes avec ta douce prunelle, — une sueur glacée couvre mon front, mes genoux se dérobent sous moi, — je tremble, je recule, je n'ai plus de courage.

DEUXIÈME SONNET

      Cette nuit, je voulais dormir pour rêver de toi; — mais le sommeil jaloux fuyait mes paupières; — je m'approchai du balcon, et je regardai le ciel: — lorsque je pense à toi mes yeux se tournent toujours en haut.

      Phénomène étrange, que l'amour peut seul expliquer, — le firmament avait perdu sa couleur de saphir; — les étoiles, diamants éteints dans leur monture d'or, — ne lançaient que des œillades mortes, des rayons refroidis.

      La lune, nettoyée de son fard d'argent et de lis, — roulait tristement sur le morne horizon, car tu as dérobé au ciel toutes ses splendeurs.

      La blancheur de la lune luit sur ton front charmant, — tout l'azur du ciel s'est concentré dans tes prunelles, et tes cils sont formés par les rayons des étoiles.

      Peut-on prouver plus gracieusement à une jeune fille qu'on ne s'occupe que d'elle? Que dis-tu de cet amour qui s'exprime en prodiguant les fleurs de l'intelligence et les fleurs de la terre? Depuis une dizaine de jours, je connais ce qu'est cette galanterie espagnole si fameuse autrefois.

      Ah çà, chère, que se passe-t-il à la Crampade, où je me promène si souvent en examinant les progrès de notre agriculture? N'as-tu rien à me dire de nos mûriers, de nos plantations de l'hiver dernier? Tout y réussit-il à tes souhaits? Les fleurs sont-elles épanouies dans ton cœur d'épouse en même temps que celles de nos massifs? je n'ose dire de nos plates-bandes. Louis continue-t-il son système de madrigaux? Vous entendez-vous bien? Le doux murmure de ton filet de tendresse conjugale vaut-il mieux que la turbulence des torrents de mon amour? Mon gentil docteur en jupon s'est-il fâché? Je ne saurais le croire, et j'enverrais Felipe en courrier se mettre à tes genoux et me rapporter ta tête ou mon pardon s'il en était ainsi. Je fais une belle vie ici, cher amour, et je voudrais savoir comment va celle de Provence. Nous venons d'augmenter notre famille d'un Espagnol coloré comme un cigare de la Havane, et j'attends encore tes compliments.

      Vraiment, ma belle Renée, je suis inquiète, j'ai peur que tu ne dévores quelques souffrances pour ne pas en attrister mes joies, méchante! Écris-moi promptement quelques pages où tu me peignes ta vie dans ses infiniment petits, et dis-moi bien si tu résistes toujours, si ton libre arbitre est sur ses deux pieds ou à genoux, ou bien assis, ce qui serait grave. Crois-tu que les événements de ton mariage ne me préoccupent pas? Tout ce que tu m'as écrit me rend parfois rêveuse. Souvent, lorsqu'à l'Opéra je paraissais regarder des danseuses en pirouette, je me disais: Il est neuf heures et demie, elle se couche peut-être, que fait-elle? Est-elle heureuse? Est-elle seule avec son libre arbitre? ou son libre arbitre est-il où vont les libres arbitres dont on ne se soucie plus?.. Mille tendresses.

       XXV

      RENÉE DE L'ESTORADE A LOUISE DE CHAULIEU

Octobre.

      Impertinente! pourquoi t'aurais-je écrit? que t'eussé-je dit? Durant cette vie animée par les fêtes, par les angoisses de l'amour, par ses colères et par ses fleurs que tu me dépeins, et à laquelle j'assiste comme à une pièce de théâtre bien jouée, je mène une vie monotone et réglée à la manière d'une vie de couvent. Nous sommes toujours couchés à neuf heures et levés au jour. Nos repas sont toujours servis avec une exactitude désespérante. Pas le plus

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