Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I. Bussy Roger de Rabutin

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Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome I - Bussy Roger de Rabutin

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pardon d'avoir été assez malheureux pour lui déplaire.

      «Depuis ce temps-là n'ayant vu ni le lieutenant criminel ni aucun autre juge, j'ai bien cru qu'une si noire et ridicule calomnie n'avoit fait aucune impression dans un esprit aussi clairvoyant et aussi difficile à surprendre que celui du roi.

      «Mais, Monsieur, personne ne connoît si bien que vous la fausseté de cette accusation; car, outre que vous voyez, comme tout le monde, le peu d'apparence qu'il y a, c'est que vous avez été plusieurs fois témoin de la tendresse (j'ose dire ainsi), du profond respect, de l'estime extraordinaire, et même de l'admiration que j'ai pour le roi. Je vous ai souvent dit que je le voyois tous les jours, que je l'étudiois, et que tous les jours il me surprenoit par des qualités merveilleuses que je découvrois en lui. Vous pouvez vous souvenir, Monsieur, qu'un jour, transporté de mon zèle, je vous dis que, puisque la paix ne me permettoit plus de hazarder ma vie pour son service, je voulois le servir d'une autre manière, et que, comme un des capitaines d'Alexandre avoit écrit l'histoire de son maître, il me sembloit qu'il étoit juste qu'un des principaux officiers des armées du roi écrivît une aussi belle vie que la sienne. Je vous priai de le dire à Sa Majesté, Monsieur, et quelque temps après vous me dîtes la réponse qu'elle vous avoit faite, dans laquelle sa modestie me parut admirable. Après cela, Monsieur, peut-on m'attaquer sur le manque de respect à mon maître, et ne croyez-vous pas que, si mes ennemis avoient sçu tous les témoignages particuliers que je vous ai si souvent donnez de mon zèle extraordinaire pour la personne de Sa Majesté, et que vous avez eu la bonté de lui faire connoître, ne croyez-vous pas, dis-je, qu'ils auroient cherché d'autres foibles en moi que celui-là? Je n'en doute point, Monsieur; mais Dieu a confondu leur malice; vous verrez qu'ils n'auront fait autre chose que de m'avoit donné un honnête prétexte, en vous écrivant ceci, de faire souvenir le roi de tous les sentimens où vous m'avez vu pour Sa Majesté.

      «Cependant, Monsieur, j'attends avec une extrême résignation à ses volontés la grâce de ma liberté, et j'ai d'ailleurs un si grand déplaisir d'avoir offensé les personnes qui ne m'en avoient jamais donné de sujet, que, si ma prison ne leur paroissoit pas une assez rude pénitence, je serai toujours prêt à faire tout ce qu'elles souhaiteront de moi pour leur entière satisfaction, leur étant infiniment obligé quand elles me pardonneront, et ne leur sçachant pas mauvais gré quand elles ne le feront pas.

      «Je sçais bien qu'il y a dans mon procédé plus d'imprudence que de malice; mais l'innocence de mes intentions ne console pas les gens que j'assassine, puis qu'ils sont aussi bien assassinés que si j'en avois eu le dessein.

      «Ce que l'on peut dire en deux mots de tout ceci, c'est que le public en me condamnant doit me plaindre, mais que les offensés peuvent me haïr avec raison.

      «Voilà, Monsieur, ce que j'ai cru vous devoir apprendre de mes affaires, pour vous montrer par le libre aveu que je fais de ma faute, et le grand repentir que j'en ai, combien je suis éloigné d'en commettre jamais de pareilles, ni de fâcher qui que ce soit mal à propos.

