Le vicomte de Bragelonne, Tome II.. Dumas Alexandre
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– Une charmante fille d'honneur, se hâta-t-il de répondre,
Mlle de Montalais.
– Ah! ah! vous la connaissez, monsieur?
– Oui, c'est ma fiancée, ou à peu près.
– C'est autre chose, alors… Mille compliments! s'écria de Guiche, sur les lèvres duquel voltigeait déjà une plaisanterie de courtisan, et que ce titre de fiancée donné par Malicorne à Mlle de Montalais rappela au respect des femmes.
– Et le second brevet, pour qui est-ce? demanda de Guiche. Est-ce pour la fiancée de Manicamp?.. En ce cas, je la plains. Pauvre fille! elle aura pour mari un méchant sujet.
– Non, monsieur le comte… Le second brevet est pour Mlle La
Baume Le Blanc de La Vallière.
– Inconnue, fit de Guiche.
– Inconnue? oui, monsieur, fit Malicorne en souriant à son tour.
– Bon! je vais en parler à Monsieur. À propos, elle est demoiselle?
– De très bonne maison, fille d'honneur de Madame douairière.
– Très bien! Voulez-vous m'accompagner chez Monsieur?
– Volontiers, si vous me faites cet honneur.
– Avez-vous votre carrosse?
– Non, je suis venu à cheval.
– Avec cet habit?
– Non, monsieur; j'arrive d'Orléans en poste, et j'ai changé mon habit de voyage contre celui-ci pour me présenter chez vous.
– Ah! c'est vrai, vous m'avez dit que vous arriviez d'Orléans.
Et il fourra, en la froissant, la lettre de Manicamp dans sa poche.
– Monsieur, dit timidement Malicorne, je crois que vous n'avez pas tout lu.
– Comment, je n'ai pas tout lu?
– Non, il y avait deux billets dans la même enveloppe.
– Ah! ah! vous êtes sûr?
– Oh! très sûr.
– Voyons donc.
Et le comte rouvrit le cachet.
– Ah! fit-il, c'est, ma foi, vrai.
Et il déplia le papier qu'il n'avait pas encore lu.
– Je m'en doutais, dit-il, un autre bon pour une charge chez Monsieur; oh! mais c'est un gouffre que ce Manicamp. Oh! le scélérat, il en fait donc commerce?
– Non, monsieur le comte, il veut en faire don.
– À qui?
– À moi, monsieur.
– Mais que ne disiez-vous cela tout de suite, mon cher monsieur de Mauvaise corne.
– Malicorne!
– Ah! pardon; c'est le latin qui me brouille, l'affreuse habitude des étymologies. Pourquoi diantre fait-on apprendre le latin aux jeunes gens de famille? Mala: mauvaise. Vous comprenez, c'est tout un. Vous me pardonnez, n'est-ce pas, monsieur de Malicorne?
– Votre bonté me touche, monsieur; mais c'est une raison pour que je vous dise une chose tout de suite.
– Quelle chose, monsieur?
– Je ne suis pas gentilhomme: j'ai bon coeur, un peu d'esprit, mais je m'appelle Malicorne tout court.
– Eh bien! s'écria de Guiche en regardant la malicieuse figure de son interlocuteur, vous me faites l'effet, monsieur, d'un aimable homme. J'aime votre figure, monsieur Malicorne; il faut que vous ayez de furieusement bonnes qualités pour avoir plu à cet égoïste de Manicamp. Soyez franc, vous êtes quelque saint descendu sur la terre.
– Pourquoi cela?
– Morbleu! pour qu'il vous donne quelque chose. N'avez-vous pas dit qu'il voulait vous faire don d'une charge chez le roi?
– Pardon, monsieur le comte; si j'obtiens cette charge, ce n'est point lui qui me l'aura donnée, c'est vous.
– Et puis il ne vous l'aura peut-être pas donnée pour rien tout à fait?
– Monsieur le comte…
– Attendez donc: il y a un Malicorne à Orléans. Parbleu! c'est cela! qui prête de l'argent à M. le prince.
– Je crois que c'est mon père, monsieur.
– Ah! voilà! M. le prince a le père, et cet affreux dévorateur de Manicamp a le fils. Prenez garde, monsieur, je le connais; il vous rongera, mordieu! jusqu'aux os.
– Seulement, je prête sans intérêt, moi, monsieur, dit en souriant Malicorne.
– Je disais bien que vous étiez un saint ou quelque chose d'approchant, monsieur Malicorne. Vous aurez votre charge ou j'y perdrai mon nom.
– Oh! monsieur le comte, quelle reconnaissance! dit Malicorne transporté.
– Allons chez le prince, mon cher monsieur Malicorne, allons chez le prince.
Et de Guiche se dirigea vers la porte en faisant signe à Malicorne de le suivre.
Mais au moment où ils allaient en franchir le seuil, un jeune homme apparut de l'autre côté.
C'était un cavalier de vingt-quatre à vingt-cinq ans, au visage pâle, aux lèvres minces, aux yeux brillants, aux cheveux et aux sourcils bruns.
– Eh! bonjour, dit-il tout à coup en repoussant pour ainsi dire
Guiche dans l'intérieur de la cour.
– Ah! ah! vous ici, de Wardes. Vous, botté, éperonné, et le fouet à la main!
– C'est la tenue qui convient à un homme qui part pour Le Havre.
Demain, il n'y aura plus personne à Paris.
Et le nouveau venu salua cérémonieusement Malicorne, à qui son bel habit donnait des airs de prince.
– M. Malicorne, dit de Guiche à son ami.
De Wardes salua.
– M. de Wardes, dit de Guiche à Malicorne.
Malicorne salua à son tour.
– Voyons, de Wardes, continua de Guiche, dites-nous cela, vous qui êtes à l'affût de ces sortes de choses: quelles charges y a-t- il encore à donner à la cour, ou plutôt dans la maison de Monsieur?
– Dans la maison de Monsieur? dit de Wardes en levant les yeux en l'air pour chercher. Attendez donc…