Le Chevalier de Maison-Rouge. Dumas Alexandre

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Le Chevalier de Maison-Rouge - Dumas Alexandre

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style="font-size:15px;">      – Je n'ai qu'une voix, messieurs, elle a été pour qu'on lui rendît la liberté. Vous en avez six, elles ont été toutes six pour la mort. Va donc pour la mort.

      La sueur qui coulait sur le front de Maurice se glaça tout à coup.

      – Il va crier, hurler, dit la voix. Avez-vous au moins éloigné madame Dixmer?

      – Elle ne sait rien; elle est dans le pavillon en face.

      – Madame Dixmer, murmura Maurice; je commence à comprendre. Je suis chez ce maître tanneur qui m'a parlé dans la vieille rue Saint-Jacques, et qui s'est éloigné en se riant de moi, quand je n'ai pas pu lui dire le nom de mon ami. Mais quel diable d'intérêt un maître tanneur peut-il avoir à m'assassiner?

      – En tout cas, dit-il, avant qu'on m'assassine, j'en tuerai plus d'un. Et il bondit vers l'instrument inoffensif qui, dans sa main, allait devenir une arme terrible.

      Puis il revint derrière la porte et se plaça de façon à ce qu'en se déployant elle le couvrît.

      Son cœur palpitait à briser sa poitrine, et dans le silence on entendait le bruit de ses palpitations.

      Tout à coup Maurice frissonna de la tête aux pieds; une voix avait dit:

      – Si vous m'en croyez, vous casserez tout bonnement une vitre, et à travers les barreaux vous le tuerez d'un coup de carabine.

      – Oh! non, non, pas d'explosion, dit une autre voix; une explosion peut nous trahir. Ah! vous voilà, Dixmer; et votre femme?

      – Je viens de regarder à travers la jalousie; elle ne se doute de rien, elle lit.

      – Dixmer, vous allez nous fixer. Êtes-vous pour un coup de carabine? êtes-vous pour un coup de poignard?

      – Soit, pour le poignard. Allons!

      – Allons! répétèrent ensemble les cinq ou six voix. Maurice était un enfant de la Révolution, un cœur de bronze, une âme athée, comme il y en avait beaucoup à cette époque-là. Mais à ce mot allons! prononcé derrière cette porte qui, seule, le séparait de la mort, il se rappela le signe de la croix que sa mère lui avait appris lorsque, tout enfant, elle lui faisait dire ses prières à genoux. Les pas se rapprochèrent, mais ils s'arrêtèrent, puis la clef grinça dans la serrure, et la porte s'ouvrit lentement. Pendant cette minute qui venait de s'écouler, Maurice s'était dit: «Si je perds mon temps à frapper, je serai tué. En me précipitant sur les assassins, je les surprends; je gagne le jardin, la ruelle, je me sauve peut-être.»

      Aussitôt, prenant un élan de lion, en jetant un cri sauvage où il y avait encore plus de menace que d'effroi, il renversa les deux premiers hommes, qui le croyant lié et les yeux bandés, étaient loin de s'attendre à une pareille agression, écarta les autres, franchit, grâce à ses jarrets d'acier, dix toises en une seconde, vit au bout du corridor une porte donnant sur le jardin toute grande ouverte, s'élança, sauta dix marches, se trouva dans le jardin, et, s'orientant du mieux qu'il lui était possible, courut vers la porte.

      La porte était fermée à deux verrous et à la serrure. Maurice tira les deux verrous, voulut ouvrir la serrure; il n'y avait pas de clef.

      Pendant ce temps, ceux qui le poursuivaient étaient arrivés au perron: ils l'aperçurent.

      – Le voilà, crièrent-ils, tirez dessus, Dixmer, tirez dessus; tuez! tuez!

      Maurice poussa un rugissement: il était enfermé dans le jardin; il mesura de l'œil les murailles; elles avaient dix pieds de haut.

      Tout cela fut rapide comme une seconde.

      Les assassins s'élancèrent à sa poursuite.

      Maurice avait trente pas d'avance à peu près sur eux; il regarda tout autour de lui avec ce regard du condamné qui demande l'ombre d'une chance de salut pour en faire une réalité.

      Il aperçut le kiosque, la jalousie, derrière la jalousie la lumière. Il ne fit qu'un bond, un bond de dix pieds, saisit la jalousie, l'arracha, passa au travers de la fenêtre en la brisant et tomba dans une chambre éclairée où lisait une femme assise près du feu.

      Cette femme se leva épouvantée en criant au secours.

      – Range-toi, Geneviève, range-toi, cria la voix de Dixmer; range-toi, que je le tue! Et Maurice vit s'abaisser à dix pas de lui le canon de la carabine.

      Mais à peine la femme l'eût-elle regardé qu'elle jeta un cri terrible, et qu'au lieu de se ranger comme le lui ordonnait son mari, elle se jeta entre lui et le canon du fusil.

      Ce mouvement concentra toute l'attention de Maurice sur la généreuse créature dont le premier mouvement était de le protéger.

      À son tour, il jeta un cri. C'était son inconnue tant cherchée.

      – Vous!.. Vous!.. s'écria-t-il.

      – Silence! dit-elle.

      Puis, se retournant vers les assassins, qui, différentes armes à la main, s'étaient rapprochés de la fenêtre:

      – Oh! vous ne le tuerez pas! s'écria-t-elle.

      – C'est un espion, s'écria Dixmer, dont la figure douce et placide avait pris une expression de résolution implacable; c'est un espion, et il doit mourir.

      – Un espion! lui? dit Geneviève; lui, un espion? Venez ici, Dixmer. Je n'ai qu'un mot à vous dire pour vous prouver que vous vous trompez étrangement.

      Dixmer s'approcha de la fenêtre: Geneviève s'approcha de lui, et, se penchant à son oreille, elle lui dit quelques mots tout bas.

      Le maître tanneur releva la tête.

      – Lui? dit-il.

      – Lui-même, répondit Geneviève.

      – Vous en êtes sûre? La jeune femme ne répondit point cette fois: mais elle se retourna vers Maurice et lui tendit la main en souriant. Les traits de Dixmer reprirent alors une expression singulière de mansuétude et de froideur. Il posa la crosse de sa carabine à terre.

      – Alors, c'est autre chose, dit-il. Puis, faisant signe à ses compagnons de le suivre, il s'écarta avec eux et leur dit quelques mots, après lesquels ils s'éloignèrent.

      – Cachez cette bague, murmura Geneviève pendant ce temps; tout le monde la connaît ici. Maurice ôta vivement la bague de son doigt et la glissa dans la poche de son gilet.

      Un instant après, la porte du pavillon s'ouvrit, et Dixmer, sans arme, s'avança vers Maurice.

      – Pardon, citoyen, lui dit-il; que n'ai-je su plus tôt les obligations que je vous avais! Ma femme, tout en se souvenant du service que vous lui aviez rendu dans la soirée du 10 mars, avait oublié votre nom. Nous ignorions donc complètement à qui nous avions à faire; sans cela, croyez-le bien, nous n'eussions pas un instant suspecté votre honneur ni soupçonné vos intentions. Ainsi donc, pardon, encore une fois!

      Maurice était stupéfait; il se tenait debout par un miracle d'équilibre; il sentait que la tête lui tournait, il était près de tomber.

      Il s'appuya à la cheminée.

      – Mais

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