      «Mais vous allez encore mieux voir, par le raisonnement que je vais faire, combien je suis persuadé qu'il ne faut jamais rien écrire contre personne: car, si l'on n'écrit que pour soi, c'est comme si l'on le pensoit, et ceci est bien le plus sûr; si c'est pour le montrer à quelqu'un, il est infaillible qu'on le sçaura tôt ou tard; si la chose est mal écrite, elle fera de la honte; s'il y a de l'esprit, elle fera des ennemis. Cela est tout au moins inutile s'il est secret, et dangereux s'il est public. – Mais ce que je devois dire devant toutes choses, c'est qu'en attirant la colère de Dieu et celle du roi, cela expose aux querelles, aux prisons et autres disgrâces. Si je ne vous connoissois bien, Monsieur, j'appréhenderois qu'en vous paroissant aussi coupable que je le suis, cela ne me fît perdre votre estime et votre amitié; mais je n'en suis point en peine, parce que je sçais que vous connoissez le fond de mon cœur, que vous sçavez qu'il y a des gens plus long-temps jeunes que d'autres, et que, si j'ai été de ceux-là, les mauvais succès et les châtimens que j'ai eus vous doivent empêcher de douter que je ne sois changé.»

      LIVRE PREMIER

      Sous le règne de Louis XIV, la guerre, qui duroit depuis vingt ans2, n'empêchoit point qu'on ne fît quelquefois l'amour; mais, comme la cour n'étoit remplie que de vieux cavaliers insensibles, ou de jeunes gens nés dans le bruit des armes et que ce métier avoit rendus brutaux, cela avoit fait la plupart des dames un peu moins modestes qu'autrefois, et, voyant qu'elles eussent langui dans l'oisiveté si elles n'eussent fait des avances, ou du moins si elles eussent été cruelles, il y en avoit beaucoup de pitoyables, et quelques unes d'effrontées.

Portrait de madame d'Olonne 3

      Madame d'Olonne étoit de ces dernières. Elle avoit le visage rond, le nez bien fait, la bouche petite, les yeux brillans et fins, et les traits délicats. Le rire, qui embellit tout le monde, faisoit en elle un effet tout contraire. Elle avoit les cheveux d'un châtain clair, le teint admirable, la gorge, les mains et les bras bien faits; elle avoit la taille grossière, et, sans son visage, on ne lui auroit pas pardonné son air. Cela fit dire à ses flatteurs, quand elle commença à paroître, qu'elle avoit assurément le corps bien fait; qui est ce que disent ordinairement ceux qui veulent excuser les femmes qui ont trop d'embonpoint. Cependant celle-ci fut trop sincère en cette rencontre pour laisser les gens dans l'erreur; elle éclaircit du contraire qui voulut, et il ne tint pas à elle qu'elle ne désabusât tout le monde.

      Madame d'Olonne avoit l'esprit vif et plaisant quand elle étoit libre; elle étoit peu sincère, inégale, étourdie, peu méchante; elle aimoit les plaisirs jusques à la débauche, et il y avoit de l'emportement dans ses moindres divertissemens. Sa beauté, autant que son bien, quoiqu'il ne fût pas médiocre, obligea d'Olonne4 à la rechercher en mariage. Cela ne dura pas long-temps: d'Olonne, qui étoit homme de qualité et de grands biens, fut reçu agréablement de madame de la Louppe, et il n'eut pas le loisir de soupirer pour des charmes qui avoient fait deux ans durant tous les souhaits de toute la cour. Ce mariage étant achevé, les amans qui avoient voulu être mariés se retirèrent, et il en revint d'autres qui ne vouloient être qu'aimés. L'un des premiers qui se présenta fut Beuvron, à qui le voisinage de madame d'Olonne donnoit plus de commodité de la voir. Cette raison fut cause qu'il l'aima assez long-temps sans qu'on s'en aperçût, et je crois que cet amour eût toujours été caché si Beuvron n'eût jamais eu des rivaux; mais le duc de Candale, étant devenu amoureux de madame d'Olonne, découvrit bientôt ce qui demeuroit caché faute de gens intéressés. Ce n'est pas que d'Olonne n'aimât sa femme; mais les maris s'apprivoisent, et jamais les amants; et la jalousie de ceux-ci est mille fois plus pénétrante que celle des autres. Cela fit donc que le duc de Candale vit des choses que d'Olonne ne voyoit pas, et qu'il n'a jamais vues, car il est encore à savoir que Beuvron ait aimé sa femme.

Portrait de M. de Beuvron

      Beuvron5 avoit les yeux noirs, le nez bien fait, la bouche petite et le visage long, les cheveux fort noirs, longs et épais, la taille belle. Il avoit assez d'esprit; ce n'étoit pas de ces gens qui brillent dans les conversations, mais il étoit homme de bon sens et d'honneur, quoique naturellement il eût aversion pour la guerre. Étant donc devenu amoureux de madame d'Olonne, il chercha les moyens de lui découvrir son amour. Leur voisinage à Paris lui en donnoit assez d'occasions; mais la légèreté qu'elle témoignoit en toute chose lui faisoit appréhender de s'embarquer avec elle. Enfin, s'étant trouvé un jour tête-à-tête: «Si je ne voulois, lui dit-il, Madame, que vous faire savoir que je vous aime, je n'aurois que faire de vous parler, mes soins et mes regards vous ont assez dit ce que je sens pour vous; mais, comme il faut, Madame, que vous répondiez un jour à ma passion, il est nécessaire que je la découvre, et que je vous assure en même temps que, soit que vous m'aimiez ou que vous ne m'aimiez pas, je suis résolu de vous aimer toute ma vie.»

      Beuvron ayant cessé de parler:

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Nous avons dit dans l'Introduction vers quel temps Bussy composa son ouvrage et à quelle époque successivement remontent les événements dont il se fait l'historien.

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Madame d'Olonne est l'héroïne d'un pamphlet fort vilain et fort peu littéraire qu'on a eu bien tort d'attribuer à Bussy-Rabutin: la Comédie galante de M. D. B. Cologne, Pierre Marteau (Hollande), petit in-12 de 34 pages.

Madame d'Olonne (Catherine-Henriette d'Angennes), parente du marquis de Rambouillet, étoit l'aînée des deux filles du baron de La Loupe. Avant son mariage, «elle estoit jolie, dit Retz (Mémoires, p. 341 de l'édition Michaud); elle estoit belle, elle estoit précieuse par son air et par sa modestie.» Mademoiselle de La Vergne, celle qui fut madame de La Fayette, en avoit fait son amie; elle étoit choyée au Luxembourg, et mademoiselle de Montpensier la distinguoit, quoiqu'elle ne brillât peut-être pas par l'originalité de son esprit. Dès 1652, Guy Joly, d'accord avec Retz, la désigne comme «l'une des plus belles personnes de France». Retz faisoit plus que de la trouver jolie et précieuse: un peu dégoûté de mademoiselle de Chevreuse, il entreprenoit, à la faveur de l'accueil qu'on lui faisoit chez madame de La Vergne la mère, de s'insinuer le plus avant possible dans les bonnes grâces de cette belle personne. Rendez-vous obtenu à force de prières, mais rendez-vous bien inutile, «ce qui doit estonner, dit le vaincu, ceux qui n'ont point connu mademoiselle de La Loupe et qui n'ont ouï parler que de madame d'Olonne.» Précieuse donc et à la façon des plus effarouchées, mademoiselle de La Loupe, avant son mariage, étoit une personne en bon point de renommée. Je ne vois pas pourquoi M. Walckenaer (t. 1, p. 357) croit que Beuvron étoit intimement lié avec elle dès ce moment-là.

Le 3 mars 1652, le beau poète Loret écrit dans sa Gazette:

D'Olonne aspire à l'hyménéeDe la belle Loupe l'aînée,Et l'on croit que dans peu de joursIls jouiront de leurs amours.

Le mariage eut lieu peu de temps après. V. Montpensier, t. 2, p. 246 de la Collection Petitot.

Ce n'est toutefois qu'en 1656 que mademoiselle de Montpensier parle du bruit que «commençoit à faire» la beauté de madame d'Olonne; mais les souvenirs de mademoiselle sont quelquefois un peu confus, et d'ailleurs on peut admettre qu'elle attache une idée fâcheuse au mot bruit.

À peine mariée, notre belle dame laisse son mari auprès du roi, et chevauche parmi les hardies frondeuses (Montpensier, t. 2, p. 245). Le temps n'est pas venu où madame de Sévigné écrira (13 novembre 1675): «Le nom d'Olonne est trop difficile à purifier»; où l'on chantera:

La d'OlonneN'est plus bonneQu'à ragoutter les laquais;

(Ms. 444, Suppl. Bibl nat.)

où La Bruyère (t. 1, p. 203 de l'édit. Jannet) dira: «Claudie attend pour l'avoir qu'il soit dégoûté de Messaline.» Il s'agit de Baron; Claudie, c'est madame de la Ferté; Messaline, c'est madame d'Olonne. Nous sommes en 1652, à la date du mariage, et Baron n'est pas encore né. Son acte de naissance, cité par M. Taschereau (Vie de Molière, 3e éd., p. 249), le fait naître le 8 octobre 1653. Quant à la maréchale de la Ferté, on sait que sous ce nom tristement célèbre il faut reconnoître mademoiselle de La Loupe la cadette, celle que Saint-Simon a si souvent fouettée. Elle étoit belle aussi et le fut long-temps. Les deux sœurs vécurent jusqu'en 1714, et jouirent à leur aise de leur gloire.

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Louis de la Trémoille, comte d'Olonne, avoit été arrêté sous la Fronde, en 1649, «comme il se vouloit sauver habillé en laquais» (Retz, p. 100). Il est mort en 1686. Boisrobert s'étoit moqué de lui de bonne heure; on s'en moqua plus cruellement lorsque sa femme eut rendu publiques ses infortunes. Avec Saint-Evremont et Sablé Bois-Dauphin, il se consoloit en fondant l'ordre des Coteaux, dont Boileau nous a conservé le souvenir. La Bruyère, à ce point de vue, l'a peint sous le nom de Cliton le fin gourmet (t. 2, p. 93). À un autre point de vue, Racine a parlé de lui dans cette jolie épigramme faite sur Andromaque:

Le vraisemblable est peu dans cette pièce,Si l'on en croit et d'Olonne et Créqui:Créqui dit que Pyrrhus aime trop sa maîtresse,D'Olonne qu'Andromaque aime trop son mari.

À l'article de la mort, un prêtre nommé Cornouaille lui offre ses services. L'anecdote veut qu'il se soit écrié avec quelque colère: «Serai-je encornaillé jusqu'à la mort?»

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François d'Harcourt, deuxième du nom, marquis de Beuvron, né le 15 octobre 1598, mort à Paris le 30 janvier 1658, enfant d'honneur de Louis XIII, adversaire de Boutteville dans un duel fameux, avoit deux fils, qui furent notre marquis et le comte de Beuvron.

Saint-Simon, en 1705 (t. 4, p. 437, de la nouvelle édition Chéruel), dit dans ses Mémoires: «M. de Beuvron, chevalier de l'ordre et lieutenant-général de Normandie, mourut à plus de quatre-vingts ans, chez lui, à la Meilleraye, avec la consolation d'avoir vu son fils Harcourt arrivé à la plus haute et à la plus complète fortune, et son autre fils, Sézanne, en chemin d'en faire une, et déjà chevalier de la Toison-d'Or. On a vu comment elle étoit due aux agrémens de la jeunesse du père. C'étoit un très honnête homme et très bon homme, considéré et encore plus aimé.»

Ce très honnête et très bon homme nous appartient ici. Son frère mourut bien avant lui. Voyez Dangeau. (28 septembre 1688): «Le comte de Beuvron est mort cette nuit. Il avoit un justaucorps en broderie et des pensions, et avoit été capitaine des gardes de Monsieur. Il avoit depuis deux ans déclaré son mariage avec mademoiselle de Téobon, dont il n'a point d'enfans.» – «Homme liant et doux, ajoute Saint-Simon (t. 3, p. 181), mais qui voulut figurer chez Monsieur, dont il étoit capitaine des gardes, et surtout tirer de l'argent pour se faire riche, en cadet de Normandie fort pauvre.»

On sait qu'il a été accusé, avec le chevalier de Lorraine et d'Effiat, d'avoir travaillé à l'empoisonnement de Madame. V. La Fayette.

Sa femme, fille du marquis de Théobon, «étoit une femme (Saint-Simon, t. 3, p. 186) qui avoit beaucoup d'esprit, et qui, à travers de l'humeur et une passion extrême pour le jeu, étoit fort aimable et très bonne et sûre amie.» Elle étoit «originairement huguenote (Journal du marquis de Sourches, t. 2, p. 190), mais, s'étant convertie, avoit été nommée fille d'honneur de la reine; et, quand on rompit la chambre des filles de la reine, Monsieur la mit auprès de Madame», la seconde Madame, qui l'aima beaucoup. V. ses lettres.

Le père des Beuvron avoit épousé, en 1626, Renée d'Espinay, sœur du comte d'Estelan. On disoit de lui:

Beuvron, espouse-tu

Saint-Luc, qui tant est belle?

Si tu veux estre cocu,

N'en espouse d'autre qu'elle.

Ah! petite brunette,

Ah! tu me fais mourir!

Il étoit lieutenant du roi en Normandie et gouverneur du vieux palais de Rouen (Montpensier, t. 2, p. 177). C'étoit un ami de Racan. «Les enfans de Beuvron, dit Tallemant des Réaux (t. 2, p. 367, de l'édition Paulin Paris), ont plus d'esprit que leur père.» Cet ami de Racan n'étoit donc pas un personnage très ingénieux. Sous la Fronde, en 1650, il reste fidèle au duc de Longueville, et résiste, à Rouen, à la duchesse et au parlement; toutefois (Motteville, t. 4, p. 16) on ne faisoit pas grand cas de lui à la cour. Il obtint alors pour son fils aîné (La Rochefoucauld, p. 436, édit. Michaud) la survivance du vieux palais.

Beuvron (le nôtre) a joué jusqu'à sa mort un grand rôle en Normandie (Voy. Saint-Simon, t. I, p. 117, 123), et ne fut pas toujours en faveur (Dangeau, 13 mars 1689).

Si ce n'est lui, c'est son frère, le favori de Monsieur (Mém. de du Plessis, édit. Michaud, p. 446, et Mém. de Montp., t. 4, p. 211), qui a commis le crime que reproche à un Beuvron ce couplet (Nouveau siècle de Louis XIV, p. 88)

On dit que Beuvron a gâté

Le grand chemin de la Ferté,

Qui fut jadis si fréquenté.

Une accusation plus grave a pesé un instant sur lui: la Brinvilliers, disait-on (Sévigné, 26 juin 1676), affirmoit qu'il avoit réellement empoisonné Madame. Ce bruit n'eut pas de suites.

Les Beuvron étoient parens de la comtesse de Fiesque, que nous allons voir entrer bientôt en scène. (Montpensier, t. 3, p. 104.)

Leur sœur (Catherine-Henriette d'Harcourt-Beuvron) mérite qu'on ne l'oublie pas dans un livre où il s'agit d'un grand nombre de divinités. Loret (26 avril 1659) l'appelle «l'admirable Beuvron». Elle venoit alors d'épouser le duc d'Arpajon, déjà deux fois veuf. Somaize (Précieuses, édit, Jannet, t. 1, p. 71) l'a inscrite sous le nom de Dorénice dans la grande compagnie des Précieuses. Elle n'eut jamais rien de ridicule. Sa beauté a trouvé grâce devant Tallemant des Réaux (chap. 304, t. 9, p. 75, de la 2e édition). Elle fut dame d'honneur de la Dauphine. Saint-Simon parle de sa «grande mine», de sa vertu, de son honneur intact (t. 1, p. 221).

Louis XIV lui fit de belles amitiés. Lors qu'elle fut nommée dame d'honneur, madame de Sévigné écrit (13 juin 1684): «C'est l'ouvrage de madame de Maintenon, qui s'est souvenue fort agréablement de l'ancienne amitié de M. de Beuvron et de madame d'Arpajon pour elle, du temps de madame Scarron.» Ce dire est confirmé par madame de Caylus (p. 4 de l'édit. de 1808), qui cite le marquis de Beuvron comme l'un des garants de la constante chasteté de sa tante.